L’altération du microbiote est-elle une cause majeure dans l’apparition de l’arthrose ? Cette piste a été récemment explorée dans une étude rigoureuse, avec des pistes thérapeutiques sur l’axe « intestin-articulation ».

Sommaire
Une nouvelle étude s’intéresse à une dimension jusqu’alors inexplorée pour tenter de soigner et prévenir l’arthrose. Cette « maladie d’usure » touche plusieurs centaines de millions de personnes à travers le monde, en laissant peu d’espoir thérapeutique efficace.
La douleur et l’incapacité générée font le bonheur de tous les revendeurs de poudre de perlimpinpin :
- Le collagène
- Les bains dérivatifs
- L’eau glacée
- Les célèbres cures thermales
- Ou encore l’huile de Krill riche en oméga-3
Tout le monde veut se débarrasser de ces douleurs qui touchent principalement le genou (on parle de l’ostéo-arthrite dans le jargon scientifico-barbare).
Et une équipe vient explorer une piste pourtant très connue par les scientifiques et le grand public : la flore intestinale.
Cette flore intestinale est reconnue comme un paramètre colossal qui influence notre état de santé. Son rôle dans l’immunité, l’inflammation et la régulation de notre cerveau dépasse sa vulgaire mission d’assimilation des nutriments.
La perturbation de ce microbiote – ou dysbiose intestinale – peut avoir des conséquences importantes et parfois à long terme sur la santé. Notre mode de vie et environnement peuvent déstabiliser cette communauté bactérienne plus ou moins résistante.
- Les produits ultra-transformés
- Un accouchement par césarienne
- L’allaitement maternel
- Les antibiotiques…
Du microbiote aux articulations
La découverte des chercheurs relève d’une véritable enquête où les indices montrent un lien entre la santé de la flore intestinale et de nos articulations.
Mais comment ? L’histoire commence en s’intéressant à plus de 1 800 patients dont une bonne partie est atteinte d’arthrose. En scrutant les analyses de sang et les communautés bactériennes dans les selles, on trouve des différences significatives.
Les patients atteints d’arthrose ont moins :
- de Clostidium bolteae, une bactérie bien particulière du microbiote
- d’acide glyco-ursodésoxycholique ou GUDCA dans le sang
L’enquête s’est poursuivie chez les souris où l’on peut pousser les expériences beaucoup plus loin et valider (ou non) les principaux mécanismes qu’on envisage d’exister.
Les souris « arthrosées »
Il faut d’abord s’assurer que la concentration en GUDCA est bien liée au développement de l’arthrose. On se fait souvent avoir par des marqueurs qui n’ont pas de lien de causalité.
Les chercheurs ont donc supplémenté nos souris atteintes d’arthroses avec du GUDCA… et ils observent un ralentissement de la progression de la maladie. Ils arrivent même à identifier le mécanisme : cet acide biliaire inhibe les farnesoid X receptor (FXR) de la muqueuse intestinale.
Et cette inhibition va avoir des effets en cascade :
- une prolifération de cellules L qui produise le GLP-1 (glucagon-like peptide 1)
- l’augmentation du taux sérique de GLP-1
- cette hormone peut activer des récepteurs particuliers (GLP-1R)… présents dans les articulations !
Le GLP-1 est une hormone très bien connue dans le monde médical qui stimule la sécrétion d’insuline d’une façon dépendante du glucose. Elle ralentit la vidange gastrique et augmente la satiété.
Ils sont allés jusqu’à utiliser des souris génétiquement qui n’exprime plus le FXR pour montrer une forte élévation de la concentration en GLP-1 dans le sang.
Il fallait aussi s’assurer que Clostidium bolteae est bien à l’origine de la formation de GUDCA, réputé protecteur. Et encore une fois, ils montrent que la concentration d’un précurseur (UDCA) augmente après une colonisation de Clostidium bolteae pour former en bout de chaîne le fameux GUDCA.
Liraglutide
Il se trouve que nous avons un médicament qui imite l’action du GLP-1, le liraglutide, qu’on utilise pour traiter le diabète et l’obésité. L’équipe de recherche a donc essayé d’injecter de façon intra-articulaire le produit autorisé pour vérifier son activité.
Et la boucle fut ainsi bouclée ! Les souris aux articulations injectées de liraglutide ont bénéficié d’une protection contre la dégradation du cartilage.
Les pistes thérapeutiques
Ce travail novateur montre qu’on peut se concentrer une nouvelle fois sur la santé de la flore intestinale pour obtenir des bénéfices sur des cibles jusqu’ici insoupçonnées.
- La supplémentation en C. bolteae (par comprimé ou transplantation fécale) pourrait être une future option thérapeutique pour rétablir un équilibre bactérien important dans la santé des articulations
- Une supplémentation directe en GUDCA pourrait aussi être envisagée pour réduire la dégradation du cartilage
- Des prébiotiques ou probiotiques pourraient être mis en point pour favoriser le développement de C. bolteae
Enfin, on peut aussi se pencher sur un médicament ciblant les FXR, qui entraînera l’augmentation de GLP-1 sanguine, et donc la protection articulaire.
Toutes ces hypothèses devront être vérifiées dans des essais cliniques rigoureux, avec des groupes contrôles dignes de ce nom avant d’être servis aux patients atteints d’arthrose. Si cette recherche pose une pierre conséquente dans ce domaine, tout reste encore à faire.
Mais on réalise à quel point comment notre flore intestinale peut avoir des effets majeurs sur notre santé… allant jusqu’à nos articulations.
Pas si vite
L’action directe sur le microbiote est séduisante mais va rester délicate à mettre en place. Pourquoi ? Car Clostidium bolteae n’est pas une entité unique avec un seul effet métabolique sur les articulations.
D’autres travaux montrent comment cette bactérie est associée avec des maladies graves, comme la sclérose en plaques, trouble du spectre de la neuromyélite optique ou encore le diabète de type 2.
Plutôt paradoxale, n’est-ce pas ? Oui, car il faudra identifier les souches aux impacts positifs pour écarter celles avec des effets négatifs. Nous avons par exemple une souche potentiellement positive d’Escherichia coli (Nissle 1917 pour les maladies inflammatoires de l’intestin) mais aussi négative (O157:H7 avec des effets entérohémorragiques).
Autrement dit : il y a encore du chemin à faire, mais les pistes thérapeutiques sont bien là !
8 commentaires
Bonjour, j ai une amie sportive, 40 ans , atteinte d arthrose au genou, sa vie s écroule, elle se ruine en collagène, elle a une alimentation déplorable viandarde alcool tabac, les légumes connaît pas, que me conseillez-vous comme médicament svp?
Son hygiène de vie , nous essayons de nous en charger
Merci
Bonjour,
Je vous conseille de vous rapprocher rapidement d’un professionnel de santé à l’écoute pour proposer des solutions convenables et acceptables pour votre amie.
Bon courage et lui souhaitant un bon rétablissement.
Alcool et tabac ont certainement un effet délétère, mais ça reste à quantifier.
Je suis surpris par la diabolisation de la viande… Car au contraire un régime carnivore bien mené pourrait améliorer sa santé. C’est le « régime ultime d’élimination » décrit par l’entraîneur Mark Sisson et le médecin Paul Saladino. Lire attentivement : https://leti.lt/le9m
« Bien mené » veut dire, entre autres, consommer les viandes comme on dit « du nez à la queue », incluant des abats (foie, cœur, cervelle etc.) et les graisses qui vont avec.
Suggérez-lui d’essayer pendant deux semaines, en même temps qu’elle supprimerait le tabac et l’alcool. Elle pourra décider en conséquence. Et vous pourrez nous faire part du résultat.
Viandes soit, mais viandes bio sinon vous aurez les anabolisants avec, inclus dans le prix…
Bonjour Docteur,
Est ce que l’Ozempic augmente le GPL-1 dans le sang ?
Car dans ce cas, nous avons là une véritable bombe à retardement puisque ce médicament est largement utilisé par les diabétiques de type 2. Vu le peu de recul en raison de son arrivée récente sur le marché, est-on en train de créer une génération de diabétiques arthrosés !?
Bonjour Fred,
En réalité, ce serait plutôt l’inverse ! Déjà, ces médicaments sont censé lutter contre l’obésité, et peut-être faciliter la motricité, l’activité physique, ce qui est une bonne chose pour ces problèmes d’articulation. Ensuite, c’est justement un médicament étudié dans l’étude et l’article cité, qui pourrait protéger contre l’arthrose !
J’ai de l’arthrose du genou, cervicale, et l’arthrite psoriasique je ne fume pas ne boit pas une alimentation saine peu de sel et de sucre et pourtant… Peut être y a t’il aussi une part d’hérédité dans l’arthrose ?
Bonjour Colette,
Toutes ces observations ne sont pas des garanties qu’avoir une bonne flore intestinale protège de tout. C’est pour cela que j’ai essayé d’indiquer les limites de ces recherches, car même des personnes qui ne fument jamais, mangent bien, font du sport, etc, peuvent développer des cancers (par exemple). D’autres facteurs sont à l’œuvre malheureusement. Pour l’hérédité, peut-être, je ne sais pas trop. En tout cas, d’autres paramètres sont en jeu ce qui rend cette maladie très délicate. Bon courage dans vos démarches thérapeutiques !