Le système de surveillance des médicaments repose essentiellement sur des déclarations spontanées passives, dont l’immense majorité ne sera jamais connue. Ce système est-il efficace pour nous protéger ? Peut-on lui faire confiance et comment peut-on l’améliorer ? Ce sera l’occasion de revoir l’histoire du Mediator, de la Dépakine et des vaccins anti-covid.
Sommaire de l’enquête
1. Médicaments sous surveillance
2. Sous-déclaration massive
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3. Sous-déclaration : la délicate estimation
4. Sous-déclaration sélective ?
5. La détection mise à mal ?
6. Mediator, où est le scandale ?
7. Des scandales… pour le meilleur ?
7.1 Indépendance et pouvoir du gendarme du médicament
7.2 La pharmaco-épidémiologie en renfort ?
7.3 Zoom sur les myo-péricardites vaccinales
Box : Dépakine, rien n’a changé ?
8. Pharmaco-vigilance : faut-il tout changer ?
Médicaments sous surveillance
Après de longs débats par commentaires avec des internautes, j’en suis arrivée à la conclusion qu’un article sur la pharmaco-vigilance était nécessaire.
Pourquoi ? Car la recherche des effets indésirables des médicaments est une priorité absolue pour établir le réel profil de sécurité et la balance bénéfice / risque de ces produits.
Ces données sont capitales pour évaluer en tant réel l’intérêt d’un médicament comme la pilule contraceptive, les statines, ou très récemment avec le beyfortus pour la bronchiolite du nourrisson. Des informations qui permettent aussi d’évaluer la force et la pertinence d’un signal, comme nous l’avons vu avec l’épidémie de décès en Australie après le vaccin Covid.
Car n’importe quel médicament expose à des risques. Ils doivent être identifiés le plus rapidement possible – dans l’idéal dès l’évaluation du médicament – ou bien rapidement après sa commercialisation via la surveillance en utilisation réelle.
Si dans le principe des garde-fous existent, même le lobby du médicament reconnaît de graves lacunes du système de déclaration actuel.
Un système passif avec un énorme problème de sous-déclaration des effets indésirables.
Sous-déclaration massive
Le système de surveillance des événements indésirables est principalement passif. Il se fonde sur la bienveillance et le professionnalisme des soignants pour déclarer les événements indésirables suspectés avec un produit de santé.
En conséquence, il est aujourd’hui admis que 90 à 95 % des effets indésirables ne sont pas déclarés.
Alzheimer : la grande désillusion approuvée par le gendarme du médicament américain
Le gendarme du médicament américain (FDA) vient de donner une autorisation temporaire de mise sur le marché d’un médicament censé lutter contre la maladie d’Alzheimer. Un avis favorable en l’absence de preuve scientifique attestant de bénéfice clinique, et contre l’avis de son propre comité de conseil.
Mais comment les professionnels de la santé expliquent-ils cette situation incroyable ?
- Le manque de temps
- D’autres priorités de soins
- Des incertitudes sur la causalité avec le médicament
- Des difficultés pour remplir les signalements
- Un manque de prévention sur l’importance de ces déclarations
- Un manque de formation sur la procédure à réaliser
Ce ne sont pas les seuls facteurs qui vont façonner le comportement des professionnels de santé. La peur de paraître ridicule auprès des collègues en signalant des effets indésirables sans valeur clinique est importante chez les soignants.
Certains estiment aussi que les cas qu’ils observent n’auront aucun intérêt pour les connaissances médicales sur ce médicament (1).
Des chiffres choquants et des excuses inacceptables qui jettent le discrédit sur l’ensemble du système de surveillance des médicaments. Comment être rassurée dans de telle circonstance ? Cette sous-déclaration massive est-elle à l’origine des scandales sanitaires ?
Bien ce n’est pas si simple que ça. Ce chiffre de sous-déclaration doit être compris et analysé dans le détail pour bien comprendre les implications.
Mais la pharmacovigilance aujourd’hui ne repose pas uniquement sur sa forme passive. Il existe des formes actives, et de nouveaux modèles de surveillance qui complètent l’arsenal actuel avec la pharmaco-épidémiologie.
Des modèles crées à la suite de scandale sanitaire majeur, comme on le verra avec le cas du tristement célèbre Médiator.
Sauf que nous vivons dans le monde réel, et qu’aucune méthode n’est parfaite ni infaillible.
Car si la prescription des médicaments est importante pour des problèmes de santé spécifiques, le retour des professionnels de santé des potentiels effets indésirables est tout aussi capital.
Ce retour permet de mieux caractériser la balance bénéfice/risque d’un médicament et donc son utilité dans une population cible. Avec une sous-déclaration aussi importante, la balance bénéfice/risque d’un médicament peut-être sévèrement faussée.
Cet article est l’occasion de faire le tour de ce sujet d’importance quand on parle de médicaments.
On va tenter d’en savoir un peu plus sur les méthodes pour estimer la sous-déclaration des effets indésirables des médicaments.
Je vais un peu plus détailler le rôle de la pharmaco-épidémiologie (avec Epi-Phare) et ses applications récentes pour faire émerger de rares effets indésirables des vaccins à ARN messager contre le covid-19 (mais pas uniquement).
Sous-déclaration : la délicate estimation
Quand on prend ce sujet à bras le corps, on tombe rapidement face un dilemme. Comment fait-on pour estimer la sous-déclaration d’un médicament ?
Car si on admet que 90 % des effets indésirables d’un médicament ne sont pas déclarés, cela signifie que l’on sait combien d’événements indésirables on doit attendre.
Vous cernez toute la difficulté ?
Si on sait combien d’événements indésirables doivent être déclarés pour un médicament, c’est bien que nous avons alors les moyens d’avoir des retours plus ou moins exhaustifs de ces effets indésirables.
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1 commentaire
Bonjour Jérémy,
Je suis d’accord avec ta présentation du sujet à quelques remarques près qui concernent certains points de ton analyse mais aussi le système de traitement des déclarations.
Tu écris « Il existe des formes actives, et de nouveaux modèles de surveillance qui complètent l’arsenal actuel avec la pharmaco-épidémiologie. », « Cette pharmaco-épidémiologie permet de croiser les vastes données … pour faire émerger des signaux à risque ou bénéfique. ». Tu laisses entendre que la pharmaco-épidémiologie serait une pharmacovigilance active ce qui n’est pas le cas. Il est admis par les experts de la pharmacovigilance (et tu l’avais aussi admis) que la pharmaco-épidémiologie ne permet pas de détecter un signal. Elle est déclenchée après le signal pour le quantifier sans biais de déclaration. Epi-Phare travaille sur un programme de recherches défini. Par définition un EI imprévu ne peut pas être dans un programme préétabli.
Tu écris « Les essais cliniques en vue d’obtenir l’autorisation de mise sur le marché servent en partie à estimer précisément ces effets indésirables. ». Tu sais bien que les protocoles des études cliniques sont faits pour définir l’efficacité du produit et pas les EI. Certes les études cliniques arrivent à remonter des EI mais je conteste l’adverbe « précisément ».
Tu indiques en me citant : « Il précisait qu’il a fallu 22 mois (presque deux ans) à l’ANSM pour identifier ce signal. ». Je tiens à signaler que ce n’est pas une interprétation de ma part, mais les propres écrit de l’ANSM que tu as toi-même communiqués : « Les résultats de cette évaluation et de ce suivi ont été présentés et discutés collégialement lors du comité de suivi de l’ANSM avec le réseau français des CRPV du 27 octobre 2022, afin d’identifier des signaux potentiels et d’envisager les mesures à prendre. ». J’ai simplement fait le calcul janvier 2021 au 27 octobre 2022 = 22 mois.
Tu écris « Ce n’est qu’en juillet 2021, soit 7 mois après le début de la campagne ciblée et 2 mois après l’ouverture à toute la population, que les myo-péricardites sont un effet indésirable reconnu en France avec les deux vaccins anti-covid à ARNm. ». Mais comme tu le dis pour le médiator et la dépakine, il y a le signal et ce qu’en font les autorités. Or, début juillet 2021 99% des 12/17 ans, 93% des 18/24 ans, 89% des 25/39 ans, 83% des 40/54 n’étaient pas vaccinés. Quel vaccinateur a dit aux jeunes à vacciner les risques qu’ils prenaient afin d’obtenir leur consentement libre et éclairé ? On leur a fait croire qu’ils devaient être vaccinés pour protéger papy et mamy alors que les autorités savaient déjà que les vaccins covid ne protégeaient ni de l’infection ni de la transmission. Quel grand parent normalement constitué, s’il avait eu l’information des risques pour les jeunes, aurait accepté que ses petits-enfants se fassent vacciner pour le « protéger »? En 2022 on a encore eu un ministre de la santé pour prétendre qu’il n’y avait pas d’EI en lien avec les vaccins covid, c’est fou.
D’après les experts en la matière, la pharmacovigilance à déclaration spontanée est le seul moyen de faire apparaître un signal, ce que j’admets, d’où l’importance de réduire la sous-déclaration qui est essentiellement due à la négligence des professionnels de santé. Quand cela concerne un EI de plusieurs centaines de cas, il y aura bien quelques professionnels de santé consciencieux pour déclarer, mais quand cela concerne un EI grave de quelques unités la sous-déclaration des professionnels de santé est criminelle, car comme tu le dis si 100% n’est pas déclarés il n’y a plus de signal. Je crois que je ne verrai pas de mon vivant, et certainement mon petit-fils non plus, une incitation financière de l’Etat pour la déclaration des EI, lui qui a tout fait pour les minimiser. Tous les autres moyens de recherche ne répondent pas au besoin de suivre en temps réel l’apparition des EI. Les autres moyens font des recherches sur des bases existantes sur des périodes données, ce n’est pas de la pharmacovigilance.
Je pense que la proposition de l’association E3M, faite dans le cadre de l’enquête de l’OPECST sur les EI des vaccins covid, pourrait améliorer le système. Les EI non graves déjà connus n’auraient pas à être déclarer pour ne pas saturer le système. En contrepartie, il devrait être obligatoire (ndr : sous peine de sanction) de déclarer tout EI inconnu et tout EI grave connu ou inconnu car pour les EI graves il faut en définir la fréquence. Les critères de gravité sont, me semble-t-il faciles à définir : symptômes excessifs (température, maux de tête, douleurs), arrêt de travail pour les actifs ou symptômes similaires, hospitalisation, pronostique vital engagé, décès.