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J’ai réussi à piéger une nouvelle revue scientifique avec un article généré en 5 minutes par Chat GPT. Ce piège illustre à quel point il est facile d’avoir des “études” qui soutiennent certaines thérapies pourtant sans le moindre intérêt pour des malades.

© Emiliano Vittoriosi| Unsplash

« Prouvé scientifiquement »

Le cachet de la science est une arme redoutable. Elle fait souvent mouche auprès d’un public non averti qui y voit la garantie d’une évaluation rigoureuse avec des bienfaits scrupuleusement constatés.

Le fameux terme « scientifiquement prouvé » est un Graal que les commerçants de produits de santé ou compléments alimentaires recherchent. Car ce sera beaucoup plus de faciles de convaincre une audience si vous avez des arguments solides.

Quoi de mieux qu’une étude scientifique, en bonne et du forme, pour remplir cette tâche ?

Et les exemples dans le domaine ne manquent pas. J’en ai parlé récemment avec l’histoire des cristaux quantiques vendue à prix d’or en manipulant toutes les ficelles de la méthode scientifique… sans jamais vraiment s’en approcher.

Certains vont au-delà de la simple illusion et s’immergent dans l’impitoyable océan de la publication scientifique. Un monde gouverné par des éditeurs tout-puissants qui contrôlent des milliers de revues, qui seront responsables de la parution de millions d’études scientifiques.

Ces études scientifiques sont le fer de lance du monde académique.. et commercial.

Mon enquête sur le Bol d’Air Jacquier démontre comment la société Holiste a essayé d’obtenir le fameux cachet « scientifiquement prouvé » via des études d’une qualité déplorable et d’une rigueur plus que contestable.

Mais le visiteur en quête d’une solution naturelle pour des problèmes de santé n’ira pas enfiler son costume de Sherlock Holmes pour vérifier l’authenticité de ces travaux.

La confiance suffira, à défaut d’avoir du temps (et beaucoup de temps) et de l’expertise pour décrypter ces informations complexes.

Cette même confiance pouvait suffire pour un géant du vinaigre asiatique. Un magnat de l’agroalimentaire qui a pu se payer les services d’équipes scientifiques pour démontrer un effet statistiquement significatif du vinaigre sur le poids… Mais sans la moindre pertinence clinique en vie réelle.

La question devient éminemment sérieuse quand il s’agit de traitements d’importances capitales, pour traiter un cancer par exemple.

Et en matière d’études sur le cancer, on trouve de tout et n’importe quoi. Surtout n’importe quoi (voir mes exemples sur l’urine, l’huile végétale, l’ail ou encore le bicarbonate de soude).

L’accréditation artificielle

C’est dans ce contexte que je dois vous parler de ma démonstration. Et je n’irais pas par quatre chemins.

J’ai réussi à faire accepter pour parution une « étude scientifique » intégralement écrite par ChatGPT en 5 min top chrono. Juste le temps de donner quelques indications et de créer un fichier texte un minimum cohérent.

C’est à ma connaissance la première fois qu’une revue scientifique accepte ce genre de papier. Un papier où j’ai demandé à l’intelligence artificielle d’écrire les résultats incroyables d’une nouvelle thérapie contre le cancer au cours d’un essai clinique.

Et vous me connaissez. J’ai pris un malin plaisir à faire en sorte que cette étude ne puisse à aucun moment être prise au sérieux et accepté dans un journal… sérieux.

Pourtant. J’ai choisi une revue bien précise, le « British Journal of Healthcare and Medical Research » qui a été justement choisi par Guy Tenenbaum, Maurice Israël et Eric Berg pour obtenir cette fameuse accréditation scientifique.

Guy Tenenbaum, c’est un influenceur sur la santé qui souhaite révolutionner la prise en charge des malades du cancer grâce à son seul exemple, où le jeûne et les compléments alimentaires sont des armes quasi divines.

Cet influenceur parle dans l’une de ces récentes vidéos avec Thierry Casasnovas que de « plus en plus de médecin et professeurs » le suivent.

La science est la pierre angulaire du « samouraï ». Il balaie d’un revers de la main les accusations ou les « âneries » de sa méthode, puisque son protocole contre le cancer serait « prouvé scientifiquement ».

Oui ! Ils sont ainsi extrêmement fiers de publier leur dernière étude dans le « British Journal » comme ils l’appellent où même sa rédactrice, Nathalie Loth, n’hésitera pas à venir me piquer au vif sur ce qu’on pourrait appeler un exploit scientifique.

Car pour Guy Tenenbaum, si c’est « facile de faire une publication », ce n’est en réalité « pas si facile que ça, car les pairs vérifient la justesse des infos et s’il voit une erreur, ils refusent », mentionnant leur dernière réussite scientifique.

Sauf que j’ai fait voler en éclat le vernis scientifique et la rigueur assumée de cette revue, qui proposent « des manuscrits de haute qualité en accès libre et évalué par les pairs ».

Je vais vous raconter l’histoire de cette supercherie, avec en prime, la découverte d’une nouvelle revue prédatrice qui n’était pas formellement identifiée en tant que tel.

L’acceptation de la honte

Mon traitement révolutionnaire contre le cancer écrit en 5 min par une intelligence artificielle a été une petite partie plaisir quand on connait quelques règles avec CHAT GPT. Avec les bonnes consignes et un peu de patience, on peut rapidement et facilement obtenir des textes plus ou moins cohérents qui peuvent facilement tromper des audiences mal informées.

Je vous laisse apprécier les nombreux jeux de mots et toutes les autres subtilités pour s’amuser un peu…

Plus sérieusement, et peut-être plus grave, mais ce papier a été accepté pour publication en 9 jours sans la moindre relecture par les pairs. 9 jours, c’est peu.

C’est ridicule.

L’acceptation officielle d’une étude scientifique peut prendre jusqu’à 1 an dans certains cas (parfois plus, parfois moins.

Voici le mail d’acceptation de mon “étude” sans la moindre évaluation ni relecture par les pairs.

Rien.

Le papier transpire la supercherie à plein nez (il est accessible en PDF ici). J’ai fait écrire ce qu’on pourrait faire de pire, mais avec tous les codes du milieu.

  • Cette étude n’a par exemple aucun groupe contrôle soumis à un placebo.
  • Aucune référence scientifique n’existe
  • Les auteurs ont des noms sous forme de blagues dans des instituts fictifs hilarants. Vous avez par exemple mon co-auteur, Ticklish McBananapeel ou Chatouilleuse Peau de Banane qui travaille au Département de physique bizarroïde à l’Université de Snickerdoodle
  • Les résultats de l’étude sont incomplets avec les parenthèses encore présentes où je suis censé mettre les « résultats impressionnants »
  • Aucune analyse statistique bien sûr
  • J’ai inséré deux figures d’un article scientifique rétracté qui n’ont pas de lien avec ma molécule fictive en laissant les légendes et sans les insérer dans le texte
Une capture d’écran de la publication soumise et accepté avec des paragraphes générés aléatoirement et avec les parenthèses toujours vides qui attendent des “résultats impressionnants”.

Mais ce n’est pas tout.

Les circonstances aggravantes

Devant autant de facilité, j’ai voulu faire comme Maurice – le célèbre poisson rouge de la publicité – et pousser le bouchon encore un peu plus loin.

J’ai donc décidé de préciser à l’assistant éditorial que nous avions remarqué, après vérification, un petit oubli. Ce « petit oubli » ? Oh, que la moitié des participants étaient en fait mort à la suite de la thérapie sans le préciser dans l’étude.

En jaune, le mail où j’avertis les éditeurs que nous avons oublié de préciser que la moitié des participants sont morts dans notre étude. La réponse est lunaire : ils s’en fichent royalement et nous demande de payer les frais de publication.

La réaction de notre interlocuteur ? Circulez il n’y a rien à voir ! Cette personne m’a simplement rappelé de bien payer la somme demandée par le journal pour cette superbe étude !

Je décide de rajouter une couche.

Dans un nouveau mail, je lui précise que j’ai un ami chercheur qui est dans une situation bien délicate, car il aurait bien besoin d’avoir son nom sur une publication scientifique pour avoir un bon poste. En tant qu’ami, je peux bien lui rendre ce service et l’ajouter dans ce papier sans qu’il ait produit le moindre travail dessus ?

L’éditeur assistant accepte presque instantanément me précisant l’avoir ajouté avec succès !

Ce nouvel auteur et « ami » s’appelle le docteur Seymour Butts qui travaille à l’Institut de proctologie absurde en Absurdistan.

C’est pas mal, et cela représente surtout une méconduite scientifique, car un auteur d’une étude doit avoir participé significativement à sa réalisation, d’une manière ou d’une autre.

Mais je décide de rajouter quand même une 3ème couche, et pas des moindres. Je lui précise que nous souhaiterions finalement retirer le 9ème paragraphe de la méthode concernant l’agrément d’un comité d’éthique puisque nous n’en avons eu aucun !

La réponse ? Aucun problème ! Il me suffit de renvoyer une version révisée dans la laquelle je précise « qu’aucune autorisation éthique n’a été obtenue d’un comité indépendant ».

J’ai essayé d’envoyer les signaux les plus graves, le plus clairement possible pour espérer que ma publication soit refusée.

Cette revue ne fait pas partie des listes officielles des revues prédatrices qui acceptent n’importe quoi pour de l’argent. Pour autant, un œil averti peut repérer assez facilement une revue ambiguë.

C’était le cas ici.

La ligne rouge

Sauf que cette petite démonstration n’a strictement rien d’extraordinaire, même si c’est une première avec l’utilisation de l’intelligence artificielle ChatGPT. Faire publier une étude en échange d’une somme d’argent est malheureusement monnaie courante dans ce milieu.

Je n’ai pas inventé l’eau chaude.

Ce que je montre ici, c’est comment des influenceurs utilisent ces mêmes revues scientifiques pour distiller des messages potentiellement dangereux à une audience vulnérable, avec des travaux discutables qui n’apportent aucune preuve d’efficacité d’une thérapie précise.

Vulnérable, car le cancer ne laisse jamais indifférent.

On peut devant le choc essayer de nombreuses choses, en jouant sur l’alimentation, le sport et même le jeûne. Et c’est même plutôt une bonne chose que de se reprendre en main en améliorant son hygiène de vie en parallèle des traitements.

Ces associations ont montré des bénéfices pour la survie des malades.

Mais les messages propagés par ces influenceurs dénigrent sans nuance la médecine conventionnelle, alors qu’ils ont eux-mêmes pu bénéficier des traitements de référence, comme j’ai pu le montrer dans mon enquête sur Guy Tenenbaum.

Ces messages peuvent avoir des conséquences chez les patients. Très récemment, Fred Evrard, un ami du « samouraï » est décédé suite à une récidive de son cancer colorectal. Un cancer qu’il a choisi de soigner avec des entrecôtes de bœufs, du froid et du jeûne en n’acceptant que trois séances de chimiothérapies sur les nombreuses recommandés.

Les positions de ces influenceurs peuvent même apparaître complètement surréalistes. Dans sa dernière vidéo, Guy Tenenbaum n’hésite pas nous dire face caméra que « de grands hôpitaux français utilisent certains de nos protocoles sur des patients en phase terminale », sans en dire davantage et sans qu’il soit possible d’en avoir la moindre confirmation.

Croiront-ils que ses compléments alimentaires et ses jeûnes font parti d’un protocole officiel reconnu par les autorités ? Il y a fort à parier que oui !

Il n’en est pourtant rien.

Cette absurde démonstration, dont j’avais déjà pu faire un premier essai il y a quelque temps, illustre comment certaines personnes peuvent utiliser les pires canaux de diffusions pour obtenir un crédit scientifique sans la moindre valeur.

Plus que jamais vous devez rester vigilant sur les sources d’informations, et encore davantage quand c’est “scientifiquement prouvé”.

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3 commentaires
  1. Bonjour Jeremy,
    Ah, ah, je vous attendais sur cette mise au point suite à la contre attaque de Tennebaum à votre encontre. Oui, je l’ai dénoncé plusieurs fois en commentaires de ses vidéos que les revues qui sont ses références n’ont aucune valeur scientifique puisque non validées par les pairs. Mais bon, ce Mr a raison sur tout et n’importe quoi et il rend responsable de sa récidive les gens qui ne sont pas d’accord avec lui et qui lui font savoir, un comble !

    Jamais la moindre remise en question pour cet imposteur. Il trouve le moyen pour définitivement faire rire ses détracteurs inviter une nouvelle fois Cassasnovas à ses logorrhées indigestes. Ce type ment à son auditoire qui continue malgré tout de boire ses paroles sans se poser la moindre question ce qui est bien triste et inquiétant.

    1. Bonjour Azambre,

      Il devient de plus en plus difficile de trouver des sources d’informations fiables, et même les revues scientifiques ne sont pas épargnées par la désinformation (bien au contraire). Il faut savoir développer des armes d’auto-défense intellectuelles pour affronter cette jungle informationnelle et faire le tri !

      C’est bien ce que je propose dans mes analyses !

      Au plaisir de vous lire

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