Cinq spécialistes internationaux sur les questions de pratiques médicales et du dépistage des cancers nous avertissent dans un éditorial qu’il est temps d’en finir avec le dépistage du cancer du sein par mammographie, et celui de la prostate avec le dosage du PSA.
* Traduction : la détection précoce sauve des vies
Ils travaillent à l’Université d’Oslo de Norvège à l’Institut de la Santé et de la Société, au département d’épidémiologie de Harvard à Boston aux États-Unis, à la célèbre école universitaire de Stanford en Californie ou encore au département d’épidémiologie médical et de biostatistique de Suède.
Ces cinq scientifiques, John Ioannidis, Michael Bretthauer, Unnus Valdimarsdottir, Mette Kalager et Hans-Olov Adami viennent de publier un éditorial dans lequel ils affirment qu’on doit aujourd’hui arrêter de dépenser des sommes astronomiques pour faire de la détection précoce, et de sacrifier des vies, pour réaliser une véritable politique de prévention des cancers1 (PDF à lire ici).
Sans le moindre conflit d’intérêts, ces 5 personnalités tiennent à alerter la communauté scientifique des risques réels des dépistages des cancers, notamment celui du cancer du sein et de la prostate, et des maigres (voir inexistant) bénéfices.
Un message qui commence à devenir de plus en plus audible et relayé aujourd’hui, surtout pour le dépistage du cancer de la prostate et d’une manière moins importante pour celui du cancer du sein.
D’après l’éditorial, les scientifiques estiment qu’il ne reste que 3 options au dépistage précoce que l’on connaît aujourd’hui pour le cancer du sein et de la prostate :
- L’arrêt immédiat à partir de maintenant d’une manière organisée et de façon à mesurer l’impact de sur la santé publique;
- Réduire considérablement les tranches d’âges ciblées par le dépistage du cancer et la fréquence des dépistages proposée aux personnes qui n’ont aucun symptôme;
- Finalement, la dernière proposition serait de plus se baser sur des décisions éclairées et concertées des participants et participantes. Autrement dit, apporter toutes les informations le plus objectivement et loyalement possible pour prendre une décision.
Le dernier point devrait malheureusement être déjà mis en place, car c’est inscrit dans le marbre de la loi. Mais nos institutions sanitaires ne respectent malheureusement pas le devoir d’informer convenablement les femmes sur les risques et les bénéfices du dépistage du cancer du sein.
Mais pourquoi est-ce que nos 5 spécialistes publient-ils un tel éditorial, en si fort décalage avec les recommandations actuelles sur le dépistage du cancer du sein par exemple ? Pour plusieurs raisons.
Bénéfices maigres, voire inexistants
C’est l’un des principaux reproches que l’on peut faire au dépistage du cancer du sein, nous n’avons aujourd’hui aucune preuve formelle et indiscutable qu’il permet bien de réduire la mortalité par cancer du sein.
Les plus récentes études épidémiologiques ou populationnelles, réalisées par des équipes de haut vol et dans des pays avec des registres de cancer très fiables, ne montrent aucun effet positif du dépistage du cancer sur le nombre de morts par cancer du sein.
La pierre angulaire du dépistage du cancer du sein qui repose sur la détection précoce d’une tumeur qui permettrait de mieux la traiter et donc de sauver des vies n’est pas vérifiée par la science aujourd’hui.
Pire, ce dépistage peut entraîner toute une série de “problèmes”, principalement à cause des surdiagnostics. C’est le point suivant.
Trop de surdiagnostics, de vies sacrifiées
La notion de surdiagnostic n’est pas difficile à comprendre. S’il était ignoré il y a 30 ans par les autorités de santé et les praticiens, il est aujourd’hui reconnu comme un risque majeur des dépistages des cancers dans une population asymptomatique, ou pas définition, en bonne santé.
Le surdiagnostic, c’est quand on vous détecte un problème de santé, dans notre situation un cancer, qui s’il n’avait jamais été détecté n’aurait jamais entraîné ni de symptôme ni le décès de la personne.
Autrement dit, vous auriez vécu avec votre cancer sans même le savoir, et vous seriez décédé d’une autre cause. Le surdiagnostic implique dans un surtraitement. On va vous traiter avec des thérapies plus ou moins lourdes (tel qu’une mastectomie ou des chimiothérapies) qui auront des effets secondaires parfois graves et fatals sur votre santé.
Je me suis rendu compte que de nombreuses femmes sur ma page Facebook ignoraient ces deux premiers points, à savoir :
- Les plus récentes études indépendantes et sérieuses ne montrent aucun bénéfice du dépistage sur la mortalité du cancer du sein (et encore moins sur la mortalité toutes causes).
- Le dépistage du cancer du sein expose à de graves cas de surdiagnostic, pouvant toucher une femme sur deux dans le pire des cas, avec une détresse psychologique terrible, une surmortalité par cancer des poumons et insuffisance cardiaque et même des cas de suicides.
Ce qu’il faut comprendre c’est que nous n’avons aucun moyen aujourd’hui de savoir certitude comment évolueront certains cancers du sein, notamment les carcinomes non infiltrant in situ. Peut-être régresseront-ils, disparaîtront-ils, ou deviendront-ils agressifs et foudroyants en l’espace d’un an.
C’est bien pour ces raisons que de nombreuses personnalités françaises alertent la presse, les décideurs politiques et les patients sur les risques et les bénéfices réels de ces pratiques. C’est le cas du collectif Cancer Rose qui réalise sur ce sujet un travail formidable, rigoureux et indispensable pour alerter les femmes.
Malheureusement, toutes les femmes soumises aux mammographies de dépistage ne sont pas correctement informées des risques et des bénéfices de la pratique.
Au contraire, de nombreuses femmes a qui l’ont a détecté un cancer, et qui a été traité et soigné, estiment avoir été sauvé par le dépistage et deviennent de ferventes défenseuses de la pratique. Si c’est vrai d’une un certain nombre de cas, le dépistage n’aurait rien changé pour 30 à 50% de femmes jouant au jeu du dépistage.
Mais le mal est fait et les rangs prodépistages grandissent sans les moindres connaissances fondamentales de la controverse.
Pas d’allègement des traitements les plus lourds
Pourtant, aujourd’hui nous avons des preuves de plus en plus accablantes que le dépistage du cancer du sein n’a tenu aucune de ses promesses. L’une des plus importantes pour les femmes touche à l’intimité et à l’un des symboles de la féminité avec les seins.
Le dépistage du cancer du sein serait responsable d’un allègement des traitements les plus lourds : les ablations totales des seins. Il y a donc un intérêt fort pour les femmes qui souhaitent conserver leur féminité à se faire dépister.
Pourtant, la seule étude française réalisée sur ce sujet, et qui confirme les résultats des précédentes études internationales, a démontré que le dépistage du cancer du sein n’a pas permis d’alléger les traitements du dépistage du cancer du sein.
Autrement dit, on réalise toujours autant de mastectomies ou ablation du sein avec le dépistage précoce du cancer du sein. Cette étude a été réalisée par le collectif Cancer Rose, mais là encore, les lignes officielles ne bougent pas, elles restent même plongées dans un immobilisme dérangeant et coupable.
Si vous ne l’aviez pas encore fait, je vous invite à lire avec attention tous les articles à disposition sur mon blog sur ce sujet d’importance.
Concernant le dépistage du cancer de la prostate :
- L’article de la docteure Nicole Délépine;
- Les derniers résultats scientifiques qui montrent l’absence de bénéfice.
Concernant le dépistage du cancer du sein :
- La base de la controverse scientifique;
- 4 récentes études qui accablent le dépistage;
- Pourquoi le dépistage n’allège pas les traitements les plus lourds;
Aller plus loin
Si vous souhaitez en savoir sur les risques et les bénéfices réels du dépistage du cancer du sein, lisez l’enquête inédite sur ce sujet “Cancer du sein : Les ravages du dépistage“. Une enquête factuelle, scientifique et humaine au coeur de la machine de santé en France et dans le monde.
Un must pour comprendre les enjeux des mammographies et prendre une décision éclairée, la vôtre.
Référence
1. Adami, H. O., Kalager, M., Valdimarsdottir, U., Bretthauer, M., & Ioannidis, J. P. (2018). Time to abandon early detection cancer screening. European journal of clinical investigation, e13062.
2 commentaires
Bonjour,
Je passe rapidement sur les multiples fautes d’orthographe, de syntaxe et même de contresens (“affublé”??) auxquelles nous devrons malheureusement nous habituer. Sur le fond, vous nous écrivez: “Au contraire, de nombreuses femmes a qui l’ont a détecté un cancer, et qui a été traité et soigné, estiment avoir été sauvé par le dépistage et deviennent de ferventes défenseuses de la pratique. Si c’est vrai d’une un certain nombre de cas, le dépistage n’aurait rien changé pour 30 à 50% de femmes jouant au jeu du dépistage.”. Ceci signifierait donc a contrario que dans 50 à 70% des cas le dépistage a bien changé quelque chose et a donc bien été utile. Et vous trouvez que cela ne vaut pas la peine? Moi, en tout cas, vous me renforcez dans ma conviction qu’il faut dépister!
Salutations
R. Meurisse
Bonjour Meurisse,
Merci du commentaire, je viens de corriger l’utilisation du mot “affubler” que j’utilisais fort mal. Merci pour me l’avoir fait remarquer !
Pour le fond de l’article, je comprends votre remarque qui n’intègre pas la balance bénéfice/risque. Imaginez qu’une pratique médicale sauve d’un côté des vies, et de l’autre en rapprochent d’autres plus rapidement vers le cimetière. On doit donc peser le pour et le contre, les avantages et les inconvénients.
Dans le cadre du dépistage du cancer du sein par mammographie, les études les plus récentes n’ont pas montré de bénéfice de la pratique justement à cause de ces femmes qui se prennent en pleines figures les pires effets du dépistage : surdiagnostics, surtraitements, suicides, stress psychologique. On doit donc se poser la question de : Oui, mais à quel prix ?
C’est exactement ce qu’il se passe pour le dépistage du cancer de la prostate chez nous les hommes. Certains bénéficieront de la pratique, tandis que de nombreux autres se verront impuissants, perte de libido, mort par suicide ou à cause des effets secondaires des traitements chimiothérapeutiques. Il faut prendre en compte ces personnes-là pour peindre un tableau clair et entier de la situation. Sinon, cela voudrait dire qu’on se fiche bien su sort des malheureux et des malheureuses. La médecine n’est ps ça et ne doit pas l’être.
J’espère avoir été plus clair.