Offerts tous les 3 ou 5 ans, les bilans de santé censés repérer les personnes bien portantes qui ont en réalité des problèmes n’apportent aucun bénéfice selon la littérature scientifique. Ils exposent à des risques de surdiagnostics et de surtraitements encore mal connus.
Ne dit-on pas que l’enfer est pavé de bonnes intentions ? Et si ce célèbre adage pouvait s’appliquer au bilan de santé ? C’est en tout cas ce que suggère la vaste majorité des essais cliniques et des méta-analyses sur ce sujet : il n’y aurait aucun bénéfice à réaliser un bilan de santé chez des personnes sans problème, et les risques, eux, sont plutôt méconnus.
Le “check-up” remis en question ?
Qui n’y a jamais pensé ? Je me ferais bien un petit “check-up” ou un bilan de santé chez mon médecin traitant ! Mais pourquoi au juste ? Sans vraiment avoir de raison, les bilans de santé ont plutôt une image positive auprès de la population et des professionnels de santé. Ils permettraient de détecter dans la population générale, et sans symptôme avant-coureur, des maladies ou des problèmes qu’on pourrait traiter précocement.
C’est un peu l’idée des dépistages précoces des cancers, ceux-là mêmes qui sont controversés pour celui du sein, de la prostate ou même de la peau.
Mais dans les faits, réaliser un bilan de santé sans avoir de manifestation clinique ou de problème particulier n’apporterait aucun bénéfice.
Peu ou pas de bénéfices
En 20071, puis en 20122, deux études globales des évidences scientifiques (méta-analyses) ont été publiées sur ce sujet. L’objectif était de vérifier si les bilans de santé apportaient bien des bénéfices sur la mortalité ou la morbidité. Ces synthèses prennent en compte la mortalité toutes causes confondues, les décès par maladie cardiovasculaire et par cancer notamment.
Ces deux synthèses, dont la plus récente publiée par la sérieuse et indépendante revue Cochrane, rapportent des résultats négatifs. Les bilans de santé ne permettent pas de réduire la mortalité ou la morbidité.
Plus récemment, d’autres chercheurs ont étudié l’impact des bilans de santé sur la mortalité générale et par maladies cardiovasculaires.3 Si les bilans de santé permettaient bien d’améliorer certains marqueurs biologiques importants, comme la pression artérielle, ils n’ont eu aucun effet sur les variables les plus importantes : les cas de décès.
En 2014, deux études rapportent également des résultats négatifs. La première a voulu vérifier l’impact des bilans de santé offert aux Américains tous les trois ans, mais n’a pas pu démontrer le moindre bénéfice au regard de la prévalence du diabète (type 2), de l’hypertension et de plusieurs maladies cardiovasculaires4. La seconde rapporte des résultats identiques. Les bilans de santé n’ont eu aucun effet, négatif ou positif, sur la mortalité générale, et toutes les maladies cardiovasculaires5.
Des risques méconnus
Les bilans de santé s’apparentent à une forme de dépistage puisqu’ils impliquent la détection de problèmes de santé chez des personnes bien portantes. Or, on sait que tous les dépistages ouvrent la porte aux surdiagnostics et aux surtraitements. Allez donc lire mes articles sur le dépistage du cancer du sein pour vous en rendre compte.
Concernant les bilans de santé, les études précédentes confessent que le risque de surdiagnostic et surtraitement n’a pas été bien étudié ou bien non pris en considération. Toutefois, des cas de surdiagnostics sont avérés, notamment la multiplication des actes invasifs et des consultations. Sans parler de la multiplication de faux positif ou faux négatif.
Que faire ?
À la lumière des études réalisées sur ce sujet, de jeunes adultes bien portants n’auraient rien à gagner de faire un bilan, ou un “check-up” régulièrement. Cet article n’est pas une invitation à refuser la moindre consultation ou d’aller voir son médecin traitant si on a des signes visibles d’une dégradation de l’état de santé.
Autrement dit, on a ici une sérieuse piste d’économie que l’on pourrait réaliser avec une mesure remboursée qui n’a pas démontré de bénéfice dans la population générale.
À retenir : sans le moindre symptôme, si vous vous sentez bien, vous n’allez selon les plus récentes et sérieuses évidences scientifiques tirer aucun bénéfice d’un bilan de santé. Au contraire, vous vous exposez au risque de surdiagnostic et de surtraitement, mal évalué dans cette situation. Si vous avez une douleur, une fatigue persistante ou tout simplement un doute, alors consulter ne fait aucun doute. Soyons clairs.
Références
1. Boulware, L. E., Marinopoulos, S., Phillips, K. A., Hwang, C. W., Maynor, K., Merenstein, D., … & Daumit, G. L. (2007). Systematic review: the value of the periodic health evaluation. Annals of internal medicine, 146(4), 289-300.
2. Krogsbøll, L. T., Jørgensen, K. J., Larsen, C. G., & Gøtzsche, P. C. (2012). General health checks in adults for reducing morbidity and mortality from disease: Cochrane systematic review and meta-analysis. Bmj, 345, e7191.
3. Si, S., Moss, J. R., Sullivan, T. R., Newton, S. S., & Stocks, N. P. (2014). Effectiveness of general practice-based health checks: a systematic review and meta-analysis. Br J Gen Pract, 64(618), e47-e53.
4. Caley, M., Chohan, P., Hooper, J., & Wright, N. (2014). The impact of NHS Health Checks on the prevalence of disease in general practices: a controlled study. Br J Gen Pract, 64(625), e516-e521.
5. Jørgensen, T., Jacobsen, R. K., Toft, U., Aadahl, M., Glümer, C., & Pisinger, C. (2014). Effect of screening and lifestyle counselling on incidence of ischaemic heart disease in general population: Inter99 randomised trial. Bmj, 348, g3617.