Combien de temps nous reste-t-il à vivre avec un cancer ? C’est une réponse que de nombreux malades souhaitent impérativement savoir, alors que les oncologues n’ont aucun moyen d’avoir de réponse précise. Donner des chiffres, comme 3 mois ou 2 ans, sans statistique réelle n’a aucune valeur, et s’apparente à jouer au devin.
« Il vous reste quelques mois à vivre »
L’annonce d’un cancer est terrible. Les réactions peuvent être aussi variées qu’il existe d’êtres humains sur Terre, mais on reste dans la plupart des cas frappé par le choc de l’annonce.
La vie change du jour au lendemain.
Un choc qui peut être tellement fort que des accidents cardiaques peuvent arriver après le partage du diagnostic. Et il existe une réaction viscérale que nous partageons presque tous après l’annonce d’un cancer.
On veut savoir si on va survivre, et combien de temps. Le temps qu’il nous reste à respirer sur Terre fait partie des principales préoccupations pour essayer de s’organiser, d’espérer et peut-être se préparer à l’inéluctable.
Ces annonces sont souvent mises en avant sur YouTube par des cancéreux qui se battent contre leur propre crabe. On entend régulièrement « mon oncologue m’a prévenu que j’avais 2 ans à vivre, au maximum ! », ou bien « il vous reste 3 mois à vivre, profitez de la vie ! » dans les cas les plus graves.
Mais ces temps de survie qu’on retrouve ci et là sur la toile n’ont presque aucune sorte de fiabilité.
Les oncologues sont des humains comme les autres, ils sont incapables de prémonition et font des prédictions souvent hasardeuses en interprétant des statistiques. Souvent, ils sont poussés par les patients pour avoir un chiffre.
Hasardeuses prédictions
Prenons un exemple concret, que nous connaissons bien sur Dur à Avaler, avec le cas du « samouraï » Guy Tenenbaum. Ce français a été diagnostiqué il y a plus de 5 ans d’un cancer de la prostate avec des métastases osseuses.
Ce tableau clinique qui présente d’emblée des métastases vous catapulte immédiatement dans les phases les plus « graves » du cancer, les plus élevées.
C’est automatique. On parle parfois des “phases terminales”, mais c’est abusif en plus d’être faux dans de nombreux cas.
Des cancers avec des métastases peuvent rester stable longtemps sous traitement, voire même régresser complètement.
Mais bref, Guy Tenenbaum est toujours en vie malgré l’annonce de son oncologue, nous prévient-il, qu’il ne lui restait que 3 mois à vivre. Il ne faut pas davantage au français vivant aux USA pour y voir le succès de ses traitements alternatifs (comme le jeûne, le régime cétogène pauvre en glucides ou encore se supplémenter en ail) !
Sauf qu’il est impossible pour un oncologue de savoir combien de temps pourra vivre son patient !
La survie d’un malade du cancer va dépendre d’un nombre ahurissant de paramètres, dont en voici certains :
- L’âge bien sûr
- Les comorbidités (du diabète, du surpoids, une maladie neurodégénérative type Alzheimer, etc.)
- La prise de traitement ou non, car le patient peut refuser des traitements éprouvés ou subir de plein fouet les effets indésirables d’autres
- Son propre organisme et ses réactions face aux cancers, aux éventuels traitements
- L’état d’esprit du moment, l’attitude…
Il y a des profils bien plus à risque que d’autres, mais devant l’insistance de certains malades, les professionnels de santé doivent annoncer un chiffre, une date butoir, sans avoir la moindre garantie que cette prédiction se réalise.
L’impossible divination
Pour rester avec notre exemple de Guy Tenenbaum et de son cancer en « phase terminale » d’un cancer de la prostate d’emblée métastatique, l’oncologue ne peut que comparer ce cas avec les autres de la littérature scientifique.
Les milliers de patients suivis avec des âges et des profils différents servent de référence pour tenter de donner les meilleures estimations possible à son patient.
Toutes les études sur ce sujet donnent uniquement des pourcentages de survie des patients durant 2 ans, 4 ans ou plus.
Pour les cancers de la prostate d’emblée métastatique, avec une orchidectomie (la castration médicale), on observe qu’entre 18 et 45 % des patients survivent 6 ans après le diagnostic.
Une étude plus récente montre une survie à 3 ans et demi comprise entre 40 et 70 % sans ou avec un traitement à base de zytiga, l’hormonothérapie prise pendant quelques mois par Guy Tenenbaum.
C’est la seule chose que puisse communiquer avec un peu de certitude un oncologue.
Mais l’oncologue n’a la possibilité de savoir si son patient fera partie des « chanceux » ou des « malchanceux ». C’est tout simplement impossible. Ce sont des estimations et seul l’avenir le dira en fonction de l’évolution de la maladie et des nombreux paramètres cités plus haut.
Car l’amélioration de son hygiène de vie peut améliorer les chances de survie face au cancer : l’alimentation ou encore l’activité physique.
L’état d’esprit également. Une récente synthèse et méta-analyse sur ce sujet montre qu’une attitude positive face à la maladie augmente légèrement la survie et réduit le risque de mourir de son cancer.
Des personnes décèdent parfois bien plus tôt que les estimations prévues. Une aggravation soudaine de la maladie peut être la cause… L’inverse est aussi vrai ! On peut observer des rémissions spectaculaires pour des cas avancés très graves, laissant des années de vie presque inespérée pour les malades.
Les statistiques n’ont que faire des cas particuliers.
Frédéric Evrard, malheureusement décédé récemment d’une récidive d’un cancer colorectal, avait usé de la même rhétorique. Il avait décider de se soigner naturellement à grand renfort de viande rouge, d’exposition au froid et de jeûne.
Dans une vidéo où il présentait son cas, Fred Evrad, l’influenceur en santé et expert en art martial nous précisait que son oncologue lui aurait dit « qu’il avait 50 % de chance de survie ». Mais ce pourcentage sans durée (1, 2 ou 5 ans par exemple) ne veut rien dire.
Finalement, il faut savoir que les estimations données par votre oncologue sont très imparfaites. Elles reflètent un certain état de l’art pour un certain type de patients pour un certain type de cancer qui ne peut pas correspondre à votre cas à 100%.
Les oncologues peuvent se risquer à donner des chiffres, mais jouer au devin pourrait être pris pour argent comptant par les malades. Tout se jouera dans la relation de confiance instaurée dans le patient et le médecin traitant.
Cette relation doit permettre d’expliquer réellement ce qui se cache derrière ces chiffres, et surtout, ce que le patient peut mettre en place pour affronter avec le meilleur soutien possible la maladie.
6 commentaires
De toute façon l’oncologue s’en fout de ce qu’il vous reste à vivre.
En 17 ans de traitements (opérations, chimiothérapies et radiothérapies), je n’ai jamais rencontré d’oncologue empathique que ce soit à l’hôpital ou en clinique. Pour eux vous n’êtes qu’un n° bon à entrer dans leurs statistiques. Aucun d’eux ne m’a donné une estimation sur ce qu’il me restait à vivre et heureusement. La seule phrase que j’ai eu au sujet de la 3ème chimio : « c’est la chimio de la dernière chance ».
Les médecins et autres soignants qui vous ont aidé restent dans votre coeur et dans votre mémoire et ils ne sont pas nombreux…
Bonjour Sancil,
Je suis désolé pour votre situation, mais je ne pense pas qu’il soit réellement raisonnable de généraliser. Je connais des oncologues qui justement essayent d’être empathiques et d’avoir une relation de confiance avec leurs patients. Mais ce n’est pas facile, et la détérioration de la qualité des soins, des financements dans le monde de la santé et le besoin d’être “rentable” n’apportent pas les éléments pour une relation apaisée et de confiance entre le soignant et le soigné.
Bon courage à vous et au plaisir de vous lire
Merci Jérémy,
Je ne voulais pas généraliser mais l’époque où j’ai vécu ce cauchemar s’échelonne de 1989 à 2006 (assez long pour se faire un avis sur le milieu hospitalier) et j’ose espérer que les traitements ainsi que approches humaines se sont améliorés.
Je pense que votre expérience et voter ressenti traduisent ce qu’il se passe dans une bonne partie des cas, et c’est vraiment dommage. Le système médical français est très mal en point, on ne peut pas le nier. En vous souhaitant encore du courage dans votre bataille.
Bonjour Jeremy,
Il arrive aussi que ce discours brutal des oncologues soit voulu afin de booster les malades pour qu’ils ne se laissent pas aller.
Mais je remarque aussi que si le patient ne veut rien savoir, l’oncologue se garde d’en dire trop afin de préserver l’état psychologique du malade.
Les oncologues ne sont pas des tueurs en série malgré ce qu’on entend sur les réseaux sociaux, leur job est de soigner au mieux le malade. Chaque cancer est different et chaque malade est différent. Le médecin doit s’adapter autant au cancer qu’il a à soigner qu’au malade atteint de cette maladie là est toute la difficulté .
il est tout à fait vrai que les oncologues ne sont pas tous empathiques et que certains ont carrément des attitudes totalement anti pathiques voir incompréhensibles de la part d’un soignant ! Une phrase du Pr Raoult, qui malgré toutes les polémiques qu’il a pu déclenchées, est un médecin et un sacré chercheur, m’ a beaucoup marqué : “les premiers rôles d’un soignant sont très simples : 1. de rassurer 2. de soulager.
Et bien si un cancérologue fait ça c’est déjà très bien , tout en se souvenant de la phrase de David Servan Schreiber mort récemment d’un cancer ( 25 ans après l’annonce d’une survie de 2.5 ans…) : “il ne faut pas donner au malade de faux espoirs , mais pas non plus de faux désespoirs ” .
Et pour les personnes qui pensent que tous les cancérologues sont des ” tueurs froids et cyniques”, il faut qu’elles aillent voir les conférences du Dr Jean Loup Mouysset, un oncologue exceptionnel qui a créé les centres Ressources où il obtient des médianes de survies beaucoup plus longues que la moyenne des statistiques.
Il y a bien des gens d’exception chez les oncologues aussi !