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Les jeunes enfants et les femmes enceintes sont invités à fortement limiter, voire arrêter, leur consommation de certains poissons qui apporteraient trop de mercure, un poison pour le développement neurologique de l’organisme. Pourtant, ces recommandations ne prennent pas en compte la présence d’un élément trace important, le sélénium, qui neutralise la toxicité du mercure et elles gagneraient à mieux comprendre les interactions entre le mercure et le sélénium. Découvrez dans cet article l’importance de ce minéral et pourquoi nous devons en consommer.

Dangereux mercure…

Selon l’Agence sanitaire française (Anses) et l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), les poissons représentent la source principale d’exposition au méthylmercure, la forme méthylée du mercure présent dans l’environnement.

Consommer du méthylmercure n’a rien d’anodin puisque ce métal est un puissant neurotoxique. Selon l’OMS, même des petites quantités de mercure peuvent “causer de graves problèmes de santé et constituent une menace pour le développement de l’enfant in utero et à un âge précoce“.

L’Anses est du même avis. La femme enceinte est dans le collimateur de l’agence ainsi que les jeunes enfants, dont l’organisme se développe encore fortement.

L’OMS nous prévient que le méthylmercure et le mercure sont “toxiques pour les systèmes nerveux central et périphérique“, rajoutant que “des troubles neurologiques et comportementaux peuvent être observés après exposition aux différents composés de mercure par inhalation, ingestion ou contact dermique“. Les symptômes ne sont franchement pas attirants selon l’organisation : “tremblements, insomnies, pertes de mémoire, effets neuromusculaires, maux de tête et dysfonctionnements moteurs et cognitifs“.

Les poissons, une source majeure de mercure

Les poissons accumulent ce méthylmercure tout le long de la chaîne alimentaire. Autrement dit, plus un poisson est au sommet de la chaîne alimentaire, comme les requins ou les thons, et plus sa chaire sera concentrée en dangereux mercure.

Si l’on se fie aux recommandations de ces deux grandes agences de santé publique, nous ne devons pas consommer plus de deux fois par semaine “les poissons gras“, et notamment du saumon, du maquereau, de la sardine, de l’anchois ou encore du hareng.

faudrait également “diversifier les espèces de poissons consommées” et pour les femmes enceintes et les enfants de moins de 30 mois, tout simplement d’éviter les requins, les lamproies, les espadons ou les marlins.

Une très grande variété d’espèces doivent également être fortement limitées selon l’Anses, telle que les anguilles, le flétan de l’Atlantique, la dorade, les raies, les bonites ou encore le thon1.

Nous voilà prévenus. La consommation de poissons est donc d’un côté largement bénéfique pour la santé, avec les nombreux nutriments (vitamines, acides gras, protéines, oligoéléments, etc.) mais qui présente de l’autre côté un risque pour la santé, si l’on regarde les concentrations en mercure.

Pourtant, si l’histoire de l’intoxication au mercure est bien réelle, avec des conséquences graves pour la santé des foetus et des jeunes enfants, nos agences sanitaires nationales et internationales oublient systématiquement de mentionner un autre élément important de cette histoire. Le sélénium.

Qui dit mercure, dit sélénium !

Le sélénium est un oligoélément présent à l’état de trace dans l’environnement. Sa présence dans l’organisme est importante pour assurer un rôle de protection contre les dommages oxydatifs, notamment responsables du vieillissement cellulaire et de la dégradation de fonctions cognitives.

Mais le sélénium est aussi connu depuis plus d’une quarantaine d’années pour son effet protecteur contre… le mercure2 3!

Le sélénium agirait selon deux mécanismes :

  • Par séquestration du méthylmercure. Ce processus rend le méthylmercure inactif et non toxique.
  • Par l’activité enzymatique des sélénoenzymes. Ces enzymes participent à la protection du système nerveux et à leur protection contre les stress et les dommages oxydatifs.

En gros, on parle d’un ratio “sélénium / méthylmercure” pour estimer la toxicité d’un aliment. Le méthylmercure seul ne pourrait pas être le meilleur indicateur de la toxicité générale de l’aliment.

L’étude du ration Sélénium / Méthylmercure

Il y a 10 ans, une équipe de l’Université du Dakota du Nord aux États-Unis a étudié la toxicité du méthylmercure chez des rats mâles (Long Evans), avec en parallèle l’effet supposé protecteur du sélénium4.

Dans cette étude, les auteurs démontrent que plus la diète des rats est riche en sélénium, moins le méthylmercure devient toxique (avec pourtant des concentrations 20 fois plus élevées que celles retrouvées dans les poissons), jusqu’à une disparition complète de toxicité avec une diète riche en sélénium.

Des résultats encourageants sur un modèle animal, puisque les auteurs ont utilisé des concentrations en sélénium dans les gammes moyennes que l’on retrouve dans les poissons fréquemment consommés (entre 0,1 et 15 μmol Se/kg). Ces derniers invitent à mieux prendre en compte l’importance du ratio sélénium / mercure pour mesurer la toxicité de ce dernier.

La même année, une étude publiée dans Biological Trace Element Research par deux scientifiques américains s’est penchée sur l’équilibre du méthylmercure et du sélénium dans 15 espèces de poissons, représentant plus de 400 individus analysés5.

Parmi les 15 espèces étudiées, uniquement le requin Mako présente un profil Hg / Se défavorable alors que l’espadon est en équilibre en termes de ratio molaire.

Source: Kaneko 2007. YF, thon Yellowfin; MM, mahi-mahi; SJ, thon Skipjack, SF, marlin; WH, wahoo; AL, thon albacore; BE, bigeye; SP, sickle pomfret; SM, marlin rayé; BM, marlin bleu; OP, saumon des dieux; ES, escolier noir; TS, requin renard; SW, espadon; MS, requin mako.

En revanche, pour le marlin bleu, la whaoo, le mahi-mahi, ou deux espèces de thons, tous les ratios méthylmercure sur sélénium sont favorables, avec un excès de ce dernier.

Les auteurs de cette étude estiment que “cette considération intégrée des ratios molaires du sélénium et du mercure apporte une amélioration des standards de sécurité pour les produits de la mer et l’évaluation des risques environnementaux“, rajoutant que l’étude de ces ratios “apparaissent plus utiles que l’unique critère basé sur l’évaluation des concentrations en mercure seulement“.

Dans la même lignée, une étude publiée en 2014 par l’Université de Catania et de Modena et Reggio Emilia en Italie a étudié les concentrations molaires du mercure et du sélénium dans 6 espèces de poissons benthiques et pélagiques et de crustacés6.

Les scientifiques ont trouvé des résultats comparables aux précédentes études, à savoir des concentrations molaires en sélénium très souvent en excès par rapport au mercure. Le rapport Se / Hg le moins favorable est de 1,94, soit pratiquement deux fois plus de sélénium que de mercure.

Les auteurs de cette étude écrivent des conclusions similaires aux précédentes, en précisant que les “ratios molaires Se / Hg et les comparaisons entre le sélénium et le mercure sont des facteurs importants qu’il faudrait considérer dans le respect de la sécurité de la consommation de produits de la mer.

Ils précisent également que dans cette histoire de ratio entre le sélénium et le mercure, nous ne savons aujourd’hui pas exactement de combien il devrait être au-dessus d’un (autant de sélénium que de mercure) pour permettre une neutralisation complète du mercure dans l’organisme.

Plus récemment, cette année, une équipe de chercheurs japonais ont réalisé une analyse des concentrations molaires en mercure et sélénium de plusieurs crevettes commercialisées.

Cette étude publiée dans le Journal of Toxicological Sciences nous indique qu’en moyenne les ratios molaires du sélénium sur le mercure total étaient entre 16 et 160.

Des valeurs plutôt rassurantes pour les chercheurs japonais, qui précisent que “les crevettes disponibles dans le commerce ne représenteront pas un risque particulier important au regard de l’exposition au méthylmercure des consommateurs“.

Faut-il revoir les recommandations de consommation de certains poissons ?

Il est clair que le sélénium vient compliquer la compréhension que l’on a de la toxicité du mercure sur l’organisme.

Aujourd’hui, les études à notre disposition ne mettent pas clairement en avant le rôle bénéfique du sélénium chez l’homme, principalement par manque d’étude réalisée sur cette question, comme le suggère cette étude publiée en 2009 sur le risque de maladies cardiovasculaires7.

Toutefois, un essai clinique sur 23 participants avec des apports faibles en sélénium a mis en lumière en 2017 qu’une supplémentation en sélénium pouvait réduire le mercure présent dans les cheveux jusqu’à 30% sur une période de 4 mois8.

Toujours en 2017, une étude publiée dans Metabolic Brain Disease nous indique que des enfants atteints du spectre du désordre autistique (seulement 35 enfants) auraient des ratios molaires en sélénium, plomb et mercure fortement défavorables, indicateurs d’une “neuro-toxicité aux métaux lourds“, et de l’importance du sélénium9.

Finalement, afin d’illustrer l’importance de ce ratio molaire, mais également d’un indice plus performant dit Se-HBV pour “les valeurs bénéfiques du sélénium sur la santé”, plusieurs études pointent du doigt les dangers sur la santé pour les populations des îles Féroé de consommer des globicéphales10 11 12.

Selon les résultats de nos chercheurs de l’Université du Dakota du Nord en 2007, les globicéphales possèdent un Se-HBV très défavorable à -70, autrement dit, très peu de sélénium et beaucoup de mercure. Une consommation qui pourrait être à l’origine d’une baisse du neuro-développement chez des enfants féroïens durant les périodes sensibles du développement.

Pour conclure, la consommation de poisson, dans le sens large du terme, permet d’obtenir des nutriments et micronutriments importants pour le fonctionnement de l’organisme.

Écarter les poissons du revers de la main à cause de la crainte d’une intoxication au mercure n’est peut-être pas la meilleure solution, comme l’indique cette large étude d’observation publiée dans le Lancet13.

Des chercheurs ont ouvert une voie intéressante, d’autres études sont nécessaires pour faire évoluer les politiques de santé publique, et cela ne prend bien évidemment pas en compte les autres nombreux polluants que l’on peut retrouver dans les produits de la mer.


Notes et références

1. Les poissons à fortement limiter selon l’Anses: “baudroies ou lottes, loup de l’Atlantique, bonite, anguille et civelle, empereur, hoplostète orange ou hoplostète de Méditerranée, grenadier , flétan de l’Atlantique, cardine, mulet, brochet, palomète, capelan de Méditerranée, pailona commun, raies, grande sébaste, voilier de l’Atlantique, sabre argent et sabre noir , dorade, pageot, escolier noir ou stromaté, rouvet, escolier serpent, esturgeon, thon

2. Ralston, N. V., & Raymond, L. J. (2010). Dietary selenium’s protective effects against methylmercury toxicity. Toxicology, 278(1), 112-123.

3. Bjørklund, G. (2015). Selenium as an antidote in the treatment of mercury intoxication. Biometals, 28(4), 605-614.

4. Ralston, N. V., Blackwell, J. L., & Raymond, L. J. (2007). Importance of molar ratios in selenium-dependent protection against methylmercury toxicity. Biological Trace Element Research, 119(3), 255-268.

5. Kaneko, J. J., & Ralston, N. V. (2007). Selenium and mercury in pelagic fish in the central north Pacific near Hawaii. Biological trace element research, 119(3), 242-254.

6. Copat, C., Vinceti, M., D’Agati, M. G., Arena, G., Mauceri, V., Grasso, A., … & Ferrante, M. (2014). Mercury and selenium intake by seafood from the Ionian Sea: A risk evaluation. Ecotoxicology and environmental safety, 100, 87-92.

7. Mozaffarian, D. (2009). Fish, mercury, selenium and cardiovascular risk: current evidence and unanswered questions. International journal of environmental research and public health, 6(6), 1894-1916.

8. Seppänen, K., Kantola, M., Laatikainen, R., Nyyssönen, K., Valkonen, V. P., Kaarlöpp, V., & Salonen, J. T. (2000). Effect of supplementation with organic selenium on mercury status as measured by mercury in pubic hair. Journal of trace elements in medicine and biology, 14(2), 84-87.

9. El-Ansary, A., Bjørklund, G., Tinkov, A. A., Skalny, A. V., & Al Dera, H. (2017). Relationship between selenium, lead, and mercury in red blood cells of Saudi autistic children. Metabolic Brain Disease, 1-8.

10. Grandjean P, Weihe P, Joergensen PJ, Clarkson T, Cernichiari E, Videroe T (1992) Impact of maternal seafood diet on fetal exposure to mercury, selenium, and lead. Arch Environ Health 47(3):185–195

11. Grandjean P, Weihe P, White RF, Debes F, Araki S, Murata K (1997) Cognitive deficit in 7-year-old children with prenatal exposure to methylmercury. Neurotoxicol Teratol 19:417–428

12. Grandjean P, Weihe P, White RF, Debes F (1998) Cognitive performance of children prenatally exposed to “safe” levels of methylmercury. Environ Res 77:165–172

13. Hibbeln JR, Davis JM, Steer C, Emmett P, Rogers I, Williams C, Golding J (2007) Maternal seafood consumption in pregnancy and neurodevelopmental outcomes in childhood (ALSPAC study): an observational cohort study. Lancet 369:578–585

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3 commentaires
  1. Très intéressant ! Bravo :)
    Comment nous assimilons le sélénium par rapport au mercure dans l’organisme ? Ont ils la même durée de vie dans l’organisme ?

  2. Claudie

    Vous pouvez augmenter vos apports en sélénium en consommant régulièrement des “noix du Brésil”. Deux, trois noix du Brésil par jour sont suffisantes.

  3. Excellent article, merci !
    Néanmoins, il ne faut pas oublier que le sélénium est aussi toxique, et que la marge est très étroite entre les concentrations bénéfiques et toxiques (faibles !). Donc, ne pas se gaver de sélénium pour se protéger du mercure !

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