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Prenez environ 12 tonnes de déchets d’oranges. Jetez le tout sur un terrain entièrement décapé. Laissez agir pendant 15 ans. Et voilà le résultat, une forêt reprend vie !

Vous avez probablement tous vu cette vidéo sur les réseaux sociaux. Elle présente les travaux de deux écologistes, Daniel Janzen et Winnie Hallwachs, dans le nord du Costa Rica où près de 12.000 tonnes de pelures et de pulpes d’orange ont été déversées sur une zone dévastée.

Si l’on en croit la vidéo et le montage, les résultats sont impressionnants. La forêt aurait repris vie après avoir été oubliée durant 15 ans. Une forêt occupe désormais la surface entièrement recouverte de déchets de l’industrie agroalimentaire.

Si on est au départ enthousiaste du côté spectaculaire des résultats présentés dans la vidéo, le doute arrive très vite quant à la véracité de la vidéo, et de l’effet de ce traitement presque “magique”. Certains crient au fake, et pourtant, cette vidéo romance une réalité scientifique publiée très récemment dans un journal international de restauration écologique (télécharger l’étude ici).

Les pelures d’oranges, ça fonctionne !

Non ce n’est pas un fake, eh oui, les faits énoncés dans la vidéo sont bien vrai (et bien sûr confirmé par l’université impliquée dans la recherche). Les résultats ont été publiés par une équipe de plusieurs chercheurs de l’Université de Princeton, du Minnesota et de Pennsylvanie.

Les chercheurs ont comparé deux zones, la première n’a reçu aucun traitement (c’est le témoin) et la seconde a reçu les tonnes d’oranges. Au terme des 16 années d’expérience, voici les principaux résultats, et ils sont plus qu’impressionnants pour la zone traitée avec les oranges :

  • Jusqu’à 3 fois plus de diversité des espèces de plantes forestière
  • Une augmentation de 176 % de la biomasse en bois au-dessus du sol
  • Une augmentation significative des niveaux de macronutriments dans les sols traités
  • Une augmentation potentielle de la séquestration du carbone dans le sol
  • Une augmentation de la fertilité des sols traités

Les auteurs estiment que les déchets d’oranges ont permis d’apporter des minéraux essentiels, comme le fameux trio N, P et K (azote, phosphore et potassium) ou encore du calcium, du magnésium, du manganèse, du cuivre, du fer ou du zinc. En addition, les propriétés réductrices de ce déchet sont “particulièrement bénéfiques pour les sols acides et dystrophiques”, qui d’après les auteurs, concernent de nombreuses forêts tropicales dévastées à travers le monde.

Mais des oranges, ce n’est pas mauvais pour le sol ?

Impossible de ne pas y penser. On a tous entendu ou lu quelque part qu’il fallait éviter de mettre les déchets d’agrumes dans le compost au risque de le voir “mourir”, de l’acidifier ou d’autres problèmes. On se rend compte que l’on compare ici deux choses incomparables : un compost familial ou pour une ferme d’une durée de 6 à 12 mois, avec, de l’autre côté, un “paillage” industriel pour des surfaces énormes laissées à l’abandon pendant des dizaines d’années.

Dans la réalité de l’étude réalisée, le “mulch” d’oranges était particulièrement adapté pour la nature du sol, c’est un premier bon point, un sol pourtant acide. Mais ensuite, peu importe la nature du mulch, tant qu’il permet de réaliser une couverture du sol, d’enrichir en matière organique, d’entraîner des processus de dégradation et d’enrichissement du sol, de protéger les graines et les nouveaux plants, l’objectif est rempli.

En ce qui concerne les pelures d’oranges ou d’autres agrumes qui ne devraient jamais être mises dans le compost, manifestement, c’est une bien vilaine idée reçue. Si elle part d’un bon sentiment pour le cas particulier des lombri-composteurs, où un excès d’agrumes pourrait poser des problèmes, le compostage en bac ou en tas n’est pas incompatible avec ce type de déchet qui se composte… parfaitement !

Les perspectives et limites

Cette étude montre clairement qu’on peut réutiliser une masse énorme de déchets organiques issus de l’industrie agroalimentaire pour reboiser des surfaces forestières. Dans notre contexte actuel où les forêts du monde entier sont soumises à des pressions démesurées (feu d’origine humaine, activité minière, développement urbain, etc.), on pourrait revaloriser ces déchets en prenant quelques précautions.

Des précautions indispensables qui ne sont pas oubliées par les auteurs. Notamment les impacts potentiels d’épandages hors norme de tonnes de déchets alimentaires sur les ravageurs, les nuisibles, les éventuelles pollutions ou autres.

L’idée d’épandre des déchets agroalimentaires sur des surfaces dégradées pose évidemment des questions d’ordre politique et social. Cette étude en est le parfait exemple, puisque la société agroalimentaire à l’origine des déchets d’orange a et poursuivi par un concurrent. Toutes opérations de ce type au Costa Rica ont donc été freinées par une peur de procédure judiciaire.

On reste en contact ?

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3 commentaires
  1. Bonjour,
    Concernant la réalité de l’importance d’un apport de matières vivantes pour maintenir la vie du sol, ce n’est plus à prouver
    Je voudrais aussi attirer l’attention sur le fait que les pelures d’oranges habituellement consommées chez nous, si pas bio, ont reçu un tas de traitements avant et après la récolte, qd elles n’ont pas été ionisées! Bref, plus rien de naturel et de biodégradable et vivant là-dedans (essayez de faire pousser des germes dans une boîte de pétri emplie de désinfectant, vous courrez droit à l’échec ou à une sélection de germes résistants, au pire)…
    bref, j’ai placé, durant les mois d’hiver 2010-2011, tous mes déchets d’agrumes dans le bac où se trouve mon bananier (parce que mon chat y faisait des saletés, et que les chats n’aient pas l’odeur de citrus.)
    L’année suivante, en intérieur, de surcroît, j’ai eu la surprise de voir germer un tas de petits agrumes!
    Bon, j’ai eu la flemme, je n’ai pas déplacé, et bcp sont morts; mais j’en ai gardé l’un ou l’autre que j’ai mis dans un autre pot. J’utilise d’ailleurs toujours moitié terreau, moitié terre de jardin (vivant). bref, qd je lis “la vie secrète des arbres”, je comprends bcp mieux quels processus entrent en jeu; Donc, non, rien de surprenant. Il faut simplement valoriser les déchets non frelatés pour un bon compost ;-) Merci pour tous vos articles très intéressants!

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