Accéder à des enquêtes de santé exclusives !

Inscrivez-vous gratuitement à la newsletter de plus de 10.000 abonnés et recevez plusieurs enquêtes et guides inédits (sur le sucre, les crèmes solaires, les dangers des poêles...) qui ne sont pas présents sur le blog !

Si le bicarbonate de soude est connu pour l’entretien de la maison ou certaines recettes de cuisine, on le retrouve aussi dans les milieux alternatifs pour lutter contre le cancer. Son action anti-acide pourrait aider à vaincre les tumeurs et les métastases. Mais tout cela est-il fondé ?Enquête.

© Freepik

Magique bicarbonate

C’est un ingrédient multi-tâches qui ne cesse de nous impressionner ! Le bicarbonate  (baking soda en anglais)est utilisé avec succès dans les recettes de cuisine, pour l’entretien de la maison ou encore pour soulager des dermatites ou psoriasis avec un effet fongistatique.

Ses avantages sont nombreux :

  • On peut l’obtenir à prix coûtant très facilement
  • Il est facile à utiliser
  • Il n’y aurait aucun risque

Et même mieux ! Le bicarbonate de soude pourrait être un allié de choix pour lutter contre le cancer.

Oui, le cancer.

Battre le cancer naturellement ?

Voici nos enquêtes sur les capacités anti-cancéreuses de l’ail, de l’urine, des fibres alimentaires, du vaccin HPV, de la vitamine C ou encore de l’exposition au froid !

Comment ? En l’ingérant quotidiennement, et en laissant agir ses propriétés alcalinisantes… que le cancer détesterait !

Car oui, le bicarbonate est une base (à l’inverse d’un acide), et c’est la raison pour laquelle il mousse au contact du vinaigre blanc (le principal composé est l’acide acétique dont les propriétés quasi-miraculeuses foisonnent sur la toile).

L’acidifiante tumeur

L’équilibre entre les acides et les bases se mesure avec le pH. Les propriétaires de piscine connaissent bien cette histoire de pH qui doit être neutre, aux alentours de 7, pour éviter la prolifération d’algues.

C’est la même chose pour notre organisme qui doit globalement rester neutre pour fonctionner correctement. Notre corps régule l’évolution du pH – on parle d’homéostasie – jusqu’à un certain point.

Car certaines parties du corps éloignées des principaux vaisseaux sanguins peuvent subir des acidoses aigues, dans le cas de maladies spécifiques comme une inflammation, une ischémie ou des perturbations métaboliques diverses.

Le cancer aussi.

Les cellules cancéreuses se multiplient rapidement d’une manière anarchique. Comme toutes machines de guerre, elle doivent subvenir à d’énormes besoins énergétiques. Surtout du glucose.

Otto Warburg est à l’origine de cette prestigieuse découverte qui porte son nom – l’effet Warburg – pour décrire l’appétit préferentiel et insatiable des cellules cancéreuses pour le glucose.

D’où la popularité des régimes très pauvres en glucoses (cétogène) pour tenter d’affamer le cancer.

Le régime cétogène contre le cancer : les preuves scientifiques

Adopter le régime cétogène permet-il vraiment “d’affamer” les cellules cancéreuses en coupant les apports en glucides ? Voici la plus récente synthèse des études sur cette solution thérapeutique prometteuse.

La consommation massive de glucose (comme n’importe quoi d’autre) entraîne la libération d’un déchet dans le milieu. Dans le cas du cancer, les cellules qui envahissent notre organisme libèrent à profusion des ions hydrogènes (H+) et du lactate.

Ces deux métabolites, comme on dit dans le jargon, sont des acides.

Un cercle vicieux se met en place. Plus le cancer se développe, plus il « acidifie » son micro-environnement, plus ce dernier devient favorable à son développement.

Cette acidité galopante est d’autant plus difficile à contrôler qu’elle se trouve loin des réseaux sanguins avec des effets « clastogènes » qui peuvent provoquer la rupture de l’ADN des cellules avoisinnantes.

Ce déferlement de lactate dans l’environnement immédiat des cellules cancéreuses va avoir des effets négatifs importants sur notre propre système immunitaire dirigé contre ces cellules cancéreuses.

Cette prolifération de lactate va ainsi court-circuiter nos défenses immunitaires spécifiques contre le cancer, avec :

  • une inhibition de la prolifération et la survie des cellules immunitaires
  • une dé-différenciation de ces cellules (les rendant donc inactives)
  • Ce déchet produit en masse par les cellules cancéreuses sera donc responsable :
  • de la prolifération accrue de la tumeur
  • d’une résistance supérieure au médicament anti-cancereux
  • d’une augmentation du risque de métastase
  • d’un pronostic de survie souvent plus faible pour les malades

Devant le nombre très important de travaux qui montrent le rôle délétère de cette acidification du milieu par les cellules cancéreuses, on peut logiquement se tourner vers des solutions pour combattre cette acidité… et donc le cancer.

Et l’acidité peut être neutralisée avec une base… comme le bicarbonate.

La théorie alcaline

C’est ainsi que le bicarbonate de soude devient sur le papier un outils stratégique pour lutter contre le cancer. Mais il en faut du temps et des expériences pour passer de la théorie à la pratique, et avoir des certitudes quant aux effets thérapeutiques.

Car bien souvent, les équations biochimiques écrites sur le papier – fussent-elles extrêmement logiques – suffisent à lancer des mouvements alternatifs qui usent et abusent du bicarbonate pour lutter contre le cancer.

Précieux rongeurs

Quand on souhaite rapidement avoir des résultats sur une thérapie prometteuse, on s’acharne sur des souris de laboratoire. Elles cumulent tous les avantages pour la recherche clinique :

  • Génétiquement bien contrôlées
  • On peut avoir un grand nombre d’individus
  • Elles sont faciles à conserver et prennent peu de place
  • Les résultats sont très rapides à obtenir
  • On peut leur greffer toutes sortes de cancers

Mais des souris resteront des souris, et jusqu’à preuve du contraire, nous ne sommes pas des souris.

Quoi qu’il en soit, de nombreuses équipes internationales ont essayé le bicarbonate pour traiter de nombreux cancers avec ou sans traitements chimiothérapeutiques.

On remarque globalement des résultats positifs :

  • Une augmentation du pH extracellulaire (donc moins acide)
  • Une inhibition du développement des métastases (en nombre et taille)
  • une agumentation de la survie des souris sous bicarbonate
  • une amélioration de la réponse immunitaire
  • un délai dans le développement des tumeurs
  • une amélioration de l’efficacité des traitements cytotoxiques

Autrement dit : les résultats précliniques chez la souris valident presque unanimement les hypothèses biochimiques sur le bicarbonate et l’acidité du micro-environnement.

Mais le bicarbonate n’a eu aucun effet sur la taille des tumeurs primaires, ni sur l’évolution du pH intracellulaire, montrant les limites de la méthode.

Des travaux impressionnants ont été publiés en 2016 sur ce sujet en évaluant l’effet d’une supplémentation en bicarbonate de soude dans l’eau des souris sur plusieurs types de cancers. Ces travaux montrent les limites du bicarbonate, où de nombreuses tumeurs se développent aussi bien malgré l’anti-acide.

Une croissance cancéreuse qui se mesure sur la survie des souris : elles meurent autant que celles qui boivent de l’eau du robinet.

Dans la majorité des cas, le bicarbonate a tout simplement été ajouté dans l’eau des rongeurs, passant ainsi par voie orale, sans ciblage spécifique.

Mais nos souris de laboratoire sont des animaux bien dociles pour subir toutes sortes de traitements… que nous aurions bien du mal à accepter.

Ce point concerne la dose de bicarbonate. Pour un homme de 70 kg, il faudrait ingérer tous les jours au moins 210 g de bicarbonate… Ce qui paraît presque impossible surtout sur de longues périodes allant sur plusieurs mois.

Le succès chez l’homme

Au-delà des témoignages que l’on trouve sur la toile, nous n’avons pratiquement rien chez l’homme. Je dis « pratiquement » car il y a une seule et unique étude faite chez des humains, avec du bicarbonate en association aux traitements cytotoxiques de référence.

Cette étude est au centre d’une vaste récupération de certains milieux alternatifs et d’intenses débats scientifiques.

On va en parler car elle mérite qu’on s’y attarde.

C’est une équipe chinoise et américaine qui ont mené ce premier essai clinique chez l’homme en ajoutant du bicarbonate à un traitement chimiothérapeutique de référence, et très précis.

57 participants atteints d’un cancer du foie (hépato-carcinome) ont été répartis dans deux groupes, avec ou sans bicarbonate.

Mais sur quoi reposait le traitement de référence ? Sur une chimio-embolisation transartérielle.

Ce nom barbare est une opération très spécifiquee qui consiste à injecter un produit chimiothérapeutique ainsi que des agents coagulants qui vont bloquer l’artère hépatique qui alimente la tumeur.

Ce double traitement permet de mettre la tumeur dans un sale état. On lui bloque sa source d’approvisionnemetn préférentielle, et on lui envoie l’artillerie lourde de manière ciblée, directement sur elle.

Cette opération est vraiment limitée à certaines tumeurs et dans certaines conditions. C’est un cas particulier. Le cancer du foie est d’ailleurs celui le plus concerné par des rémissions spontanées, avec des hypoxies par thrombose de la veine porte du foie… conduisant à la mort de la tumeur.

De retour sur notre étude, on remarque que les auteurs ont fait un mélange plutôt étrange entre deux méthodes bien différentes : une étude clinique avec et sans randomisation… produisant des résultats contrastés.

Plus intrigant, le critère principal repose sur les « résidus de tumeurs viables », et à moindre mesure, sur la survie des patients.

Mais seulement 20 d’entre-eux ont été répartis aléatoirement par randomisation. Une limite vraiment importante dans le nombre de participants. Pour autant, les résultats montrent que l’ajout de bicarbonate a permis de fortement réduire le nombre de résidus de tumeurs viables, pouvant faire espérer un bénéfice sur la survie des patients.

Un bénéfice qui n’apparaît pas dans les analyses statistiques. Mais l’étude n’a pas été conduite pour étudier ce paramètre. Il y a trop peu de participants pour avoir la puissance statistique nécessaire.

Autrement dit : il pourrait y avoir un bénéfice sur la survie des patients, mais l’étude ne permet pas de le démontrer avec certitude. Une sous-population cancéreuse, même fortement réduite, pourrait avoir un développement très agressif sans améliorer à long terme la survie des patients.

Mais le plus important : cette étude se limite à un cancer vraiment particulier, où l’on peut directement inoculer l’agent anti-acide !

L’histoire du dichloroacétate

Son histoire a plutôt mal commencé. Cet acide a été remarqué dans le début des années 80 car il entraînait le développement de cancers chez les souris, ce qui a un peu calmé les ardeurs des scientifiques à son sujet.

Mais assez paradoxalement, le dichloroacétate (DCA) est rapidement devenu une piste thérapeutique… contre le cancer ! Celui qui était suspecté de le donner l’était également pour le combattre. Voilà toute l’ambivalence de la recherche clinique.

Et son mécanisme d’action contre le cancer a de quoi surprendre puisqu’il va agir contre l’acidification de l’organisme que l’on sait favorable aux cancers… alors que c’est un acide.

Mais comment un acide peut-il lutter contre l’acidité ?

En court-circuitant l’activité d’une enzyme très particulière (PDK pour pyruvate déshydrogénase kinase) responsable de la production de lactate !

L’acide contre la production d’acidité ! Il fallait y penser ! On agit avec ce produit avant la création des déchets responsables de l’acidification de l’environnement cellulaire.

Sauf qu’à ce jour, et maglré toutes les promesses théoriques du DCA, nous n’avons que des données précliniques intéressantes chez les souris… et une seule étude clinique chez l’homme.

Exactement le même schéma que pour le bicarbonate de soude !

La seule étude menée dans les règles de l’art s’est intéressée à des patients atteints d’un cancer squameux du cou et de la tête impossible à enlever chirurgicalement. Si l’étude montre la bonne tolérabilité du DCA, et l’absence d’effets secondaires graves, on ne retrouve aucun signal positif sur la survie ou la progression de la maladie.

Un sous-groupe de seulement 7 personnes, avec la présence de papillomavirus humain (HPV) et sous DCA, a eu une survie de 100 % sur les 60 mois de suivi. La survie des autres groupes oscillait entre 50 et 90 %. Mais ces différences ne sont pas significatives, à cause de la faiblesse de l’échantillon.

Autrement dit, court-circuiter la grande machinerie responsable de la production de lactate n’est pour le moment pas la panacée. Du moins, la seule étude clinique ne montre pas de signal en ce sens.

Mais il faudrait bien sûr d’autres études cliniques avec plus de participants pour évaluer ce produit ou bien le bicarbonate. Car aujourd’hui, il est impossible d’écarter définitivement ce produit par manque d’études cliniques de grande envergure.

Que faire en cas de cancer ?

La séduisante théorie alcaline avec le cancer pourrait pousser n’importe qui à en prendre quotidiennement pour vaincre son cancer. Pourquoi pas ? Il y a après tout des données cliniques positives et prometteuses.

Oui, mais ces données concernent un cancer bien particulier (du foie) où l’on peut directement injecter une solution de bicarbonate dans l’environnement de la tumeur.

Pour l’immense majorité des autres cas, nous ne savons pas si la consommation orale de bicarbonate pourrait aider.

Ce manque d’études ne permet pas d’établir de dosage précis pour éviter les intoxications. Car elles sont possibles. On peut mourir d’une alcalose, avec un pH de l’organisme qui devient trop basique.

Des chercheurs américains nous rappelaient en 2017 le cas – heureusement très rare – d’une femme âgée décédée de son cancer du sein. Cette dame a été admise aux urgences avec de graves problèmes de santé car elle avait arrêté tous ses traitements… et pris du gel de bicarbonate régulièrement.

Elle étalait la crème sur sa poitrine pour tenter d’alcaliniser l’environnement proche de sa tumeur, mais cela a conduit à une grave alcalose (entre autres choses) et à son décès.

Il faut donc être prudent avec cette histoire d’équilibre acido-basique.

Car les risques existent et les preuves d’efficacité manquent. De la théorie à la pratique, ou de la souris à l’homme, il y a un monde. Voire mêmes plusieurs.

Alors face au cancer, pourquoi pas essayer ?

Vous avez en tout cas tous les éléments à votre disposition pour prendre une décision éclairée.

On reste en contact ?

D'autres enquêtes et articles doivent vous intéresser ! Inscrivez-vous gratuitement à la newsletter de plus de 10.000 abonnés et recevez plusieurs enquêtes et guides inédits (sur le sucre, les crèmes solaires, les dangers des poêles...) qui ne sont pas présents sur le blog !

2 commentaires
  1. Comme tu le dis très bien, c’est très compliqué d’évaluer quoi que ce soit avec si peu d’études cliniques.
    Il faudrait par ailleurs avec accès aux études qui ont eu des résultats négatifs – donc très souvent non publiées – voir jamais publiées.
    Je crois que l’on appelle ça l’effet tiroir.

    perso, je me galère beaucoup à avoir accès à ces études…..imaginons qu’il y ait eu 45 études sur le bicarbonates qui ont données des résultats négatifs et non concluants ?

    Je ne sais pas si toi, Jeremy, tu as des méthodes pour pouvoir lire ces études ?
    Amicalement
    Thomas.

    1. Salut Thomas,

      Merci de ton retour.

      Oui, on parle plus généralement du “biais de publication”. Les éditeurs des revues scientifiques choisissent préférentiellement les résultats positifs, tout comme les laboratoires qui ne vont pas publier des résultats négatifs sur des médicaments, biaisant l’image global que l’on peut se faire d’un médicament.

      Il est techniquement impossible d’avoir accès à ces études non publiés pour le commun des mortels. Je sais que des lois aux USA (peut-être en Europe) sont en discussion pour avoir quand même les résultats négatifs en accès libre pour les études cliniques sur des médicaments. On parle parfois de littérature grise. Mais ces documents sont très difficile à obtenir !

      Déjà qu’il n’est pas facile de lire les études déjà publié ! Mais tu soulèves un vrai problème dans le monde scientifique et académique.

      Merci de ton soutien dans ce travail d’investigation et d’information !

      Au plaisir de te lire.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Tous les commentaires sont soumis à modération à priori. En postant un avis, vous acceptez les CGU du site Dur à Avaler. Si votre avis ne respecte pas ces règles, il pourra être refusé sans explication. Les commentaires avec des liens hypertextes sont sujets à modération à priori. La partie commentaire d'un article réservé aux membres peut être accessible à tous, mais les commentaires des internautes non inscrits n'ont pas vocation à être publié. Merci d'émettre vos avis et opinions dans le respect et la courtoisie. La partie commentaire sera automatiquement fermé 30 jours après publication de l'article.