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20 ans après des résultats décevants, l’hydroxychloroquine pourrait avoir un rôle à jouer dans la maladie d’Alzheimer. Promesse ou désillusion ? On vous explique tout.

© Robina Weermeijer| Unsplash

Du covid à la maladie d’Alzheimer ?

Une équipe internationale des chercheurs vient de jeter un pavé dans la mare de la maladie d’Alzheimer, avec l’identification d’un traitement prometteur.

C’est bien l’hydroxychloroquine (HCQ), connue pour son immense controverse dans le covid, qui est une nouvelle fois mise sur le devant de la sciène dans une maladie neurodégénérative où nous sommes totalement désarmés.

Car la maladie d’Alzheimer est un casse-tête médical et économique pour tous les laboratoires qui ont osé s’y intéresser.

Les découvertes et promesses thérapeutiques finissent bien souvent par des échecs retentissants, d’où l’importance de la prévention de cette maladie.

Les gendarmes du médicament naviguent en eaux troubles avec cette maladie, en donnant parfois son précieux sésame sur des bases fragiles voire inexistantes.

Je décris dans mon ouvrage « Santé, mensonges et (toujours) propagande » comment le gendarme du médicament français – la Haute Autorité de Santé (HAS) – avait pu recommander des traitements contre Alzheimer sans fondement clinique probant.

Une grossière erreur sous fond de conflit d’intérêts qui a été corrigée in extremis.

Plus récemment, c’est la Food and Drug Adminstration aux USA qui s’est prise les pieds dans le tapis avec ce problème de santé de plus en plus fréquent.

Elle a donné son feu vert (mais conditionnel) pour l’Aduhelm proposé par Biogen en dépit de preuve scientifique sérieuse, et même contre l’avis de son propre comité. Une décision qui a bien sûr entraîné un tollé et la démission de plusieurs experts de la FDA.

C’est dans ce contexte très glissant qu’une équipe vient de publier un travail très sérieux pour étudier la piste de l’HCQ dans le traitement de la maladie d’Alzheimer (1).

On va découvrir dans la suite de cet article pourquoi ce travail est extrêmement prometteur, sérieux mais doit nécessairement être pris avec précaution pour limiter les faux-espoirs et les déceptions pour les malades.

Il y a 20 ans, la déception

L’idée que l’HCQ puisse avoir un rôle positif dans l’évolution de cette maladie n’est pas nouvelle.

Un essai clinique avait déjà dans le passé scellé le destin de ce médicament contre cette maladie (2).

Cette étude clinique qui a suivi tous les standards de la recherche (randomisé, double aveugle et placebo) n’a pas pu mettre en évidence le moindre bénéfice de l’HCQ.

Pour autant, cette étude n’est pas parfaite. Aucune étude ne l’est.

Le nombre de participants fait défaut, avec moins de 150 participants en tout. Une taille insuffisante qui limite la puissance statistique de l’étude pour faire émerger des différences.

Autrement dit, nous avons peut-être raté le véritable effet de l’HCQ (un débat très prenant pour l’ivermectine également)

Car les essais cliniques plus récents qui évaluent des médicaments contre la maladie d’Alzheimer recrutent des centaines, voire des milliers de participants.

Cette étude a toutefois été suffisamment décevante et sérieuse pour stopper net toutes les tentatives d’évaluation de l’HCQ pour la maladie d’Alzheimer.

On ne retrouve plus aucun essai clinique passé cette date.

La « vie réelle » comme point de départ

C’est dans cette optique qu’une équipe internationale a gardé ces limitations en tête, et s’est aperçue que l’HCQ pourrait bien réduire l’apparition de cette maladie et des démences mentales associées.

Mais cette observation ne résulte pas d’un essai clinique.

Ils ont mené une analyse en « vie réelle ». Les fameuses études épidémiologiques prospectives qui ne permettent pas de faire de lien de cause à effet, et peuvent avoir de nombreux facteurs de confusion qui ternissent la validité des résultats.

Sauf que l’on peut faire une étude prospective de qualité. Ces travaux ne doivent pas être balayé du revers de la main, bien au contraire. Ils doivent être étudié en détail pour en mesurer les forces et les faiblesses.

Car de nombreux scientifiques se sont évertués à écrire des recommandations pour contrôler au mieux ces facteurs de confusion et favoriser une bonne interprétation des résultats.

Les auteurs ont donc choisi un protocole qui permettait de contrôler plusieurs sérieux problèmes méthodologiques qui entachent les travaux sur cette maladie.

Sans entrer trop dans le détail, ils ont :

  • Ajouté un comparateur actif, avec le methotrexate. C’est extrêmement important pour s’assurer que les deux populations suivent ensemble une démarche thérapeutique quasi-identifique.
  • Utilisé des plages de date différentes pour limiter le biais dans la détection de la maladie
  • Utilisé les différentes définitions des critères de la maladie pour s’adapter aux évolutions dans le domaine

Ils ont donc comparé deux groupes d’individus (plus de 100 000 participants) traités pour la même maladie (la polyarthrite rhumatoïde) , mais avec deux médicaments différents.

L’HCQ, très bien connu de nos jours, et le methotrexate, un antagoniste de l’acide folique.

Capture d’écran traduite de l’étude résumant l’effet positif observé en étude prospective avec l’HCQ, comparativement avec le methotrexate.

Ils se sont ainsi aperçus que l’HCQ pourrait réduire de 15 à 20 % (réduction relative) l’apparition de la maladie d’Alzheimer et les démences associées.

Trop beau pour être vrai ?

Mais la recherche médicale n’est pas aussi simple. Car cette équipe ne peut pas se permettre de poser uniquement sur la table une bonne étude épidémiologique.

Si on peut aussi démontrer un mécanisme biologique clair qui expliquerait l’action de l’HCQ sur cette maladie… la démonstration devient plus sérieuse et crédible.

Et c’est exactement ce qu’ils ont fait.

Ils ont fait une sorte de méga-analyse mêlant une étude épidémiologique de qualité et d’envergure avec des analyses génétiques et moléculaires plus fines, chez des modèles animaux.

Ces analyses-là sont beaucoup plus technique et poussée que les précédentes. Mais ces chercheurs ont bien réussi à montrer que l’HCQ agissait directement sur des mécanismes de causalité de la maladie d’Alzheimer.

Notamment sur la neuroinflammation de la zone touchée, sur les plaques amyloïdes et la phosphorylation de la protéine Tau.

Il y a donc bien des actions directes de l’HCQ sur points-clés du développement de la maladie d’Alzheimer.

Que reste-t-il à faire ?

Ce travail est important. Suffisamment pour peut-être relancer l’HCQ dans la course contre la maladie d’Alzheimer.

Mais pas n’importe comment. Pour convaincre, nous devrons nécessairement passer par des études cliniques comprenant assez de participants à risque de développer la maladie.

Ce n’est donc pas un cri de victoire pour autant. Cette maladie très délicate met très souvent échec les innovations thérapeutiques comme les repositionnements pharmaceutiques.

Les malades se retrouvent sans la moindre solution thérapeutique. Une situation très difficile à vivre, notamment dans le cas du déremboursement de médicaments inefficaces.

Il faudra désormais que des équipes avec des fonds conséquents s’investissent de ces travaux et décident de mettre en place un tel essai clinique. Mais dans la logique commerciale des laboratoires, il sera difficile de mobiliser des fonds pour un médicament tombé de longue date dans le domaine public.

Finalement, les auteurs avertissent que malgré une innocuité importante de l’HCQ, il faudra réaliser des dépistages d’arythmies cardiaques chez certains patients pour éviter les graves complications possibles.

Tout reste encore à faire.

On reste en contact ?

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