L’une des plus récentes études sur l’efficacité du vaccin censé lutter contre les cas de cancers du col de l’utérus rapporte des résultats mitigés : à 10 ans, on peut espérer une réduction des lésions précancéreuses de haut grade, mais la robustesse des résultats est encore trop faible pour tirer des conclusions.
Le journal Le Monde a publié une vidéo récapitulative des avantages et des inconvénients du vaccin contre les papillomavirus humain (HPV) impliqués dans la genèse des cas de cancer du col. Une vidéo qui aura suscité de nombreuses réactions, autant positives que négatives, tant se vaccin semble prometteur.
Dans la vidéo, le vaccin est jugé controversé principalement à cause des effets secondaires graves qu’on lui aurait attribués à tort. Notamment les cas de Guillain-Barré aujourd’hui remis en cause pas une vaste étude publique canadienne.
Mais la controverse la plus significative réside surtout sur la preuve de son efficacité. Même si les données à court terme (entre 3 et 6 ans) semblent favorables aux vaccins anti-HPV, la plus récente étude sur 10 ans ne présage rien d’extraordinaire.
Pourquoi ce vaccin est-il controversé ?
Il est controversé, car il est censé protéger contre une maladie sans en avoir encore démontré la preuve. La faute est principalement dirigée contre le temps, puisqu’il faut avoir suffisamment de recul sur l’établissement et la détection d’un cancer après les larges campagnes de vaccination.
Aujourd’hui, nous avons actuellement des preuves d’efficacité sur les lésions précancéreuses (appelée CIN1 à 3), avec un recul de 10 à 12 ans. L’idée est que cette efficacité démontrée sur les stades précancéreux se traduira effectivement par une réduction du nombre de cancers du col. Pour le moment, c’est une hypothèse.
Une hypothèse qui se renforce ou s’effrite au grès des publications scientifiques. Justement, la plus récente en date nous rapporte l’efficacité du vaccin anti-HPV chez plus de15 600 jeunes filles scandinaves, avec 10 ans de recul, au regard du nombre de CIN3+, le stade précancéreux le plus avancé1.
Les résultats sont loin d’être mirobolants. Pour une étude financée en partie par le laboratoire GSK, avec de nombreux auteurs liés à l’industrie pharmaceutique et notamment des employés des firmes GSK et Takeda, les résultats positifs sont largement mis en avant, et pourtant.
Vacillante efficacité vaccinale
Et pourtant, l’efficacité vaccinale dans le détail est extrêmement faible pour les souches 16, 18, mais également pour les souches 31, 33, 35, 52 et 58. L’efficacité vaccinale de la vaccination contre l’ensemble de ces souches est estimée à 59 % d’après les auteurs, avec un intervalle de confiance entre -26 et 85 %. L’intervalle de confiance comprend le 0, l’efficacité est donc peut-être nulle.
On retrouve cette incertitude pour toutes les combinaisons de souches. Un point d’ailleurs soulevé par l’un des relecteurs de l’article, Silvia Franceshi, du Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) à Lyon. La chercheuse précise ceci :
En conclusion, alors que les données actuelles suggèrent l’absence d’échecs vaccinaux pour le HPV16 et l’existence d’une protection croisée substantielle contre les types non vaccinaux, la puissance statistique est encore trop faible pour tirer des conclusions, comme les auteurs le reconnaissent eux-mêmes.
Force est de constater que malgré 10 ans de recul, nous avons encore du mal à avoir des données solides qui prouvent sérieusement une efficacité contre les lésions précancéreuses les plus avancées. En tout cas, les auteurs mettent en avant la seule efficacité vaccinale dont l’intervalle de confiance n’inclut pas de 0. C’est la dernière ligne de la 4ème table. Sauf que l’intervalle de confiance donne une efficacité de 8,4 à 88 %. Des écarts énormes.
Bilan : des résultats modestes qui appellent à la vigilance
Ces résultats très modestes, pour ne pas dire décevant, réveillent bien sûr les démons du passé et notamment les conditions de mise sur le marché étonnant des vaccins (procédure accélérée), et avec une injection placebo contenant de l’aluminium (un faux placebo).
Le débat est loin d’être terminé sur ce vaccin tant que nous n’aurons pas d’évidence solide de son efficacité sur la mortalité par cancer du col de l’utérus, le paramètre le plus important. Même si les effets annexes sur les condylomes ou autres ne doivent pas être ignorés. Et j’oublie volontairement de mentionner la pharmacovigilance à propos de ce vaccin, mais il y a matière à débattre.
Concernant la vidéo du Monde, on peut rebondir sur le commentaire d’un internaute à propos des conflits d’intérêts d’un médecin interviewé et du non-respect de la loi concernant la déclaration de ces derniers. Il est vrai que le professeur Monsonego est lié à l’industrie pharmaceutique qui commercialise nos vaccins anti-HPV par des contrats de conseils, des bourses de recherches, des avantages et des rémunérations qu’ils auraient dû mentionner lors de cette interview (même brève).
Références
1. Lehtinen, M., Lagheden, C., Luostarinen, T., Eriksson, T., Apter, D., Harjula, K., … & Pukkala, E. (2017). Ten-year follow-up of human papillomavirus vaccine efficacy against the most stringent cervical neoplasia end-point—registry-based follow-up of three cohorts from randomized trials. BMJ open, 7(8), e015867.
1 commentaire
cher Jeremy
je confirme largement ton article qui est malheureusement trop favorable au vaccin en effet l’analyse comparative des taux de couverture vaccinal et de l’incidence de cancer invasif du col montre que les pays qui ontla plus forte couverture vaccinale ont récemment vu l’incidence du cancer invasif ne plus diminuer voire même augmenter comme en suède ainsi que je l’ai rappelé dans Agoravox références incluses