Un protocole en ligne promet d’inverser la démence, d’en finir avec Alzheimer. Une promesse extraordinaire au carrefour d’une maladie désespérante, et d’un juteux business.
Sommaire de l’enquête (4400 mots)
1. Inverser la maladie
2. Une lueur d’espoir
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3. De fausses promesses ?
3.1 Gloubi-boulga méthodologique
3.2 Au petit bonheur la chance
Box 1. Une revue prédatrice ?
3.3 Un succès en trompe-l’œil
4. L’attente du Graal
5. Big Money
5.1 Labos à gogo
5.2 Un juteux business
6. Protocole prophétique
7. Inventer l’eau chaude
8. L’espoir en moteur ?
Inverser la maladie
Si je vous disais qu’un protocole médical peut inverser la maladie d’Alzheimer, vous me croiriez ?
Cette maladie laisse 1,2 million de Français sans le moindre espoir thérapeutique. Toutes les initiatives pharmaceutiques se sont soldées par des échecs scientifiques, malgré les grotesques pirouettes pour en tirer quelques dollars.
Toutes les firmes pharmaceutiques savent qu’Alzheimer est une poule aux œufs d’or. Le premier traitement réellement efficace sera recommandé et commercialisé pour des millions de personnes. Et la maladie ne fait que progresser dans les pays développés.
Même la célèbre hydroxychloroquine est dans les starting-blocks dans cette bataille contre Alzheimer.
Toutes les associations de patients de la maladie d’Alzheimer entretiennent ce désespoir. Le déclin est inéluctable. Une fatalité qu’il faut accepter. On peut ralentir la progression de la maladie. Mais l’inverser ? Ne dites pas de sottises !
La prévention est aujourd’hui notre seule arme contre ce déclin de l’esprit.
Ce dogme est pourtant combattu par une équipe visionnaire qui ne veut pas se résoudre à voir les malades dépérir de désespoir et de démence profonde. Le Dr Dale Bredesen est la cheville ouvrière d’un programme pour « reprogrammer » la totalité de votre organisme… et faire disparaître toutes les manifestations de la maladie.
Ce neurologue américain reconnu et respecté travaille dans l’une des universités les plus prestigieuses du sol américain, l’UCLA (University of California, Los Angeles).
Son parcours de clinicien et chercheur l’a amené à développer un programme hors-norme.
Une médecine de précision, personnalisée et multidisciplinaire pour inverser le déclin cognitif.
Des centaines de malades en auraient déjà profité, avec des résultats spectaculaires. L’équipe n’est pas effrayée par les études cliniques avec plusieurs travaux qui montrent l’impact significatif de ce programme sur le déclin cognitif.
C’est documenté.
Le protocole commence à se répandre comme une traînée de poudre sur le net. Si vous n’en avez pas encore entendu parler, cela ne saurait tarder.
Mais derrière toutes les belles histoires, il y a des zones d’ombres. Surtout pour une maladie aussi destabilisante aux retombées économiques alléchantes. J’ai mené l’enquête sur le protocole ReCODE aux promesses extraordinaires… qui nécessitent des preuves extraordinaires.
- Alors ont-ils vraiment percé le mystère d’une maladie qui détruit autant de vies dans le monde ?
- Est-ce une véritable panacée ou un terrible faux-espoirs ?
- Qui se cache derrière cette médecine de précision ?
Vous n’êtes pas au bout de vos surprises, votre parcours dans ce labyrinthe scientifique et médical ne fait que commencer.
Une lueur d’espoir
Le Dr Bredesen a suivi plus d’une centaine de patients atteints de différents stades de déclins cognitifs dans le monde entier, pendant plusieurs années (1). Il a proposé rigoureusement son protocole à ces personnes et montre des améliorations systématiques dans les évaluations officielles de ces démences (MoCa, SLUMS, MMSE…)
Même chez des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer.
À quelques exceptions près.
Le récit des améliorations est bouleversant. Des personnes réussissent à retourner au travail pour accomplir des tâches complexes. Ils ne se perdent plus en voiture dans leur quartier et se souviennent du nom des petits-enfants.
Des petits miracles dans la vie de tous les jours. Des miracles suffisamment édifiants pour apporter une immense vague d’espoir à des millions de malades dans le monde. Une maladie qui accroît considérablement le risque de mourir.
Mais à quoi peut bien ressembler ce protocole ReCODE avec des bénéfices si forts ?
Ces bienfaits sont-ils rigoureusement démontrés ? La suite n’est pas forcément réjouissante. On va parler de méthode abracadabrantesque, de revues prédatrices et d’histoire de gros sous.
La suite vous intéresse ?
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3 commentaires
Merci pour cette enquête approfondie qui tempère (un peu plus) l’optimisme accordé aux propositions de Bredesen. En l’occurrence, c’est un cas typique de récupération commerciale de pratiques et de procédés connus, qui nécessitent une véritable prise en main de sa santé, mais pas de dépenses inutiles en médicaments miracles… Très peu de gens sont capables de changer radicalement leur mode de vie même quand ils pourraient le faire. Récemment j’ai dû argumenter une heure avec un médecin qui affirme que l’hypertension artérielle est inévitable à un âge avancé et qu’il n’y a a rien d’autre à faire que d’avaler des pilules. On ne soigne plus des maladies, on soigne des chiffres !
Bonjour
Il est en effet dangereux de faire naître de faux espoirs mais tout aussi dangereux d’évoquer l’échec d’une méthode qui pratiquée par certains médecins permet de réversibilité un état cognitif permettant d’augmenter l’autonomie et de faciliter la vie quotidienne pour le malade et les aidants.
Les effets néfastes d’un environnement destructeur sont responsables de l’augmentation des pathologies chroniques dont les démences. Changer de comportement tant sur le plan de la nutrition, les activités physiques, le sommeil et les liens sociaux ne permet pas d’améliorer tous les malades ( certains ne se découragent, se méfient ou ne sont pas soutenus par leur médecin eux-mêmes) permet cette possibilité de « sortir du brouillard ». Proposer cela est honerreux mais et il n’existe pas encore de structure dédiée à ce type de traitement en France. Je suis medecin de réhabilitation spécialisé dans le sommeil et je suis témoin, avec d’autres de mes confrères, de l’apport de ces prises en charge.
On peut attendre un médicament….et pleurer sur le doublement des malades Alzheimer d’ici 2050.
Bonjour Philippe,
Merci de ton intervention.
Je pense qu’il est important de faire la distinction dans les problèmes de santé : la démence et les troubles cognitifs léger (MCI).
Si les interventions globales montrent un effet marqué pour réduire les risques de démence et améliorer les scores de MCI, on ne retrouve pas d’effet fort pour inverser une démence. Côté prévention, c’est indéniable et incontestable. Les facteurs de risques sont nombreux et bien identifiés. Même le simple fait de corriger un problème de vue peut réduire le risque futur de démence (et on peut comprendre pourquoi).
Ceci étant dit, ce sont les affirmations vraiment extraordinaires : inverser la démence, et encore plus avec Alzheimer qui sont choquantes. Le revue Cochrane présenté dans cette enquête nous rappelle que l’effet sur les démences n’est pas démontré et que les bénéfices sur les MCI est léger, et pourrait être confondu avec un effet d’entraînement proposé lors de certains essais cliniques.
Tu as raison de précisé que ces prises en charge peuvent être très onéreuses. Et c’est un peu le nœud du problème: combien peut-on investir ? Qui peut investir ? Pour quel bénéfice attendu ? Lourdes questions. Le protocole proposé par Bredesen ne bénéficie à proprement parlé d’aucune évaluation clinique rigoureuse et se destine à des personnes très aisées, dans des classes sociales très favorisés et chez qui les inversions spontanés de MCI sont les plus fréquentes. Il faut des preuves extraordinaires pour des affirmations aussi extraordinaires.
Donc oui, malheureusement, mise à part la prévention avec les nombreux facteurs de risque connu (c’est d’ailleurs très discuté sur le sommeil)
A te lire.