Notre organisme est capable de nettoyer les déchets qui s’accumulent dans notre corps. On appelle ça l’autophagie. Ce procédé est impliqué dans l’apparition de nombreuses maladies, notamment neurodégénératives.
« Se manger soi-même »
L’autophagie résonne à la fois comme une promesse et un mystère pour nombre d’entre nous. Nous avons tous déjà pu lire ce mot au détour d’un article de presse, ou l’entendre dans une conversation au sujet du cancer.
Ce mot est associé aux fameux Nobel de médecine, gage de crédit et de prestige, et pour cause. Deux Nobel de médecine ont été successivement à des chercheurs travaillant sur l’autophagie, ou dit plus simplement, quand l’organisme décide de se dévorer lui-même.
Le premier Nobel sur l’autophagie remonte aux années 70. Le terme « autophagie » n’existait d’ailleurs pas encore.
L’honneur revient à un français, Christian de Duve, qui a inventé le terme d’autophagie. Il a montré l’existence du phénomène sans pouvoir réellement expliquer les mécanismes biologiques en jeu.
Difficile à l’époque. La recherche sur ce sujet est balbutiante.
Il faudra attendre 40 ans pour que le japonais Yoshinori Ohsumi remporte de nouveau le prix Nobel de médecine en 2016 pour ses travaux sur l’autophagie.
Il n’a rien inventé, mais a pu pousser la compréhension des mécanismes très loin… grâce aux levures.
Oui les levures qu’on utilise pour faire du pain ! Des travaux exceptionnels puisqu’ils ouvrent des voies de recherches majeures en biomédicale, et vous le savez bien, pour notamment viser à traiter des maladies graves.
Comme des Parkinson, Alzheimer, ou d’autres affections plus graves (cancer du foie, maladie du foie gras, etc)
Mais on ne retrouve pas ce processus de dégradation et de recyclage des déchets que chez les levures ou chez l’homme. C’était plus simple d’explorer la génétique chez les levures.
Il y a une augmentation conséquente des recherches sur l’autophagie au cours des 20 dernières années, montrant l’importance grandissante de ce champs de recherche.
Les mammifères sont tous dotés de ce mécanisme, mais aussi les moisissures, les plantes, les vers ou les mouches… Cette particularité si mystérieuse et prometteuse de nos organismes et le résultat d’une privation de nourriture répandue dans le monde du vivant.
Car oui nous allons le voir, le jeûne et la restriction calorique sont sous les feux des projecteurs puisqu’ils peuvent mettre en marche la machine nommée autophagie.
Oui, mais pour quel bénéfice ? Et les risques, ils existent ?
Avant d’aller plus loin dans la partie bénéfice/risque, on va rapidement découvrir l’acteur au centre de cette autophagie. Le lysosome. Oui, un autre nom barbare !
Le lysosome : les camions poubelles cellulaires
Si on peut comparer l’autophagie à l’ensemble de nos installations de gestion des déchets, les lysosomes sont les camions poubelles et les recycleurs de ces déchets cellulaires.
Ils interviennent dans les trois formes d’autophagie (micro, macroautophagie et celle avec des protéines chaperon) et s’occuperont d’absorber les déchets qu’on voudra bien leur donner.
Quand on parle de l’autophagie au sens large, on fait en réalité référence à la macroautophagie, la plus répandue et celle que l’on connaît le mieux avec l’action des camions poubelles nommée lysosomes.
Ces lysosomes vont donc être les acteurs de la digestion en interne des déchets et autres petits débris qui s’accumulent dans nos cellules, en permanence. Les deux phénomènes, l’accumulation de déchet et leur élimination sont tout à fait naturels et permanents.
Pour les plus pointus d’entre vous qui souhaitent affronter les termes les plus complexes, les débris formés de petites organelles ou d’autres protéines anormales seront enveloppés dans un phagophore.
Ce phagophore va progressivement devenir un autophagosome qui fusionnera avec le fameux lysosome, ou la centrale de recyclage, pour former un autolysosome. (1)
Maintenant, vous savez les grandes lignes du processus très complexe qu’est l’autophagie.
Enfin presque. Car l’autophagie n’est pas qu’un simple processus de nettoyage . Elle peut aussi s’attaquer aux virus et bactéries qui s’infiltrent dans nos organismes (2).
Alors j’aimerais bien illustrer un peu cette partie, mais ce serait vous inonder de graphique et de schémas incompréhensibles. Voici quand même une image extraite d’une étude qui vous montre rapidement l’étendue des chaînes biochimiques.
L’autophagie c’est donc de très nombreuses réactions et processus biochimiques. C’est complexe et bien sûr passionnant.
Mais pourquoi l’autophagie concentre-t-elle autant d’attention de la part de chercheurs du monde entier ?
Quand l’autophagie déraille, la maladie s’emballe !
En soi, l’autophagie est un processus naturel de nettoyage de l’organisme. Rien de franchement particulier là-dedans. Comme les reins, l’autophagie joue pleinement son rôle dans notre organisation interne.
Sauf que des éléments scientifiques et médicaux viennent pimenter un peu cette affaire d’autophagie.
De plus en plus d’évidences montrent l’association inverse entre autophagie et certaines maladies. Surtout des maladies neurodégénératives, mais aussi certains cancers et maladies auto-immunes.
Par association inverse, je veux dire que moins l’autophagie est active ou fonctionnelle plus on augmente le risque de certaines maladies.
On trouve ces liens d’une manière assez claire dans les lourdes maladies qui touchent le cerveau : Parkinson, Alzheimer et Huntington.
Des maladies graves qui arrivent tardivement dans la vie des hommes et des femmes (aux alentours des 80 ans pour Alzheimer par exemple) et pour lesquelles nous n’avons malheureusement aucun traitement efficace.
En revanche, côté prévention, vous avez un article de mon cru détaillant les leviers à votre disposition pour essayer de réduire ce risque.
Pour Alzheimer, les autopsies et analyses des cerveaux de personnes avec ou sans Alzheimer ont montré d’étonnantes différences qui concernent l’autophagie.
En temps normal, le dernier stade de digestion et d’évacuation des déchets avec la fusion entre l’autophagosome et le lysosome se déroule normalement.
On trouve peu d’autophagosome dans des tissus sains.
Mais c’est tout le contraire chez des patients atteints de la maladie d’Alzheimer. On retrouve ces vacuoles en grand nombre. Pourquoi ? On ne sait pas vraiment, mais il semblerait que la chaîne de recyclage soit bloquée à cette étape-là.
Bilan des courses ? Les déchets s’accumulent au lieu d’être évacués.
Cette première observation nous révèle toute la difficulté de la situation. Ce n’est pas « l’autophagie » au sens large qui est défaillante, mais bien des maillons précis de la chaîne ci et là, en fonction des maladies et des cas.
Ce qui rend d’autant plus difficiles les réparations des maillons défectueux et éviter de n’aggraver la situation.
Car c’est exactement le sens de la conclusion d’une vaste synthèse des études sur le rôle de l’autophagie dans les maladies neurodégénératives type Alzheimer (3).
Cette équipe affirme, surtout par rapport aux agents capables d’induire l’autophagie, qu’il faut être extrêmement prudent sur la dose du traitement, la période et la conception du médicament doivent être étroitement surveillées « car une suractivation de l’autophagie pourrait entraîner des effets néfastes en accélérant la progression des maladies neurodégénératives. »
L’avertissement refroidit. On a l’impression d’être encore une fois en possession d’une arme à double tranchant. À la fois indispensable pour nous, on doit être vigilant sur nos bidouillages pour éviter d’empirer la situation.
Jeûne, restriction calorique et cancer
Dans les prochains articles dédiés à ce passionnant sujet sur l’autophagie, nous allons détailler l’action du jeûne et de la restriction calorique sur l’autophagie.
On sait que l’autophagie est étroitement liée à la privation de nourriture qui a historiquement touché, et touche encore, de très nombreuses espèces de notre planète.
Or, aujourd’hui, nous pouvons bien entendu réaliser des périodes de jeûnes, avec une privation complète de nourriture, ou bien en limitant fortement les apports. On parlera plutôt de restriction calorique.
Une abondante littérature existe sur ces deux pratiques en lien avec l’autophagie.
Découvrez les deux enquêtes sur ce sujet :
Le jeûne et la restriction calorique pour activer l’autophagie
Peut-on activer l’autophagie avec le jeûne ou la restriction calorique ? Si oui, avec quelles conséquences pour la santé ? Éléments de réponses dans cet article inédit sur l’autophagie.
L’autophagie contre le cancer : l’arme à double tranchant
L’autophagie est présentée comme un miracle biologique qui nettoie notre corps et le protège donc des dégénérescences de nos cellules. Il faudrait l’activer contre le cancer. Pourtant, ce conseil pourrait être inefficace, voire dangereux. L’autophagie pourrait être impliquée dans la progression des tumeurs avancées et le développement de métastases. Elle pourrait toutefois aider contre les petits cancers, encore précoces. Rien n’est simple dans l’univers de l’autophagie quand il s’agit de cancer.
1 commentaire
Merci Jérémy de ce nouvel article !
Hâte de lire la suite, car j’ai un peu l’impression que cela correspond à ce que j’ai intuitivement entrepris comme changement dans ma façon de vivre de ces derniers mois !