Aucun fruit ni légume. La tendance du régime carnivore inquiète les nutritionnistes, mais comble de joie les adeptes. De la viande, du gras animal, des abats et des œufs pour se nourrir en permanence. L’idée est-elle folle ou sérieuse ? Enquête.

Sommaire
Homo carnivora
Aux antipodes de la tendance actuelle, certaines personnes estiment que l’homme est un carnivore qui doit se nourrir comme un prédateur !
De la chair animale bien saignante, des œufs, avec des kilos de graisses saturées et de cholestérol en guise de fondamentaux pour maintenir une bonne santé.
Notre physiologie est faite pour extraire le maximum de nutriments des produits animaux, avec très peu d’effets indésirables, et sans les anti-nutriments présents dans les végétaux (lectines, phytates, saponines…)
Cette position est en décalage total avec la presse mainstream qui détaille régulièrement les bienfaits d’une alimentation pauvre en produits animaux, et la tendance vers le végétarisme pour réduire son impact environnemental.
Une presse qui faisait encore récemment ses choux gras d’une nouvelle étude incriminant la consommation de beurre. Une plaquette riche en acides gras saturés qui augmenterait le risque de mourir d’une maladie cardiovasculaire et d’un cancer !
Notre cerveau colossal serait aussi le résultat d’une consommation excessive, voire exclusive de viandes et graisses animales principalement saturées. Après tout, il est composé à plus de 50 % de gras !
Ce mouvement avance que l’alimentation carnivore permet de régler de nombreux problèmes de santé et mentaux.
- Perte de poids importante
- Normalisation de la glycémie
- Disparition du diabète
- Digestion facilitée
- Fin des épisodes dépressifs
- Une qualité améliorée de la peau
- Plus d’énergie mentale et de vitalité
On retrouve de plus en plus de médecins influents (surtout américains) qui font la promotion de la diète carnivore. C’est toujours la même mécanique bien huilée :
- ils observent des améliorations significatives de l’état de santé de nombreux patients.
- Ils écrivent des livres qui deviennent des best-sellers.
- Ils font des shows et le mouvement devient populaire
Les coachs sportifs leurs emboîtent le pas. Ils attestent obtenir des résultats fantastiques chez des athlètes, des sédentaires, des adolescents… en privilégiant exclusivement les produits animaux.
Des témoignages suffisants pour soutenir la pratique.
Mais il y aurait aussi des « preuves naturelles », et scientifiques modernes.
Mais alors, cette position est-elle aujourd’hui logique, et positive pour la santé ?
Ou bien est-ce simplement une réponse provocante à certains mouvements végétaliens qui considèrent l’homme comme un frugivore ?
Irène Grosjean faisait partie des influenceuses francophones à défendre l’anatomie et la physiologie profondément frugivore de l’homme. Une légende qui gravite dans l’univers de la naturopathie. Des ongles plats, aucune canine acérée, et une mâchoire sans puissance pour déchiqueter de la viande et broyer des os. Nous sommes de piètre carnivore, si on se compare aux guépards.
Mais nous ne sommes pas des guépards. Car l’homme a rapidement su obtenir un avantage dans la chaîne alimentaire grâce à ses capacités cérébrales et son esprit d’équipe pour devenir un redoutable chasseur.
N’y a-t-il pas derrière cet étrange phénomène un véritable débat sur nos attributs anatomiques et physiologiques en lien avec notre alimentation ?
Faut-il toujours regarder dans le passé pour mieux nous comprendre, et si oui, jusqu’à quand ?
Finalement, que sait-on vraiment des impacts à court, moyen et long terme de la diète carnivore ? Les adeptes et promoteurs de ce mouvement usent-ils de sources sérieuses ou d’arguments fallacieux discutables ?
Est-ce une diète fondamentalement différente de la diète cétogène pauvre en glucides ?
L’évolution en boussole
L’alimentation de nos ancêtres est souvent utilisée pour justifier le rôle majeur des produits animaux pour notre développement et maintenir une bonne santé. Pourquoi ? Car nous avons des preuves assez solides que l’humanité a prospéré en chassant et consommant d’autres animaux.
L’homme est d’ailleurs la première cause d’extinction des plus grands mammifères terrestres. Les ossements de mammouths peuvent en témoigner. La « mégafaune », en passant des tortures géantes de Madagascar aux plus grands marsupiaux connu en Australie, a été une cible privilégiée de la chasse humaine.
On utilise donc bien facilement cette réalité historique pour justifier le rôle et l’importance des produits animaux.
C’est la carte de « l’homme préhistorique » !
Un sophisme de base qui expliquerait que c’est grâce à la viande et aux abats que nous avons notamment ce cerveau si développé aujourd’hui, et le manque de ces produits que nous sommes en si mauvaise santé.
Mais il y a plusieurs gros problèmes.
Les « couacs » évolutifs
Nous ne sommes plus des hommes préhistoriques. Même si certains sont bien restés à l’âge de Pierre, notre histoire évolutive récente illustre comment des changements alimentaires récents ont bouleversé notre biologie.
L’exemple du lait est frappant. Aucun adulte sur terre ne pouvait digérer le lactose avant la révolution alimentaire de l’élevage. Ce lait a entraîné l’arrêt du phénomène de sevrage en seulement 10 000 ans (1).
Mais aussi l’amidon ! Ce long assemblage de glucoses simples qui compose la majorité des réserves énergétiques des tubercules, du riz, du blé et des légumineuses fait partie intégrante de notre alimentation.
À force de confronter notre organisme avec ces aliments, nous avons facilité la digestion de l’amidon en multipliant les copies génétiques de l’amylase qui s’en occupent dans l’intestin (2).
Ces évolutions ne sont pas tranchées. 70 à 75 % de la population ne digère pas ou mal le sucre du lait, le lactose. Mais elles démontrent comment de très courtes périodes de notre histoire (10 000 ans versus 2 à 4 millions d’années) ont pu profondément changer notre physiologie.
Ces nouvelles dispositions génétiques se sont répandues comme une traînée de poudre chez les éleveurs en conférant un avantage évolutif marqué.
Homo omnivora
Nous avons toujours été des omnivores. Les analyses paléontologiques sur les restes de dents et des ustensiles de cuisine révèlent que l’alimentation de nos ancêtres préhistoriques a toujours été opportuniste, typique de l’omnivorisme. Les chercheurs utilisent les signatures isotopiques du calcium et du strontium pour décrire les grands groupes alimentaires : carnivores, herbivores… et les confronter avec les différentes lignées humaines (3).
Il en ressort que notre alimentation a toujours été très variable, pouvant être très riche en produits animaux durant certaines périodes, et davantage en produits végétaux à d’autres moments.
En fait, l’alimentation de nos ancêtres n’a cessé d’augmenter sa consommation de produits animaux. Elle pouvait être de 20 à 30 % des calories au départ pour atteindre un pic avec notre lignée actuel (Homo sapiens) entre 60 et 75 % (4).
Ce rapport s’est encore modifié durant le néolithique avec l’agriculture et l’élevage pour s’établir entre 30 et 45 % des apports caloriques estimés par les produits animaux (5).
Durant sa longue histoire évolutive, l’homme est constamment resté dans une chaîne trophique « généraliste » capable de manger presque tout. Un omnivorisme gravé dans notre physiologie même.
Gros cerveau
La taille du cerveau est un sujet fascinant et extrêmement compliqué. Il passionne les scientifiques qui avancent chacun des hypothèses sur les facteurs qui ont permis à l’homme de développer une masse cérébrale aussi importante.
Surtout en rapport avec le poids total de notre corps. Aucune autre espèce animale ne possède un rapport aussi élevé.
Mais comment notre cerveau a-t-il pu autant se développer ? Si les produits animaux très riches en nutriments y sont pour quelques choses, c’est très loin d’être le seul paramètre.
On recense une bonne dizaine d’hypothèses et explications concurrentes ou synergiques qui auraient participé à l’expansion exceptionnelle de la taille du cerveau.
Ces hypothèses vont d’une réorganisation du volume des organes internes, avec une réduction de nos intestins au profit du cerveau (6). Une hypothèse cohérente avec le régime alimentaire riche en aliments à forte densité énergétique qui se digèrent rapidement dans l’intestin grêle.
Le feu fait bien sûr partie des évolutions majeures pour rendre à la fois les aliments plus sains (et donc réduire la mortalité) et plus digestes. Des calories supplémentaires plus accessibles pour favoriser le développement cérébrales (7, 8).
Les pérégrinations humaines les ont également amenés à se rapprocher des cours d’eau et de consommer davantage de poissons, crustacées, et autres animaux avec des apports en DHA important (9). Mais aussi de la part des glucides, comme les tubercules ou le miel (10).
Ce régime alimentaire pourrait en partie expliquer l’accumulation très importante de graisse dans le corps des nouveau-nés pour assurer la demande colossale (plus de 74 % de l’énergie du corps) du cerveau en développement. Du gras qui permettra de produire des cétones indispensables pour compléter les demandes énergétiques à ce stade de développement (11, 12).
Des calories
On réalise que nos ancêtres ont probablement mangé tout ce qu’il pouvait trouver et chasser : des animaux, des œufs, des poissons, des fruits, des baies, des tubercules ou encore plus récemment du miel.
C’est en s’intéressant aux tribus et peuplades contemporaines qui ont conservé un mode de vie relativement traditionnelle qu’on mesure la persistance de ce comportement alimentaire.
Et on observe tous les extrêmes, avec une majorité qui s’enivre d’une base commune : des produits animaux, végétaux, des racines, des fruits, et du miel. Ils cherchent des calories dans leurs environnements, peu importe la source.
Les Maasais d’Afrique et les Inuits du Groenland sont des exemples frappants d’alimentation plutôt extrême avec d’un côté un régime à base de viande, de lait et de sang d’animaux d’élevage, et de l’autre les produits de la chasse aux mammifères marins et terrestres.
Les tribus tanzaniennes ne lésinent pas trouver un met de choix pour obtenir des calories à faible coût : du miel. Les Hadza maîtrisent parfaitement l’enfumage d’essais sauvages pour extraire un nectar de sucre pur, et les calories tant recherchées.
Virtuellement toutes les peuplades du monde consomment un mélange de produits végétaux et animaux ont fonction des saisons, des opportunités et du climat.
Une science entre parenthèses
Mais les puristes du régime carnivores n’en démordent pas. C’est scientifique ! Ils agitent le drapeau de la science à longueur de post et de vidéos. Sauf qu’il n’existe véritablement aucune étude clinique sur le régime carnivore.
Rien à court terme ni à long terme.
La tendance est encore trop récente. Les médecins ne sont peut-être pas encore convaincus d’un bénéfice potentiel de manger autant de viande et de produits animaux sur la santé. L’avenir sera peut-être plus riche en expérience clinique rigoureuse.
Mirage 2000
Car nous n’avons que des études de cas à se mettre sous la dent. Ou bien cette fameuse « étude » chez plus de 2000 adeptes de la diète carnivore. Une étude souvent citée comme une preuve des bienfaits de cette alimentation extrême.
Ces 2000 adultes ont suivi la diète carnivore pendant au moins 6 mois (en moyenne pendant 1 an) avec des effets cardio-métaboliques positifs, teintés de quelques nuances.
Je résume l’évolution du poids, de l’IMC et des principaux marqueurs cardiovasculaires dans le graphique ci-dessous. Tout s’améliore, ou presque. Sans surprise, le LDL ou « mauvais » cholestérol augmente, avec une baisse du cholestérol résiduel. Un résultat qui semble montrer une diminution des particules les plus athérogènes.
Il n’y a cependant aucune mesure de l’ApoB qui aurait permis d’affiner l’analyse du risque. Tous les ratios sont bons.
Le marqueur de l’inflammation (CRP) baisse légèrement après ce régime restrictif. Tous les marqueurs de la santé hépatique et rénale sont stables, suggérant l’absence d’effets négatifs marqués en consommant autant de produits animaux.
On observe même une baisse du score CAC qui mesure la calcification des artères coronaires… Une très bonne chose qui vient jeter un sacré pavé dans la mare des dogmes cardiovasculaires du moment.
Sauf qu’il y a un gros, mais. Plusieurs même.
- Absence de groupe contrôle. C’est pourtant la base pour évaluer direct de ce régime alimentaire qu’on aurait pu comparer à une alimentation normale
- Perte de poids importante. 9 kg en moyenne. Cette perte de poids est vraisemblablement à l’origine de toutes les améliorations cardiométaboliques observées. Cette particularité n’est pas propre à la diète cétogène. Un régime riche en glucides pourrait donner les mêmes bénéfices avec une perte de poids identique.
- Auto-sélection des participants. Les participants ont été recrutés à travers des communications sur les réseaux sociaux. On peut s’attendre à voir les adeptes avec les résultats les plus importants et les volontés les plus marqués de répondre et d’intégrer l’étude. Ceux qui ont échoué avec ce régime n’ont probablement pas répondu à ce sondage.
- Aucune donnée vérifiée. Toutes les données cliniques ont été rapportées par les participants. C’est une limite majeure de l’étude avec des risques énormes de comparaison et de fiabilité.
Des cas à gogo
On retrouve de plus en plus d’études de cas. Ce sont des rapports scientifiquement documentés d’une amélioration ou d’une rémission d’un problème de santé grâce à la diète carnivore.
C’est sympa, mais le niveau de preuve est faible.
Un enfant et un adolescent ont été « débarrassés » de leur diabète de type 1 grâce à cette alimentation bien particulière. Ils n’ont plus besoin d’insuline après plusieurs mois à suivre cette alimentation carnivore (13, 14).
Il y a un récent rapport sur la rémission de 10 personnes atteintes de maladies inflammatoires de l’intestin avec rectocolite hémorragique et maladies de Crohn grâce à une diète carnivore et/ou cétogénique (15).
Mais là encore, tous ces cas représentent la sélection des réussites. C’était même une condition d’inclusion dans l’étude : il fallait répondre favorablement à ces deux alimentations sans l’aide de médicaments.
Sauf que l’évaluation rigoureuse doit inclure les échecs pour en mesurer réellement l’efficacité thérapeutique. Ces rapports de cas permettent d’accumuler des évidences en faveur d’un effet positif potentiel.
Sans permettre de trancher. Au mieux, à force d’avoir ce type de résultats positifs publiés dans des revues scientifiques, on pourra motiver plus facilement des équipes à mener des essais pilotes, puis de plus grands essais cliniques si les bénéfices se confirment.
Diabolique insuline
La logique carnivore déferle sa haine sur les glucides et l’insuline. Cette hormone absolument vitale est produite par notre pancréas pour faire baisser le taux de sucre dans le sang après un repas. Son action est indispensable et son dérèglement est à la base de nombreux problèmes de santé.
Sauf que son rôle est largement exagéré par les adeptes du mouvement. À force de manger des glucides, et de faire les montagnes russes glycémiques et insulinémiques, notre corps deviendrait forcément moins sensible à l’insuline.
On termine cette histoire en devant boulimique (j’en parle pour le petit-déjeuner), obèse à cause de son implication dans le stockage du gras, mais aussi diabétique avec l’impossibilité de faire baisser naturellement la glycémie.
Mais c’est une belle histoire.
Car toutes les méta-analyses (mais aussi les méta-analyses de méta-analyses… on parle de « revue parapluie ») montrent que les régimes amaigrissants ont le même impact sur le poids, l’obésité et la gestion du diabète (16).
Oui, un régime céto-carnivore avec une quasi-absence de glucides peut faire aussi bien qu’un régime hypocalorique riche en glucides sur le diabète. Car ces deux régimes entraînent une perte de poids… et donc une amélioration globale et significative des marqueurs métaboliques.
Je l’avais montré par l’absurde dans mon article consacré au Dr Lallement où un chercheur avait réussi à faire perdre énormément de poids à des obèses avec une alimentation… faite de riz blanc uniquement (17) !
Blasphème ! crieront les carnivo-coachs ! Pourtant, malgré une diète exclusivement composée de glucides avec un index glycémique élevé, ces personnes ont retrouvé une corpulence normale, avec une bonne partie inversant un diabète, laissant les injections d’insuline de côté.
Une synthèse avec méta-analyse parue en 2023 montrait qu’une diète cétogénique (qui se rapproche de la diète carnivore) n’avait pas été supérieure à un régime standard sur le contrôle de la glycémie ni sur le poids malgré deux ans de suivi (18).
Déjà en 2018 une vaste étude clinique randomisée avait comparé une alimentation saine riche ou pauvre en glucides sur la perte de poids (19). Après un an de suivi, il n’y a pas eu de différence significative de perte de poids entre les deux groupes.
Plus intéressants, les auteurs n’ont pas trouvé d’association entre la production d’insuline et la perte de poids.
Pour se débarrasser d’une stéatose hépatique également ! L’insidieux « foie gras » peut s’inverser avec une restriction en glucides ou caloriques avec les mêmes bénéfices.
Mais attention de ne pas sombrer dans le dogme inverse ! Une récente « revue parapluie » sur le même sujet montrait bien que limiter ces apports énergétiques en glucides à 26 % (soit 160 g par jour pour un homme de corpulence moyenne) permettait de réduire l’hémoglobine glyquée HbA1, le marqueur à long terme du diabète (20).
Mémoire sélective
Les adeptes du régime carnivore justifient l’éviction de la totalité des fruits et des légumes sur la base d’une mémoire… bien sélective ! Tous les fruits et légumes que nous mangeons sont en réalité « modifiés » par l’homme depuis des milliers d’années.
Ils n’ont plus rien à voir avec les variétés sauvages anciennes réputées toxiques et immangeables à cause des graines volumineuses.
On entend aussi, et à juste titre, que les légumineuses et d’autres tubercules sont toxiques par nature (pomme de terre) et doivent être cuits ou tremper pour devenir comestibles. Ce point fait référence aux anti-nutriments présents dans certains végétaux qu’on peut néanmoins gérer avec des principes simples (trempage, longue cuisson, germination, etc.)
Mais l’argumentation est fallacieuse.
Sélection variétale. Ces influenceurs et adeptes font en réalité référence à longue sélection variétale que l’homme fait depuis la nuit des temps. Ils sélectionnent génération après génération les fruits ou les végétaux avec les caractéristiques les plus profitables. Plus sucrés, productif ou résistant aux maladies… C’est quelque chose d’absolument banal.

Sélection animale. Les adeptes du régime carnivore consomment des animaux qui sont eux aussi d’une longue et intensive sélection par l’homme. Aucun animal préhistorique n’est encore aujourd’hui réellement consommé sauf les poissons communs, les crustacés et les gibiers. Mais les adeptes du régime carnivore consomment principalement des animaux largement sélectionnés.
L’argument tombe ainsi à l’eau… et n’avait de toute façon aucune réalité scientifique. Et la réalité nous montre que les sélections animales pour améliorer les rendements ont pu avoir des effets négatifs importants sur l’état de santé de nombreuses espèces animales.
Défier les carences
Varier son alimentation est souvent la garantie de limiter le risque de carence nutritionnelle. Plus on se rapproche des extrêmes, plus ce risque augmente. Il est vrai pour plusieurs nutriments chez les végétaliens (B12, fer, acides gras n-3 à longue chaîne, vitamine A…), mais aussi dans la diète carnivore.
Sauf que la diète carnivore fait l’impasse sur des anti-nutriments qui permettent d’augmenter la biodisponibilité des minéraux essentiels, et donc de réduire les besoins.
Deux travaux font une analyse de ces risques de carences pour les nutriments suivants (21, 22) :
Vitamine C. Notre organisme ne sait pas la produire et dépend de nos apports alimentaires. Les sources principales de vitamine C viennent des fruits puis des légumes. Si le risque de carence est avéré, l’inclusion d’abat cru peut limiter les dégâts. Il n’y a pas à ma connaissance de cas de scorbut (signe extrême de carence) documenté avec le régime carnivore. C’est quand même rassurant, mai sil faut manger des abats crus.
- Le calcium. L’exclusion des produits laitiers et des légumes riches en calcium augmente le risque d’avoir un bilan calcique négatif. Un nutriment qu’il faut particulièrement surveiller et veiller à intégrer des os (via les sardines en boîte ou les bouillons d’os… pourvoyeur de collagène).
- Vitamine B1 et B9 (thiamine et folate). Le risque de carence est possible pour cette vitamine qu’on retrouve dans les céréales. On peut compenser en mangeant du porc (qu’on gave de produits céréaliers…).
D’autres minéraux peuvent être à surveiller comme l’iode, le magnésium et le potassium. Le régime est réputé pauvre en fibres qui viennent principalement des végétaux. Mais je dois reconnaître que c’est un débat assez délicat où les chamailleries scientifiques sont légion (comme j’ai pu en parler pour le cancer du côlon).
Défier le temps
Les impacts à long terme d’une telle alimentation sont inconnus. Comme l’alimentation paléolithique, manger comme un carnivore entraîne de facto l’exclusion de produits problématiques :
- Souvent ultra-transformé
- Les biscuits, les glaces, les bonbons
- Les boissons riches en sucres (comme le jus d’orange)
- Des allergènes chez certaines personnes (produits laitiers ou céréaliers)
Mais cette diète fait aussi l’apologie des produits animaux. Et il ne faut pas se leurrer : la vaste majorité des productions animales est problématique pour la santé des bêtes élevées et l’environnement. En réponse, les adeptes préciseront toujours choisir les morceaux les plus nobles issus des fermes les plus respectueuses pour le bien-être animal. Je parle du fameux « grass-fed beef » !
Deux risques à long terme mériteront des éclaircissements :
- Les cancers colorectaux
- La mortalité cardiovasculaire
Ces deux points sont aujourd’hui complètement déconnectés d’une réalité historique et évolutive. Nos ancêtres pouvaient consommer des quantités astronomiques de produits animaux, sans végétaux, durant les périodes propices sans se poser la moindre question du bénéfice à long terme. L’idée était de survivre. De manger suffisamment pour se reproduire et faire perdurer l’espèce.
Nous ne sommes plus aujourd’hui dans la même dynamique. Les enjeux ont changé.
Si je prends des pincettes dans l’interprétation des études observationnelles, nichées de biais et de facteurs de confusions, des essais cliniques montrent l’envers du décor d’une consommation trop importante et monotone de viande sur les cancers du système digestif.
J’en parlais rapidement dans la vaste enquête sur Frédéric Evrard. Un influenceur emporté par une récidive foudroyante d’un cancer colorectal… justement « soigné » par une diète cétogène à base de viande de bœuf.
Mais des essais cliniques rigoureux montrent justement comment la combinaison du régime carnivore (beaucoup de protéines, peu de glucides et de fibres) est idéale pour former des composés nitriques (nitrosamine et NOC) dans l’intestin aux effets cancérogènes documentés (23, 24).
Des composés présents dans la première catégorie de Centre international de recherche sur le cancer et à juste titre dans le collimateur du législateur dans les viandes transformées avec des nitrites.
Pour les maladies cardiovasculaires, il faudra là aussi des études cliniques sérieuses pour estimer réellement l’évolution du profil cardiovasculaire. Je penche davantage pour une analyse globale du profil lipidique.
La seule augmentation du LDL doit alerter, mais ne doit pas être la seule variable pour estimer ce risque. Les autres ratios (cholestérol / triglycérides) et les marqueurs plus récents (ApoB, cholestérol résiduel et VLDL) permettent d’affiner le risque cardiovasculaire.
La seule étude fortement biaisée montre un profil en demi-teinte à tendance positive.
Seul un avenir avec des productions scientifiques rigoureuses permettra de répondre avec davantage de certitude des impacts à moyen et long terme sur la santé. Il y a des signaux positifs, d’autres, négatifs, mais la diète reste extrêmement restrictive.
2 commentaires
Ce que vous affirmez est véridique, sauf que vous oubliez une petite donnée pourtant essentielle, c’est le temps. Le nombre d’années en alimentation avec des glucides n’est absolument pas comparable au nombre d’années avec une alimentation principalement carné ou carnivore. Vous comparez 13000 ans avec le début de L’homme tel que nous sommes (je prends Neandertal – 450000 ans) pour les sapiens vers – 300 000 ans alors que l’homo, le premier, est d’environ -2.8 millions d’années. Avec ces 300 000 ans à construire notre corps, estomac, grêle et colon pour pouvoir manger sans danger de l’animal et parfois, par opportunisme, des fruits et des racines ou tubercules. Nous avons donc mis 287 000 ans à être ce que nous sommes. Vos affirmations souffrent de références historiques ou anthropologiques.
Bonjour Marc,
Du coup, je ne suis pas sûr de bien comprendre, ce que j’affirme est véridique, mais j’oublie une « petite donnée essentielle » ?
Je fourni pourtant toutes les références scientifiques historiques avec les analyses paléontologiques qui montrent l’évolution du régime alimentaire de l’homme, avec une prédominance végétale dans ces début pour devenir plus équilibré, voire une légère supériorité pour les produits animaux. Des analyses qui remontent à 3,3 millions d’années pour certaines.
Ma démonstration montre qu’en seulement 10 000 ans notre organisme a pu bénéficier de nombreuses modifications majeures de notre génétique et capacité physiologique (c’est dire qu’une très courte période peu avoir des effets majeurs) en fonction de nos nouvelles habitudes de vie (élevage et agriculture). Et qu’autrement dit : ce n’est pas tant la durée qui compte, il faut voir le tableau d’ensemble.
Et tout le monde ne sera pas logé à la même enseigne. La capacité de digérer le lactose va être très importante si vous êtes du nord, mais beaucoup moins si vous êtes du sud. Les asiatiques ressentent beaucoup plus facilement les effets de l’alcool que les occidentaux… et cela à cause de modification de la physiologie sur des périodes très courtes de notre histoire.
Je ne suis pas sûr d’y voir là un oubli fondamental, car même l’analyse des tribus contemporaines montrent que le végétal fait (quasiment) toujours parti du régime alimentaire de l’homme.
Mais peut-être pourriez-vous développer votre commentaire et vos interrogations car j’ai l’impression qu’il manque quelque chose ?
Au plaisir de vous lire.