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Le gendarme du médicament américain (FDA) vient de donner une autorisation temporaire de mise sur le marché d’un médicament censé lutter contre la maladie d’Alzheimer. Un avis favorable en l’absence de preuve scientifique attestant de bénéfice clinique, et contre l’avis de son propre comité de conseil.

© Steven HWG | Unsplash

Nourrir la défiance

Dans un contexte pandémique explosif où la défiance envers les autorités de santé et les professionnels de santé ne cesse de croître, le gendarme du médicament américain (FDA) vient de prendre une décision extrêmement controversée.

Contre toute attente, et de l’avis même des experts siégeant dans les comités en charge de donner leur avis sur la thérapie ciblée, la FDA vient de donner une autorisation conditionnelle pour l’Aduhelm (aducanumab) de Biogen dans le traitement de la maladie d’Alzheimer.

Cette décision fait suite à de longues années de publications scientifiques et d’échec thérapeutique qui laissent les patients atteints de la maladie sans alternative et solution.

La maladie d’Alzheimer fait couler beaucoup d’encre, avec un cap majeur franchi en déremboursant les seuls médicaments autorisés pour un bénéfice clinique jugé insignifiants, et exposant à des risques.

Mais certaines associations de défenses des malades, et des professionnels de santé, estiment qu’il vaut mieux un traitement moyen, voire même inefficace, que rien du tout. Les patients ont au moins une alternative.

On pouvait lire à l’époque de cette saga pour le déremboursement des traitements pour Alzheimer que cela ferait sombrer dans l’oubli les malades et les professionnels qui travaillent dessus.

L’histoire d’un échec thérapeutique et réglementaire

La maladie d’Alzheimer est terrible.

Elle déroute les scientifiques depuis longtemps, avec un échec systématique des thérapies visant à soigner les malades. Le problème c’est qu’on ne sait pas trop à quoi s’attaquer.

Si bien que la prévention reste aujourd’hui l’une des armes les plus sérieuses à notre disposition.

Beaucoup d’interrogations planent donc autour des mécanismes exacts qui entraînent progressivement un déclin cognitif irréversible.

Cela pourrait venir de la dégénérescence neurofibrillaire en lien avec la protéine tau phosphorylée, ou avec les fameuses plaques amyloïdes – des lésions qu’on retrouve dans le cerveau des malades – qui s’accumulent dans le cerveau des malades.

Cette dernière piste est privilégiée dans le traitement de la maladie d’Alzheimer, sans toutefois convaincre. C’est justement l’angle d’attaque de l’Aduhelm.

Un traitement censé réduire le volume de ces plaques que l’on pense en partie responsable de ce déclin cognitif qui peut entraîner des pertes de mémoire, des troubles du comportement voire une démence sévère handicapante qui nécessite une aide quotidienne.

Sauf que cela reste une hypothèse… fragile.

Fragile puisque les essais cliniques faits par Biogen pour évaluer l’efficacité de son anticorps monoclonal (Aduhelm) n’ont montré aucune efficacité clinique.

L’échec thérapeutique

Cela fait plusieurs années que l’anticorps monoclonal de Biogen est évalué chez des malades d’Alzheimer.

EMERGE et ENGAGE, les noms des deux essais cliniques de la firme pharmaceutique ont rapidement suscité des espoirs pour les malades, avec autant de désillusions.

Car les résultats de ces deux essais cliniques se révèlent désastreux.

Des études arrêtées avant leur terme par Biogen malgré certaines tendances positives qui pourraient faire espérer un bénéfice.

Mais Biogen ne pouvait pas vraiment en rester là. Les enjeux sont colossaux, l’investissement énorme. Des analyses tardives des résultats essais cliniques, notamment de EMERGE, ont permis de montrer qu’il y aurait un bénéfice chez certains patients.

Trop beau pour être vrai pour une majorité de relecteurs attentifs de cette pirouette statistiques. Même la Fondation Alzheimer n’était pas vraiment convaincue en novembre 2020 suite aux annonces du laboratoire américain cofondé par Walter Gilbert et Charles Weissmann en 2003.

L’échec réglementaire

Les analyses supplémentaires réalisées par les statisticiens de Biogen ont été suffisamment intéressantes selon eux pour faire une demande d’autorisation de mise sur le marché auprès de la FDA.

Une demande que l’on sait aujourd’hui accepté par le gendarme du médicament américain, contre toute attente. Contre l’avis même du comité de conseil de la FDA dont 10 membres sur 11 se sont prononcés contre cette autorisation.

Les nouvelles analyses plus favorables ne convainquent pas le groupe d’experts. Mais la décision de ce groupe d’experts ne convainc pas la FDA, qui décide de donner une autorisation conditionnelle de mise sur le marché.

Dans l’histoire des autorisations controversées de la FDA, celle-ci raisonne pour plusieurs spécialistes comme l’un des pires signaux envoyés par le gendarme du médicament.

On autorise ainsi un médicament sur des analyses supplémentaires qui se basent elles-mêmes sur une hypothèse causale de la maladie d’Alzheimer, sans avoir de preuve solide et rigoureuse.

La pilule passe très mal.

Et la FDA décourage davantage la communauté scientifique puisqu’elle donne à Biogen 9 (neuf) ans pour apporter la preuve de l’efficacité de son médicament avec une utilisation en vie réelle au cours d’un nouvel essai clinique.

Sauf que tout porte à croire que Biogen va faire tout ce qui est en son pouvoir pour prendre tout son temps. Vraiment tout son temps. Des observateurs indépendants pointent du doigt les stratégies classiques qui seront probablement mises en place :

  • Délayer le démarrage de l’essai clinique en entamant de longues discussions avec la FDA
  • Choisir des critères sévères d’exclusion et d’inclusions des participants pour rallonger autant que possible le recrutement
  • choisir des sites avec des capacités de recrutements limités
  • Demander une extension de la durée de l’évaluation pour terminer le recrutement

Mais en même temps, le laboratoire favorisera vraisemblablement la prescription du médicament pendant le temps d’autorisation.

Aduhelm : peu d’espoirs, beaucoup de doute

La controverse sur la décision positive de la FDA ne cesse d’enfler. 3 des 10 membres du groupe de travail qui ont donné à l’immense majorité un avis négatif ont démissionné à la suite de cette décision.

La FDA justifie pourtant ce choix sur le lien entre la dégradation des plaques amyloïdes et une probablement amélioration de l’état clinique des patients, malgré l’absence de preuve l’attestant formellement.

Le gendarme du médicament dégaine une autre carte, celle de la stimulation scientifique et médicale du secteur avec cette autorisation temporaire.

Elle avertit qu’une telle autorisation va encourager d’autres laboratoires à mener des études sur ce sujet (puisqu’on peut obtenir facilement des autorisations) et peut-être participer à trouver d’autres traitements, que l’on espère efficaces.

Et l’Aduhelm risque de ne pas être donné. Les premiers articles sur ce sujet mentionnent un tarif de 56.000 $ par an et par personne (soit plus de 46.000 €).

D’autres sources estiment que le prix du médicament devrait être compris entre 2.500 et 8.300 $ à la lumière des résultats décevants des essais cliniques.

Quoi qu’il en soit, cette décision ressemble à un énième échec réglementaire sous fond d’échec thérapeutique. Dans un contexte de défiance grandissante face aux autorités de santé, la position de la FDA n’est pas rassurante, et va dégrader la relation de confiance entre les autorités et le public et les professionnels de santé.

On reste en contact ?

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