De vrais jumeaux ont été affectés à un régime végétalien ou omnivore pour mesurer les effets sur la santé. Seul le régime à base de végétaux a permis aux jumeaux de perdre du poids et d’améliorer des variables métaboliques. Mais ce n’est pas la seule chose que raconte cette étude.
Sommaire
Il y a des études qui attirent davantage l’attention que d’autres, et la petite dernière publiée dans le JAMA (un journal prestigieux qui n’échappe pas aux méconduites scientifiques) sur le régime végétalien en fait partie.
Une étude élégante puisqu’elle a comparé chez de vrais jumeaux l’effet de deux régimes alimentaires bien connu : végétaliens et omnivores (1).
Encore plus intéressant ! Nos participants omnivores n’ont pas mangé des cochonneries ou de la junk food. Rien de tout ça. Beaucoup de légumes, des fruits, des céréales et des fibres… autrement dit, un régime omnivore équilibré et sain.
La même chose a été faite du côté des végétaliens de circonstances… avec donc un régime profondément healthy.
Une petite expérience qui a duré 8 semaines (c’est peu) avec 44 jumeaux (c’est peu également) pour montrer quoi ?
On peut s’attendre à deux choses :
- Le régime végétalien l’emporte, car il améliore bien souvent les marqueurs cardiométaboliques.
- Un match nul, car notre régime omnivore est lui aussi de qualité, avec la part belle sur les végétaux et les fibres.
Je vous gâche le suspens : c’est la première hypothèse qui l’emporte !
Mais le diable se cache dans les détails.
L’interprétation de l’étude à la lumière des paramètres mesurés est vraiment intéressante… surtout sur les paramètres qui n’ont pas été mesurés. Car si on décide d’écarter des marqueurs métaboliques importants, on peut se demander la raison de ces choix.
Quid du végétalisme ?
Le régime végétalien ne permet que la consommation de végétaux, fruits, légumineuses sans produits animaux. On oublie la viande rouge accusée d’augmenter le risque de diabète ou encore de cancer, tout en privilégiant les fibres alimentaires.
Un régime alimentaire avec des études positives sur la santé, mais aussi des avis d’associations médicales discutables, et des risques de carences pour certaines vitamines (B12, A…)
Supériorité végétalienne
Au terme de 8 semaines d’expérience, les auteurs de l’étude sont plutôt dithyrambiques à propos du régime végétalien qui a permis d’améliorer les paramètres cardiométaboliques des participants.
Mais quels paramètres ?
- Une perte de poids chez les jumeaux soumis au végétalisme
- Une baisse du LDL, ou le fameux mauvais cholestérol associé à la formation de plaque dans les artères et la survenue d’infarctus notamment
- La baisse de l’insuline circulante à jeun, un biomarqueur du risque de diabète
Des calories qui se perdent
C’est à partir de là que les problèmes commencent. Car nos participants n’avaient pas de repas précis fourni par les chercheurs. Ils pouvaient manger ce qu’ils voulaient, en respectant bien sûr quelques consignes.
Et on s’est rendu compte que les végétaliens de circonstances ont perdu 2 kg de plus que les omnivores… car ils ont mangé un peu moins de calories que les autres !
C’est terriblement logique. Ce point a suffi à courroucer les viandards ou anti-vegan de premières cordées, car les diètes n’étaient pas isocalorique (= à calorie égale).
Oui ! Ce n’était pas le but de l’étude. Cela s’entend, mais les bénéfices obtenus sur le LDL et l’insuline sont la conséquence directe de la perte de poids. Or, on peut parfaitement perdre du poids en mangeant de tout, uniquement du riz, du McDonald ou encore Subway.
Un certain Jared Fogle ou « l’homme Subway » a perdu plus de 100 kg en mangeant exclusivement dans l’enseigne de restauration rapide… mais en quantité raisonnable.
Autrement dit : peu importe le moyen, la perte de poids entraînera – presque – toujours des bénéfices sur la santé. Je dis presque, car il faut avoir besoin du perdre du poids.
Mais l’étude a le mérite de montrer un effet dans la « vraie vie », et que le régime végétalien pourrait être une option pour perdre plus facilement du poids qu’un régime classique.
The lower the better !
C’est là que nous avons un second problème. Car nos jumeaux sont en bonne santé. Un léger surpoids pour les jumelles, et rien à signaler chez les jumeaux. Tous les biomarqueurs sont au vert, notamment le LDL.
Théoriquement, cette baisse de LDL après 8 semaines de végétalisme ne change pas grand-chose à la situation et vient chatouiller un dogme médical bien connu : the lower the better ou plus c’est bas, mieux c’est !
Mais cet adage pourrait être particulièrement peu adapté à nos jumeaux, en bonne santé, sans facteur de risque, pour lesquelles les bénéfices de réduire désespérément le LDL serait infimes voir inexistant (2, 3).
L’autre point qui peut déranger sera l’absence d’analyse d’autres paramètres cardiométaboliques sur les rapports entre les principaux lipides.
On sait désormais que l’analyse conjointe du rapport LDL/HDL ou des triglycérides (TG) /HDL apportent des informations complémentaires intéressantes pour évaluer un statut cardiométabolique.
Et dans notre étude, même si les variations ne sont pas statistiquement significatives, on remarque une baisse du HDL (ou le « bon » cholestérol) et une augmentation des triglycérides chez les végétaliens.
En somme, une tendance vers une dégradation d’un ratio (TG/HDL) particulier. Il aurait aussi été intéressant d’avoir le cholestérol total pour faire d’autre rapport, mais ce marqueur n’a pas été mesuré.
On observe la même dynamique avec l’insuline à jeun, qui a baissé avec le végétalisme… mais elle est parfaitement dans la norme dans les deux groupes, avant ou après les régimes respectifs.
Ces marqueurs manquants
C’est peut-être le plus dérangeant, surtout quand on se lance dans une étude aussi séduisante, à la fois pour les professionnels de santé et la presse, car il manque des paramètres importants.
Le cholestérol total, j’en ai parlé plus haut. Mais il manque aussi l’importante « Apo B » de son petit nom, ou l’apolipoprotéine B synthétisés par le foie et les intestins (4, 5).
L’analyse sur le poids n’a pas fait de distinction entre la masse maigre et la masse grasse. Nos jumeaux végétaliens ont-ils perdu du gras ou du muscle ?
C’est important de le savoir et les récentes études cliniques de ce type font généralement ces mesures.
On savait par exemple dans une récente étude clinique de qualité comparant un régime pauvre en glucides (low carb) ou pauvres en graisses (low fat) que les deux ont pu entraîner la même perte de poids… même principalement de la masse musculaire dans le premier cas et du gras dans le second.
Le tour de taille est aussi un paramètre intéressant à mesurer. Quand on rentre dans un vieux jean, on réalise bien souvent qu’on a vraiment perdu du poids, et cette mesure est associée à l’amélioration de marqueur métabolique.
Mais si le tour de taille a bien été mesuré au départ, on ne retrouve plus de mesure au bout de 8 semaines. Aucun chiffre n’est présenté. Dommage.
Il manque également des mesures plus précisent des différentes tailles de LDL cholestérol. Là aussi, la littérature scientifique nous invite à mesurer aussi les plus petites particules (6, 7).
Ce n’est pas vraiment un marqueur, mais une analyse différenciée par sexe aurait eu son intérêt, puisque les jumelles de cette étude étaient en léger surpoids comparé aux jumeaux (dans les clous de l’IMC).
Attention à l’IMC !
On peut être en surpoids, voire obèse, mais en bonne santé métabolique. On appelle cela l’obésité métaboliquement saine. Tout comme on peut avoir un IMC normal, mais avoir des problèmes métaboliques.
En fait, l’IMC est un indicateur imparfait qui pourrait se tromper une fois sur trois !
Il aurait été intéressant de voir si ce sont bien les jumelles végétaliennes qui ont bénéficié d’une perte de poids afin de normaliser leur IMC.
Qui est le meilleur ?
Que montre au bout du compte cette étude ? Qu’un régime végétalien a entraîné une consommation moins importante de calories. Qui dit moins de calories, dit une éventuelle perte de poids.
C’est bien ce qu’on retrouve dans cette étude, avec des répercussions sur un marqueur métabolique de référence dans le risque cardiovasculaire (le LDL cholestérol). Mais le bénéfice obtenu sur ce marqueur est indissociable de la perte de poids, confessent les auteurs de l’étude.
Ça reste au final la limite la plus importante de cette élégante étude sur nos jumeaux. Une amélioration du profil cardiométabolique sans perte de poids aurait eu une importance autrement plus significative.
Mais cette étude a le mérite de présenter une méthodologie en « vie réelle » où nos participants ne reçoivent pas des rations calibrées à la calorie près, dans des laboratoires qui s’éloignent de la vie de tous les jours.
Une présentation en vie réelle qui dépeint aussi la réalité d’un régime restrictif avec une satisfaction alimentaire en baisse pouvant expliquer la consommation moins importante de calories.
Est-ce que cette étude change nos connaissances sur l’effet d’une diète végétalienne sur la santé ? Pas vraiment. Nous avions déjà plusieurs études cliniques rapportant les mêmes bénéfices – peu ou prou – sur la santé métabolique (et notamment en réduisant les apports caloriques).
Nous avions aussi les résultats d’une méta-analyse sur le régime paléolithique – qui exclu les produits laitiers et les céréales ainsi que les aliments ultra-transformés – qui montrait les bénéfices de ce régime sur le poids… et le LDL.
Au final, le directeur de l’étude Christopher Gardner atteste d’un conflit d’intérêts dont la portée est difficile a estimer. Il déclare avoir reçu des fonds du commerçant de substituts végétaliens, Beyond Meat, dont on ignore les montants et ce qu’ils peuvent impliquer dans l’intégrité de l’étude.
Nul doute que les données de l’étude sont sincères, et la démarche de bonne foi, mais l’étude pêche sur plusieurs points qui nous laissent sur notre faim… comme nos jumeaux végétaliens !
1 commentaire
Bonjour Jérémy,
chouette analyse, merci!
J’ajoute que :
* 8 semaines sont en effet bien trop courtes pour trancher : dans mon cas et dans celui de bien d’autres personnes, le végétalisme a apporté mieux être global et parfois perte de poids… à court terme. Nous avons tous vu une grosse fonte musculaire, qui pourrait expliquer la perte de poids rapide. Mais la balance s’est le plus souvent inversée à moyen ou long termes, selon le profil de chacun : nous sommes nombreux à avoir repris davantage de poids, vu apparaitre des pb digestifs, hormonaux, psycho émotionnels, etc.
* l’augmentation des triglycérides est à mes yeux le marqueur le plus délétère parmi ceux étudiés! Il aurait fallu doser également les LDL oxydés, l’homocystéine, etc. Et zinc, sélénium, calcium, iode, vitamine A, toutes les B, etc.
* le conflit d’intérêt est majeur à mes yeux : pur hasard d’avoir des intérêts dans une boite de viande artificielle et de conclure aux bienfaits du véganisme, non ?!
Bien à toi
Hélène ALTHERR
Pharmacienne Experte en Santé Naturelle et Fonctionnelle