Pour mesurer efficacement l’utilité d’un médicament ou d’une thérapie quelconque – mais aussi son innocuité – il est impératif de bien comparer. Le groupe « contrôle » ou témoin est une nécessité bien souvent ignorée, avec l’existence d’un troisième groupe dont la présence est aussi très importante.
Sommaire
Moi, j’ai…
Si comparaison n’est pas raison, d’après le célèbre adage, ce n’est pas vraiment la même histoire quand on parle de médecine et d’évaluation thérapeutique.
Vous savez, on m’interpelle énormément sur Dur à Avaler par e-mails et commentaires pour me raconter de belles histoires de rémissions.
Ça commence souvent par « moi, j’ai pu soigner une grippe carabinée avec des fleurs de Bach ! ». Ou encore tout récemment un lecteur me rapportait comment il avait soigné l’emphysème (un problème pulmonaire) de son cheval avec de l’homéopathie.
L’homéopathie, de quoi on parle ?
Si le sujet vous intéresse, voilà des enquêtes qui répondent à la question de l’efficacité de l’homéopathie chez nous, mais aussi en application vétérinaire et si la pratique peut alléger les coûts de la Sécurité Sociale !
Et les exemples ne manquent pas ! J’ai reçu des dizaines de témoignages et de récits sur l’efficacité du reiki, sur des rémissions de cancer, sur le pouvoir des sourciers capables de trouver de l’eau n’importe où encore des guérisons grâce à la cure du foie et de la vésicule biliaire.
Je dois pourtant répondre à chaque fois la même chose. Inlassablement, je ne peux pas faire autrement. Et ça va être tout l’objectif de cet article. Vous faire comprendre pourquoi je ne pourrais jamais répondre autre chose.
J’explique à ces personnes qu’ils n’ont aucun moyen de savoir si ce problème de santé n’allait pas disparaître tout seul, avec ou sans un verre de sirop de menthe !
Car sans comparaison, dans l’évaluation médicale, la raison disparaît.
L’art de comparer
L’expérience du Jet Lag
Le Jet Lag est la désagréable conséquence du décalage horaire quand on voyage dans un lointain pays. En traversant les fuseaux horaires, notre horloge interne prend un certain temps avant de se synchroniser correctement.
Et la chiropraxie pourrait aider ! C’est du moins ce qu’a voulu vérifier une équipe finlandaise chez de jeunes athlètes de haut niveau qui voyagent souvent (1). Le Jet Lag est donc un problème si on veut être efficace pour la compétition.
5 sportifs ont bénéficié des soins réguliers d’un chiropraticien pour tenter d’améliorer la qualité du sommeil, l’humeur et les conséquences du Jet Lag.
Si les athlètes se sentent bien mieux grâce aux soins du chiropraticien, on pourrait être tenté de dire que la pratique a été salvatrice contre le Jet Lag.
Mais ce sera le second groupe suivi par le même spécialiste, mais ne faisant aucun geste précis et thérapeutique qui nous permet de comparer. Et ce groupe observe les mêmes bienfaits, avec la pratique « placebo ».
Conclusion : se faire masser d’une manière spécifique (chiropraxie) ou non (groupe contrôle) ont le même effet sur le Jet Lag de nos athlètes.
Sauf qu’il manque un troisième groupe !
Ce groupe est extrêmement important, pourtant souvent ignoré dans études scientifiques : on parle d’un groupe contrôle « libre » sans placebo. 5 autres athlètes n’ont bénéficié d’aucun massage.
Ce groupe nous montre que le Jet Lag évolue de la même manière que les autres. Autrement dit, dans le cadre de cette étude, on ne peut pas faire grand-chose contre le Jet Lag et la chiropraxie ne semble rien changer à l’évolution normale de ce souci d’horlogerie interne !
Voilà pourquoi des groupes comparatifs de qualité sont nécessaires. Il faut dans l’idéal :
Un groupe contrôle « placebo » qui recevra soit une pilule inerte sans principe actif soit un équivalent d’une thérapie manuelle, mais sans intention thérapeutique (un faux massage de reiki par exemple)
Un groupe contrôle « libre » qui ne prend ni médicament ni placebo. Ce groupe permet de suivre l’évolution libre de la maladie et permet d’affiner notre compréhension de l’effet thérapeutique.
Les effets indésirables des statines
Dans une expérience désormais célèbre, des chercheurs du Royaume-Uni ont voulu évaluer la dangerosité des statines chez une petite cinquantaine de participants (2).
Pourquoi ce sujet ? Car la prise de statine pour réduire le « mauvais » cholestérol (dont je détaille la réalité dans une récente enquête) est associée à de nombreux effets indésirables qui entravent rapidement la médication.
L’étude est éloquente puisqu’elle propose de suivre trois groupes.
- Le premier n’aura aucun traitement (notre groupe contrôle libre)
- Le second recevra une véritable statine
- Le troisième groupe recevra un placebo identique
Ces trois groupes nous permettent faire le tri entre l’effet réel des statines, celui d’un placebo et d’un groupe libre.
Et justement, on remarque – du moins dans cette étude – que les effets indésirables sont principalement déclenchés par la prise d’une gélule, même sans principe actif. Probablement à cause des attentes négatives très marquées !
Le troisième groupe permet de vérifier que l’effet observé est bien le résultat d’un « nocebo » et pas une simple variation aléatoire des symptômes (car on ressent tous plus ou moins des choses dans notre corps!)
L’acupuncture antidépressive
Je finirais la démonstration avec un dernier exemple, sur l’acupuncture. Cet art qui propose de changer les flux énergétiques du corps grâce à des aiguilles est très bien vu dans les milieux alternatifs.
Au début des années 2000, un groupe de chercheurs allemands évalue ainsi l’acupuncture pour le traitement de dépressions majeures (3). Ils vont créer les trois groupes décisifs pour avoir le plus de réponses possible.
Et la surprise est de taille. L’évaluation globale des états dépressifs montre que l’acupuncture factice a été aussi efficace – voire légèrement plus – que la véritable acupuncture, elle-même plus efficace que de ne rien faire.
Voilà presque une démonstration en escalier, où l’on constate que le soutien aux personnes atteintes de dépressions majeures apporte un véritable bienfait. Ce soutien pourrait être une séance d’acupuncture véritable ou factice… ce qui nous apporte des éléments de décision sur l’intérêt ou non de cette pratique.
Mais j’ai récemment écrit une enquête complète et détaillée sur l’intérêt de l’acupuncture avec des résultats étonnants et des activations physiologiques extrêmement intéressantes. Dans ce cas présent, il y a fort à parier que les maîtres acupuncture du groupe « placebo » ont redoublé d’efforts pour mimer la pratique et obtenir des résultats d’avantage positifs.
À retenir
Si les expériences individuelles ne sont pas inutiles, bien au contraire, elles ne sont bien souvent comparées à rien du tout. En l’absence d’un groupe comparatif, il nous sera bien difficile de savoir si :
- Un placebo aurait fonctionné tout aussi bien
- L’évolution naturelle de la maladie n’explique pas la guérison
Ces deux paramètres sont décisifs dans l’évaluation thérapeutique. Car on utilise souvent des remèdes de grand-mères ou homéopathiques pour des affections bénignes qui guérissent spontanément en quelques jours.
Notre propre évaluation sans groupe comparatif extérieur rend l’analyse désuète. À quelques différences près. Si une maladie guérit spontanément en 7 à 10 jours et que vous observez une guérison éclaire en 2 ou 3 jours… alors on pourrait se poser des questions.
Mais ces questions amèneront nécessairement à faire d’autres expériences qui incluront nos fameux groupes « contrôles » et « libres ».
C’est pour cette raison que je vous répondrai inlassablement la même chose.
Pour aller plus loin, vous avez également :