L’anthroposophie et la biodynamie font l’éloge du jardinage avec la lune. Faut-il éviter les nœuds lunaires ou juste arroser et fertiliser convenablement ?
Sommaire
La lune.
En voilà un astre mystérieux qui vit à nos côtés depuis toujours. Un astre foulé du pied en juillet 1969 par le célèbre astronaute Neil Armstrong.
Un astre qui alimente un nombre incroyable de mythes et légendes. La pleine lune et les loups-garous. La pleine lune et l’insomnie. Les fameux « coups de lune » qui jaunissent le linge.
Mais aussi les histoires un peu moins frivoles avec l’influence de la lune sur les marées.
Une influence bien réelle et bien connue sur les grandes étendues d’eau (1, 2).
Parmi ces mythes et ces légendes qui entourent notre satellite naturel, la culture et le jardinage ne sont pas en reste.
On trouve depuis plus d’un siècle des calendriers lunaires qui permettent de jardiner en accord avec l’astre céleste. Des calendriers qui favorisent la pousse des racines, idéale pour les carottes ou autres navets. Ou bien la pousse des feuilles. Idéale pour les brocolis ou les salades.
Ces calendriers sont extrêmement importants pour éviter les nœuds lunaires. Quand bien même la météo serait bonne, point de jardinage pendant un nœud lunaire ! (3)
On retrouve autant de témoignages positifs que négatifs sur l’influence de la lune sur le jardinage.
Certains ne jurent que par elle.
Quand d’autres y prêtent une attention légère.
Alors qu’une dernière partie s’en moque éperdument.
Qui a tort ?
Ce principe fondamental utilisé en biodynamie fondé par l’anthroposophe Rudolf Steiner est-il prouvé ?
Hasard de culture ou véritable impact des phases descendantes ou ascendantes ?
On fait le point sur cette légende des jardins qui n’a jamais cessé d’exister depuis sa création, qui partage des points communs avec d’autres méthodes déjà décortiquées (comme les fleurs de Bach ou les cristaux d’Emoto).
Les débats épiques sur la lune et le jardinage
L’origine des calendriers lunaires d’aujourd’hui ne date pas d’hier.
On peut remonter jusqu’à cinq siècles dans notre histoire pour y découvrir les premiers écrits sur ce sujet.
La lune passionne depuis belle lurette. Et les débats aussi ne datent pas d’hier. Au fil des siècles, plusieurs agronomes dubitatifs remettent en question les calendriers lunaires. A cette époque tout repose sur des observations sans outils statistiques et scientifiques modernes.
Ces agronomes remarquent des incohérences. Les jardiniers de différentes régions de France soumis aux mêmes cycles lunaires se divisent sur certains points. Tout le monde n’est pas d’accord.
On s’attendrait au moins à observer une certaine constance dans les pratiques, si l’effet était clair. Parmi les jardiniers célèbres qui ont mis les pieds dans le plat lunaire, on retrouve Quintinye.
C’était le jardinier de Louis XIV, le roi soleil.
Et c’est peut-être parce qu’il ne s’appelait pas le roi lune que le jardinier royal ne fut pas si réceptif que ça à la théorie de la lune.
Pour lui, et à travers son expérience, il nous précise qu’il a « appris par ses observations longues et fréquentes, exactes et sincères, a été que ces décours ne sont simplement que dires de jardiniers malhabiles ; ils ont cru par-là, non seulement mettre à couvert leur ignorance à l’égard des points principaux du jardinage, mais en même temps ils ont espéré s’acquérir par ce jargon quelque croyance auprès des honnêtes gens, qui n’entendent rien à l’agriculture. » (4)
En clair, ces jardiniers et agronomes anticonformistes plaident pour l’influence d’autres facteurs, autrement plus importants.
- La météo, avec la pluie et le beau temps
- Donc l’ensoleillement et l’humidité
- La qualité du sol, avec la fertilisation
- La profondeur des graines
Les premières « preuves »
Les premières évidences solides en faveur des cycles lunaires proviennent d’avant la seconde guerre mondiale (5).
C’est la fameuses Lily Kolisko qui est à l’origine de ces travaux.
Cette personne n’est pas n’importe qui. Elle travaillait à l’époque pour la Fondation Anthroposophique pour l’Agriculture. Autrement dit pour le mouvement qui fait la promotion des calendriers lunaires.
Oui, c’est un lien d’intérêt patent.
Sans véritable surprise, ces observations confirment l’intérêt du calendrier lunaire sur l’agriculture. Notamment les importantes pleines lunes pour la croissance végétale. Sans surprise aussi, et je suis un peu taquin, les observations de Kolisko n’ont pas été publiées dans une revue scientifique.
Aucune analyse statistique n’a été faite.
C’est… gênant.
Si les analyses statistiques sont sujettes à de légitimes critiques, elles permettent quand même de s’assurer qu’un groupe est différent d’un autre.
Mais Lily Kolisko n’a jamais eu le monopole de l’investigation scientifique. D’autres se sont aussi penchés sur cette question… qui intéresse beaucoup.
10 ans plus tard, le bureau de foresterie d’Oxford se mêle au bazar lunaire.
Cyril Beeson, forestier et entomologiste, publie dans le journal Nature une synthèse et analyse critique des études faites sur ce sujet (6). Il parlera nécessairement des travaux de Kolisko… bien seuls dans le paysage scientifique.
En dehors de l’étude sponsorisée par une fondation anthroposophique, Cyril Beeson ne trouve aucune donnée convaincante et sérieuse en faveur d’un effet de la lune sur la croissance ou la germination des plantes.
Le résumé de l’étude de Cyril Beeson ne laisse pas vraiment de place au doute.
Pour lui, « la seule évidence expérimentale soutenant l’existence de l’influence de la lune sur la croissance des plantes terrestres a été publiée par Lily Kolisko. Tous les autres expérimentateurs dans de nombreuses régions du monde n’ont pas pu montrer de corrélation sérieuse entre la lune et les processus vitaux des plantes ; certains admettent que si la lune a bien des effets ils sont si faibles qu’ils n’ont aucun intérêt en agriculture ».
Une marée de sève !
Faire l’état de l’art, c’est bien, mais essayer de comprendre les mécanismes, c’est mieux.
Car s’il est facile de trouver des associations entre deux événements, il est encore plus important de prouver un lien de causalité.
Et d’en expliquer l’effet.
Pourquoi la lune permettrait-elle de mieux faire pousser les feuilles pendant une certaine période ?
Vous trouverez difficilement des explications rationnelles au-delà d’analyses cosmiques ou zodiacales. A un détail près. L’attraction gravitationnelle et les marées. J’en parlais au début, mais oui, la lune crée bien les marées. Le niveau des mers n’est pas constant, il varie.
Ça monte et ça descend.
Tout bon marin (pas d’eau douce !) sait qu’il doit vérifier le calendrier des marées pour éviter certains pièges. On sait que la masse des océans est si importante que nous pouvons observer ce phénomène. Un phénomène inexistant dans les grands lacs.
Point de marée. Pratique pour les marins d’eau douce.
Mais pour les plantes ? Si la lune permet bien de faire bouger des masses d’eau, elle pourrait donc faire bouger la minuscule sève ?
C’est un grand oui selon l’anthroposophie qui défend cette vision avec la biodynamie. Pourtant, et pour faire simple, c’est physiquement impossible. Des personnalités autrement plus intelligentes que moi se sont livrées à de savants calculs (7).
Le phénomène est si faible qu’il est improbable d’avoir le moindre impact sur la croissance d’une plante. Mais comble de l’ironie, l’exemple des marées est au final un bien mauvais exemple.
Il dessert la cause.
Pourquoi ? Car les marées changent au cours d’une même journée. Les prédictions lunaires du jardinage se font sur des journées entières, voire plus, alors que nous parlons là de variations en quelques heures.
A quand la plantation de radis entre 9h30 et 11h34 pour la marée montante et phase lunaire descendante dans la constellation du taureau ?
La lune magique ?
L’effet de la lune sur la croissance des plantes, on y croit ou on n’y croit pas.
Les positions sont en général si tranchées que les faits n’y changent rien.
Pas de soucis là-dessus. Car chacun y va de son expérience.
Combien de personnes ont eu des récoltes de radis exceptionnelles en respectant le calendrier lunaire… mais aussi les apports en eau, fertilisants et contrôles des ravageurs ?
Comment faire la différence ?
Comment savoir ce qui va être important ?
Certains préfèrent la science, d’autres le ressenti et les expériences de terrain non contrôlées. Chacun son dada.
Mais les deux visions apportent des résultats différents. Les premiers seront un poil plus fiables que les seconds. Aujourd’hui, la majorité des études scientifiques bien menées s’accordent pour écarter l’effet de la lune sur la croissance des plantes.
Vous trouverez toujours des études pour soutenir l’inverse. Ce n’est absolument pas une épine dans la rhétorique anti-lune et anti-biodynamie, mais plutôt une réalité mathématique et universelle en science.
Cette histoire de lune, de cosmos, de signe du zodiac et de croissance végétale se rapproche davantage d’une sorte de pensée magique plutôt que d’un lien concret et solidement étayé.
Scientifiquement, nous sommes arrivés à un stade où la mesure de l’effet de la lune sur les plantes n’est pas le plus intéressant à faire. Mais plutôt comment des mythes et légendes arrivent à perdurer si longtemps au cours du temps avec une peau toujours aussi coriace.
Le raisonnement est un peu le même pour la terre plate.
Quoi qu’un peu provocateur. Mais quand même.
Malgré des observations multiples, des preuves mathématiques et physiques de la rondicité de la Terre, nous avons toujours des sociétés « savantes » qui défendent la platicité de la Terre. C’est quoi le plus intéressant ? Redémontrer comment on a inventé l’eau tiède ou bien se demander comment persistent ces idées incroyables sur notre monde ?
On me répondra à juste titre : « mais on ne sait pas tout ! »
Ou encore : « la science n’explique pas tout ! »
C’est bien vrai.
Ce serait présomptueux de le croire et de le penser.
Mais aujourd’hui, et jusqu’à preuve du contraire, c’est ainsi.
1 commentaire
Haa l’homéopathie, Boiron, Luc Montagnier et sa nobelite (maladie du nobel) dont la disparition ne peut que nous atrister, car si nous l’avons d’abord connu pour sa découverte conjointe du vih, il restera malheureusement connu en tant que défenseur de la mémoire de l’eau, et plus récemment sur sa thèse concernant la fabrication du sars-cov2 à partir du vih.
C’est bien triste, d’autant que ses interventions publics ont crédibilisées les pires thèses antivax et donc provoquées la mort de centaines de personnes !