Les jeunes enfants doivent faire leur immunité pour avoir un organisme solide et résistant plus tard. C’est les bases de la théorie hygiéniste qui gravite autour des crèches et garderies. Mais multiplier les otites, infections respiratoires et gastros permet-il d’entraîner efficacement son système immunitaire ? Ou n’est-ce pas un pari risqué ?
J’ai une petite fille d’un an. Je n’ai pas besoin de préciser à quel point la parentalité change une vie et épuise littéralement toutes nos ressources… Les parents me comprendront.
Parmi les innombrables chamboulements d’une vie avec l’arrivée d’un nouveau-né, on retrouve la question des maladies et de la crèche.
Comme environ une famille sur trois en France, notre petite est à la crèche à plein temps. Et qui dit crèche, dit maladies.
C’est parti pour les laryngites, les petites grippes ponctuées d’un pied-main-bouche, quand ce n’est pas un épisode collectif de gastroentérites ou des otites à répétition. Si certains problèmes restent confinés à la prunelle de nos yeux, une bonne partie nous retombe dessus.
Un « fait » que tous les parents adeptes des garderies doivent accepter. Il faut juste être patient, car les enfants « font leur immunité » nous dit-on. Un passage obligé, presque nécessaire et salutaire pour la santé des enfants.
On entend fréquemment que les enfants issus des collectivités sont en meilleure santé plus tard, si on les compare aux enfants jalousement gardés par des parents ou des nounous à domicile.
Mais est-ce seulement vrai ?
Comme tous les parents, j’ai tendance à y croire.
Sauf que c’est quand même mon boulot d’avoir des réponses sourcées et fiables sur ces sujets. Tout comme j’ai dû me poser objectivement la question du rôle salvateur de l’allaitement maternel et des risques de fausses-couches avec la pratique du sport pendant la grossesse.
Est-ce que j’aide la future santé de ma fille en multipliant les infections bénignes pendant la petite enfance ?
À l’inverse, est-ce qu’une sollicitation aussi forte de son système immunitaire, avec son lot d’antidouleurs et d’antibiotiques, n’est pas dangereuse à court et moyen terme ?
Ces questions sont fondamentales pour prendre des décisions éclairées. Et s’il y a bien une chose que j’ai découverte dans ma récente vie de parent, c’est qu’une solution pratique pour les parents est souvent à risque pour nos chérubins (avec au hasard, le verre à bec, le transat, le trotteur, la tétine…)
L’hypothèse hygiéniste
Tout commence avec la théorie hygiéniste. Notre organisme développe son immunité dès lors qu’il entre en contact avec un pathogène. C’est simpliste. C’est presque grossier. Mais c’est vrai dans un certain nombre de cas.
Ce contact va créer une sorte de mémoire immunitaire qui nous promet une meilleure réponse à la prochaine rencontre avec le pathogène. On ne la fait pas deux fois à notre système immunitaire ultra-développé !
Sauf que cette théorie est bancale. C’est facile de le remarquer. On peut attraper la crève très régulièrement, à quelques mois voire semaines d’intervalles. Avoir la grippe n’apporte aucune espèce de garantie de vous protéger de la vague suivante.
Eh oui, si notre système immunitaire n’est pas stupide, les pathogènes non plus ! Il existe tellement de souches différentes que notre système immunitaire sera de toute façon touché par la maladie.
C’est d’autant plus vrai que ces maladies bénignes n’immunisent pas complètement, ni durablement. Le Covid-19 a été une énième démonstration. Si l’infection au Coronavirus procure une bonne immunité, cette dernière ne sera pas durable ni la garantie d’éviter une future (mais certes rare) réinfection.
Je ne parle pas de la varicelle ou de la rougeole. Ces maladies arrivent une seule fois dans une vie.
Et on touche du doigt le principe de la vaccination pour de nombreuses maladies infectieuses. On prépare l’organisme avec une injection adaptée pour éviter les complications de la maladie et obtenir une réponse immunitaire satisfaisante lors du véritable affrontement.
La balance bénéfice/risque de ces vaccins doit bien entendu être positive. C’est un débat normal, et il est sain d’en discuter comme pour tout médicament (comme nous avons pu le faire pour le vaccin anti-HPV, Covid-19…)
Mais revenons à nos moutons.
L’idée est donc que la multiplication des expositions aux virus et bactéries booste le répertoire immunitaire de nos enfants. Plus ils y seront confrontés jeunes, plus ils seront forts plus tard.
C’est un argument qui gravite autour des crèches. On dit d’ailleurs que les enfants qui n’ont jamais fréquenté de garderie se feront rattraper une fois à la maternelle ou à l’école. Ils seront des cibles parfaites, des « novices sans entraînement » pour des virus sans pitié.
Mais comment vérifier ça ? Il faut comparer les enfants des crèches avec les autres et répondre à deux questions.
- Pendant la période de crèche : les enfants en garderie devraient être davantage touchés par les maladies que les autres.
- Après la crèche, pendant la maternelle ou l’école : ces enfants issus des garderies devraient être moins touchés par les maladies.
Réservoirs de pathogènes
Les collectivités favorisent la propagation des virus et des bactéries. Plus vous avez d’enfants, et de nounous autour d’eux, plus vous augmentez les risques de contaminations.
Cette logique. C’est comme ça.
Les enfants crient, pleurent et éternuent en veillant à toucher et mettre tout ce qu’ils trouvent à la bouche et dans les yeux. Les microbes ne pourraient rêver mieux !
Et c’est vérifié dans les travaux épidémiologiques où l’on suit des enfants de moins de trois ans à la crèche et à la maison. Les premiers sont plus souvent malades que les autres.
C’est la fatalité dont je vous parlais en début d’article. Les jeunes parents qui ont recours à la crèche le savent : c’est la foire aux maladies. Au point où certains professionnels de santé parlent de « garderite » tellement c’est courant.
Une synthèse parue en 2024 confirme qu’intégrer une crèche ou une MAM (Maison d’Assistants Maternels) avant 5 ans est un facteur de risque pour les infections des voies respiratoires et du virus syncytial (ce virus est aussi responsable des bronchiolites, dont le rôle du Beyfortus fait débat ici).
Les infections gastriques avec Helicobacter pylori ou au cytomégalovirus sont aussi plus fréquentes dans les crèches (avec un doute raisonnable pour H. pylori dont le mode de transmission pourrait être préférentiellement à la maison)
En bref, on confirme le premier point.
Garder votre enfant chez vous, loin des autres « pestiférés », va forcément le protéger des infections, des épisodes stressants de fièvre, des cures d’antibiotiques… et de toutes les complications possibles.
Fièvre : l’effrayante et indispensable réaction de l’organisme
Nécessaire, désagréable, utile et dangereuse. Presque tous les adjectifs s’accordent avec la fièvre. On revoit ensemble son rôle, ses bénéfices sur notre immunité et tout un tas de choses très intéressantes.
Je peux vous dire que la première laryngite avec une quinte de toux ne laisse pas indifférent.
Mais alors est-ce une bonne idée de garder son bout de chou loin des virus ? N’êtes-vous pas en train de creuser sa « dette immunitaire » ?
Ou au contraire, n’êtes-vous pas en train de détériorer inutilement sa santé en l’exposant à tous les virus qui traînent ?
Fumeuse protection ?
Si tout le monde s’accorde pour dire que les enfants en garderie sont d’avantages malades que les autres (et c’est surtout valable s’il y a plus de 6 enfants ensemble), tout devient plus compliqué une fois à l’école.
Les médecins généralistes et pédiatres sont nombreux à constater qu’ils observent moins d’enfants malades à l’école qui ont fréquenté une garderie. Une manière de confirmer le second point, et donc la théorie hygiéniste.
Ces enfants ont développé une immunité robuste qui les protège durablement. Ce sont désormais les enfants non exposés durant la petite enfance qui attrapent toutes les maladies respiratoires et les otites.
Sauf que ce sont des impressions. Avons-nous de la matière pour confronter ces “on dit” avec une réalité scientifique et médicale ?
L’impression des pédiatres n’est pas en décalage avec la réalité. Une fois à l’école, les enfants qui sortent des crèches avec un lourd historique de maladies tombent moins souvent malades que les autres. Les scientifiques ont pu faire ces observations au Danemark, en Allemagne, en Suède, au Pays-bas, ou encore au Québec…
La stimulation exacerbée du système immunitaire apporte ainsi une protection contre les rhumes saisonniers, les otites et probablement contre les gastro-entérites.
Mais l’histoire n’est pas aussi simple que ça.
Le détail de ces travaux montre que la protection immunitaire accordée pendant l’école à ces enfants est légère, transitoire mais surtout ne compense pas l’énorme fardeau infectieux des premières années.
L’étude danoise qui a suivi pendant près de 13 ans plus d’un millions d’enfants décrit plutôt bien cette délicate situation.
En utilisant les données nationales du Danemark, cette équipe de Copenhague a évalué le risque d’infection des enfants et des adolescents en fonction de la fréquentation ou non d’une garderie avant l’âge de six ans.
Le risque infectieux a été estimé à travers la prescription d’antibiotiques. Ce n’est pas idéal, mais ça permet d’avoir une idée relativement intéressante, sur plus d’un million de participants et 4 millions de prescriptions médicales !
Là aussi, selon l’idée reçue dominante, les enfants en garderie devraient avoir plus tard moins de prescriptions d’antibiotiques que les autres grâce à des infections moins nombreuses et moins virulentes.
Ce travail révèle plusieurs points majeurs :
- Oui, les petits-bouts à la crèche ont bien plus d’infections que les autres qui restent à la maison (ou dans de très petites structures). C’est la partie en mauve à gauche où le risque d’infections explose.
- Dès l’entrée en maternelle ou à l’école, à partir de 3 ans, on observe une protection supérieure contre les infections pour les enfants issus des crèches. C’est la partie en orange, qui passe en dessous de la courbe bleue.
- Mais en grandissant, ces enfants placés avant 12 mois à la crèche ne bénéficieront pas d’une immunité supérieure et auront plus d’infections et de prescription d’antibiotiques à partir de 13-14 ans. L’inverse se produit… avec une augmentation de 50 à 70 % des infections (en mauve à droite).
- Globalement, sur toute la période de vie de ces enfants et futurs adolescents, le fardeau des infections de la petite enfance ne contre-balance pas le maigre bénéfice observé dans les premières années d’école (en orange).
La conclusion des chercheurs danois est logique, sans appel. Ils précisent que « l’accent doit être porté sur la mitigation de la transmission des maladies infectieuses dans les collectivités d’accueil en concentrant les efforts sur les plus jeunes ».
13 ans plus tôt, c’était une équipe québécoise qui avait montré que les enfants qui intègrent de larges structures d’accueil (type crèche) ont moins d’infections respiratoires et d’otites plus tard quand ils seront à l’école (entre 5 et 8 ans). Des observations qui confirment le sentiment des professionnels de santé.
Mais si cette équipe constate le même effet bénéfique, transitoire, elle arrive aux mêmes observations que leurs collègues danois.
Elle précise ainsi que “l’effet protecteur à long terme observé chez les enfants ayant commencé tôt à fréquenter un service de garde en grand groupe était insuffisant pour compenser l’augmentation initiale du risque et pour se traduire par un effet protecteur global pendant les huit premières années de la vie de l’enfant.”
Les études de ce type se suivent et se ressemblent. Au Pays-Bas, des chercheurs ont montré que les jeunes enfants de moins d’un an qui intègrent un service de garde collective ont plus de risques d’avoir une infection respiratoire ou une otite au cours des deux années suivantes.
La tendance s’inverse légèrement à partir de 4 ans, et jusqu’à 6 ans (date de fin de suivi de l’étude), avec moins d’infections touchant ces enfants (effet protecteur des infections). Toutefois, les auteurs observent que ces enfants vont davantage consulter des généralistes ou des spécialistes que les autres, avec un équilibre sur les prescriptions d’antibiotiques.
Qu’est-ce que cela signifie ? He bien que le “bonus” immunitaire accordé durant les premières années d’école ne fait pas le contre-poids sur les consultations et les prescriptions médicales.
Que peut-on en conclure ?
Oui, les infections procurent une forme d’immunité aux enfants en crèche dans leurs premières années d’école. Une protection relative, puisque le poids de ces infections à la petite enfance dépasse le maigre bénéfice après la crèche.
Les impacts ne sont pas négligeables.
Justement, une nouvelle étude danoise récente illustre bien les limites de la théorie hygiéniste. Les scientifiques ont suivi pendant 10 à 13 ans plus de 600 bébés pour évaluer la théorie hygiéniste.
Ils se sont demandés comment le poids des maladies infectieuses de la petite enfance (0 à 3 ans) pouvait affecter leur santé plus tard, quand ils auront entre 3 et 13 ans. Si on se fie à la théorie hygiéniste, et la construction d’un système immunitaire solide grâce aux nombreuses infections, les enfants les plus infectés devraient être les plus solides et bénéficier de moins de traitements que les autres.
Sauf qu’ils observent l’inverse.
Oui. Les enfants les plus durement touchés durant la petite enfance auront plus tard davantage de rhumes, de pneumonies et d’épisodes de fièvre que les autres. Ils seront plus souvent sous antibiotiques pour les rhumes et la fièvre, les pneumonies, les infections gastriques ou les otites.
Cette étude confirme les précédentes observations : plus un tout petit sera touché par diverses maladies infectieuses, plus son état de santé risque d’être dégradé plus tard. D’autres travaux mettent en avant le sur-risque d’asthme, d’allergies, de problèmes mentaux ou cardio-métaboliques avec ces infections à répétition.
Et cela pourrait sembler logique. Plus tôt et plus fréquemment on est touchés par des infections, plus souvent on sera exposés aux conséquences délétères de ces maladies et des médicaments associés.
L’exposition précoce et fréquente aux antibiotiques n’est pas sans conséquences.
Mais l’étude danoise n’évalue pas précisément le risque lié à la fréquentation d’une garderie. Elle montre, certes indirectement, que les infections à répétition durant la petite enfance peut avoir des conséquences négatives durables.
Or, on tombe plus souvent malade à la crèche. Inscrire son enfant à la crèche pourrait donc être un facteur de risque de développer des maladies plus facilement plus tard, et d’avoir recours à des antibiotiques.
L’infection « bénéfique »
Des sites pourtant archi-populaires comme Magic Maman transmettent ce genre d’à priori, sans nuance ni message de prudence. L’immunité acquise durant la crèche permettrait d’avoir moins d’otites ou de rhino-pharyngites.
C’est vrai. Mais le maigre bénéfice qu’on peut observer dans les premières années d’école fait pâle figure au regard des infections de la petite enfance. Le système immunitaire n’a pas besoin d’être stimulé à répétition pour devenir “mature”.
Surtout que l’on parle d’une période critique. Avant 1 ou 2 ans, les enfants sont incapables de décrire ce qu’ils ressentent et sont autrement plus vulnérables aux infections banales qu’à l’âge de 4 ou 6 ans. Une gastro-entérite avant 1 ou 2 ans expose à des risques de déshydratation importants.
Une étude finlandaise s’est proposée de suivre plus d’un millier d’enfants de 0 à 2 ans pour évaluer les conséquences directes de multiples infections de la petite enfance. Ils se sont concentrés sur les 10% qui ont le plus d’infections. Autrement dit, les plus vulnérables.
Ces enfants attrapent en moyenne près de 10 infections respiratoires par an. Environ les deux tiers auront 3 épisodes d’otites avec 3 traitements par antibiotiques. 35% et 13% de ces enfants ont eu une tympanostomie, pour drainer les fluides de l’oreille, et une adénoïdectomie (retirer les végétations). Finalement 12% auront de l’asthme à l’âge de deux ans.
Le larynx à cette période est encore très étroit et toute infection des voies respiratoires (type laryngite) peut fortement obstruer le passage de l’air.
En fait, ça pourrait presque sembler logique.
Quel pourrait être l’intérêt de multiplier les cas de grippes, de gastroentérites, d’otites qui n’apporteront pas une immunité durable avec des risques de complications (certes rares dans nos pays développés) ?
La varicelle est un bon contre exemple. C’est la maladie bénigne de l’enfance par définition que l’on va attraper qu’une seule fois (sauf très rares situations). Car la structure du virus est très conservée avec peu de variabilité génétique.
On développe une bonne immunité avec une infection significative qui permet de protéger pour le reste de la vie.
C’est la grande différence avec la grippe. Et ces infections à répétition compliquent considérablement la vie des parents, et des enfants. Des coûts supplémentaires pour la société en l’absence de bénéfice clair et durable, plus tard quand ils grandiront.
On réalise que la théorie hygiéniste pour nos enfants est fumeuse. Si on considère l’exposition aux maladies infectieuses, l’idée de protéger son enfant, surtout pendant la première année de vie, n’est pas déraisonnable. Bien au contraire.
Point trop n’en faut !
Il n’y aura aucune espèce de dette immunitaire pour les enfants gardés par les parents ou une nounou. Le but n’est pas de placer votre enfant dans une bulle stérile. Mais bien d’éviter qu’il ne soit en permanence malade. Car les enfants les plus fragiles ne sortiront pas forcément indemnes de cette épreuve immunitaire.
Et il faut bien faire la différence entre l’exposition aux pathogènes, et aux allergènes qui n’auront pas les mêmes conséquences sur l’organisme et la santé de l’enfant (voir justement notre enquête sur le lait cru, les allergènes et le risque d’asthme).
On peut donc envisager des alternatives ou des modifications pour limiter ce risque :
- Retarder l’entrée en crèche après l’âge d’un an (le plus critique)
- Choisir une crèche avec peu d’enfants (moins de 6 voir 8)
- Prioriser les établissements avec une politique stricte d’hygiène, des endroits aérés et des espaces extérieurs
Et le risque social pour ces enfants isolés ?
Même si ce sujet mériterait un article à part entière (ce qui sera probablement le cas), éviter la crèche ne sera pas un handicap social pour les enfants. Si on remarque un développement cognitif et du langage plus important chez les enfants en crèche, les différences ne sont pas certaines ni exceptionnelles.
On retrouverait même davantage de problèmes de comportement une fois à l’école avec les enfants issus des crèches et garderie… venant perturber les à priori qu’on pourrait avoir sur ce sujet. Tout va dépendre de la qualité de l’encadrement, que ce soit à la maison ou en garderie.
Tout est donc une histoire de balance. Les garderies simplifient énormément la vie des parents et remplissent un rôle essentiel dans les pays développés. En contrepartie, ces établissements favorisent la propagation des maladies qui peuvent avoir des conséquences négatives à long terme sur la santé de l’enfant. Tous les enfants ne seront pas logés à la même enseigne. Il y a une loterie physiologique avec tous les facteurs environnementaux qui vont modifier le risque infectieux.
6 commentaires
Intéressant, et apparemment contradictoire avec l’intuition que j’en avais (avec deux filles, maintenant adultes, placées en crèche).
Je n’ai probablement pas lu tous les mots de l’article mais je n’ai pas remarqué de mention du contexte social, qui fait que ce ne sont pas les mêmes familles qui placent leur enfant en crèche ou qui les placent en nourrice ou, encore moins, qui les font garder chez eux.
D’un autre côté, sur la sur-utilisation des antibiotiques chez les enfants qui ont grandi, après avoir été placés en crèche, est-ce que ça ne pourrait pas être lié à l’attitude des parents (majoritairement les mères encore, je suppose) qui, par habitude acquise pendant les maladies infantiles nombreuses liées à la crèche, font pression sur les médecins pour qu’ils prescrivent plus d’antibiotiques (ou opposent moins de résistance à ces prescriptions)…
Bonjour Pascal,
Merci pour les questions. C’est effectivement un point important que je n’ai pas explicitement détaillé dans l’article (je pourrais le rajouter éventuellement) car les études corrigent les facteurs socio-économiques majeurs. Ce n’est pas non plus l’idéal car cela introduit forcément des biais (les enfants ne sont pas tiré au sort dès la naissance avec une randomisation parfaite) qu’il faut bien garder en tête. Il y a eu en plus des programmes dans certain pays (comme en Suède) pour favoriser l’accès des crèches aux familles défavorisées, et cela pourait donc introduire des biais et des sensibilités aux maladies exacerbés.
Votre remarque est donc valide, mais les études présentées ont tenté de lisser ce problème en appliquant des correctifs et en faisant des analyses de sensibilités en fonction des différents paramètres. Autrement dit : on essaye de mesurer réellement l’effet des crèches.
Pour les antibiotiques, c’est aussi une bonne remarque qui mériterait de creuser. Est-ce le fait d’une prédisposition davantage comportementale plutôt qu’un fardeau immunitaire liée aux infections infantiles ? Etant donné que les études corrigent aussi ces biais, cela reste à voir. Mais les prescriptions d’antibiotiques peuvent aussi évoluer au grè des pratiques et des recommandations en vigueur, surtout dans des études au long cours.
Il est vrai que j’ai déjà entendu des parents faire pression pour avoir un traitement car “ça a assez duré !” mais je ne pourrais vous dire quelle est la portée de cette pratique, ni si elle est répandu et si les médecins y répondent majoritairement favorablement. Ce sont d’intéressantes pistes en tout cas.
Merci pour votre intervention :)
A vous lire
Très instructif!
Concernant le développement social des enfants hors crèche, il y a sûement d’importante différence entre les enfants uniques et les grandes fratries, bien que de nos jours la disponibilité des parents face à la béqille que représente les écrans doit être le facteur déterminant.
Concernant la conclusion sur la surstimulation de l’immunité à des âges précoces, que penser de l’inflation continue du calendrier vaccinal avant 24 mois?
Est-il illusoire d’analyser plus en profondeur et cibler les seules protection contre les maladies dont l’incidence est vraiment un facteur de risque important à une région, voire même une temporalité définie?
N’oubliez pas qu’on réclame des vaccins pour entrer en collectivités (crèche, école, garderie). On ne prend pas assez en compte ces épreuves immunologies.
@ Florent et Marie :
Je fais une réponse groupée car la réponse est de nature à convenir à vos deux commentaires.
C’est une bonne remarque. La stimulation de l’organisme des enfants par les vaccins n’est manifestement pas la même qu’une infection réelle (soit par la maladie visée ou d’autres). On peut d’ailleurs “choisir” d’une certaine manière quand injecter les vaccins quand son enfant est dans le meilleur état de santé, alors que des complications peuvent arriver en poly-infections ou des moments plus tendu. Globalement, les vaccins n’entraînent pas des effets qui rendent les enfants extrêmement malades, au point d’avoir des traitements sérieux (comme des antibiotiques). Le doliprane va rester le plus usité je pense si on veut apaiser une fièvre qui donne beaucoup d’inconfort.
Il y a aussi tout un débat justement sur le rôle de ces vaccinations pour prévenir d’autres infections, qui n’ont rien à voir avec la maladie visée. La littérature est abondante dessus, et rien n’est encore gravé dans le marbre. Ceci étant dit, les vaccins avec virus vivant atténué (BCG, ROR, varicelle…) peuvent apporter des bénéfices indirectes en améliorant la réponse immunitaire générale des enfants, avec des études montrant que terminer un schéma vaccinal avec ces vaccins-là (plutôt que des vaccins avec virus tués) réduiraient les infections et hospitalisations toutes causes confondues.
Si on considère les vaccins (avec des virus tués ou vivants atténués) comme des “épreuves immunologiques” alors que faut-il penser des épisodes aigues de pneumonies, gastro-entérites, otites purulentes et autres ?
En tout cas, les danois ont opté pour un calendrier vaccinale qui se termine par le ROR dans l’enfance, pour laisser, manifestement, l’enfant le plus longtemps possible avec une dernière immunisation avec un vaccin vivant atténué. Parfois, les calendriers peuvent faire des petites modifications avec des impacts importants. Mais c’est un sujet actuellement fortement débattu dans la communauté scientifique.
J’en ferais peut-être un article prochainement.
Au plaisir de vous lire
PS : j’ajoute une réflexion en lisant un article sur la “surcharge immunitaire” potentiel avec les vaccinations multiples.
L’exemple du ROR et du DTP est éclairant. Dans les deux cas, on va donner 3 “infections” distinctes à l’organisme des enfants. Mais dans le premier cas, avec des virus vivants atténués, on réalise que les enfants sont protégés pour d’autres infections (augmentation d’une réponse immunitaire générale) à la différence du second où l’on note l’inverse (augmentation du nombre d’infections non liées aux virus ciblés par le vaccin).
Dans cet exemple montre que même une triple infection simultané par le ROR apporte des bénéfices croisés et indirects sur d’autres infections, suggérant donc que la surcharge immunitaire n’a pas vraiment lieu. Mais le second exemple montre que la nature du virus dans les vaccins pourrait avoir un rôle important dans les bénéfices à long terme et indirect de ces vaccins.
C’est donc un sacré débat !