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On retrouve très souvent un déficit en vitamine D chez les personnes en état de fatigue chronique. Cet épuisement est-il la conséquence de cette carence ? Peut-on booster son énergie avec la sulfureuse vitamine que nous apporte le soleil ? Enquête.

© yanalya| Freepik

Les batteries à plat

Vous êtes fatigué ? Je vous rassure, c’est plutôt normal de ressentir de la fatigue. Du moins dans une certaine mesure ! La fatigue, c’est ce sentiment d’épuisement de l’organisme dont les causes peuvent être nombreuses et parfois indéterminées.

Après une séance de sport, c’est de la « bonne fatigue », mais au réveil après une bonne nuit de sommeil, pourquoi peut-on encore être fatigué ?

Et si c’était le manque de vitamine D ?

L’ultra-connue vitamine synthétisée avec l’exposition au soleil intervient dans un nombre incalculable de processus biologique. Elle est essentielle pour le fonctionnement normal du corps, de notre immunité, des réactions inflammatoires, du système osseux et dans les neurotransmetteurs… Au point d’être pour certains un véritable totem d’immunité !

Sauf que nous n’avons pas tous la possibilité de produire suffisamment de vitamine D. La faute au rayon UV capricieux en hiver, à nos couches de vêtements et la crème solaire pour lutter contre les cancers de la peau !

Alors pour recharger nos batteries, on conseille souvent de prendre des cachets de vitamine D pour se refaire « une santé », et dire adieu à cette fatigue passagère ou chronique (1), qui peut avoir des conséquences négatives importantes sur la qualité de vie.

Oui… Etre en permanence fatigué avec des douleurs musculaires peut favoriser l’isolement social, l’anxiété ou la dépression.

Et sur le papier, ce n’est pas dénué d’intérêt ! Comme pour la lutte contre les effets du Covid-19 et les infections respiratoires d’une manière générale, on remarque souvent que les personnes en carence de vitamine D sont aussi les plus fatiguées !

Coïncidence ? Lien de cause à effet ?

C’est là que tout se complique pour nous.

Mais c’est aussi à partir de là que l’histoire devient passionnante.

« Un cachet s’il vous plaît ! »

Pour savoir si la vitamine D permet de recharger nos batteries, nous n’avons pas 36 moyens pour le savoir. Il faut faire des études cliniques.

Et pas n’importe lesquels ! La méthode est importante pour dépenser son temps et son argent judicieusement. Il faudra faire attention à toujours bien comparer.

Dans notre cas, il faudra un groupe de personnes qui recevront de la vitamine D et un autre qui recevra un cachet inerte sans principe actif, un placebo.

Car notre perception de la fatigue est extrêmement subjective et son amélioration va dépendre de nombreuses choses dont la puissance de nos attentes. Des attentes qui peuvent avoir un effet plus ou moins marqué sur l’évolution de la fatigue (2).

Bref, l’utilisation d’un produit inerte est une nécessité, car il y a d’énormes surprises avec l’effet placebo.

Le rôle majeur des placebo a été mis en évidence dans l’hypersensibilité au gluten et au blé où la quasi-totalité des symptômes gastro-intestinaux et maux de tête était la conséquence d’un effet nocebo alimenté par des attentes négatives fortes.

Mais tout le monde ne le fait pas.

C’est comme ça. On retrouve par exemple ce travail américain en 2014 qui apparaît comme une prophétie auto-réalisatrice (3). Ces médecins ont corrigé la carence en vitamine D chez plus d’une centaine de patients… et la fatigue au passage !

Tous les participants ont vu une amélioration de leur état de fatigue. En faut-il plus pour répondre à la question ? Oh que oui.

Car un cachet inerte sans principe actif peut aussi faire ce « miracle » ! On peut soulager de véritables brûlures avec une prière ou une imposition des mains bien sentie. Il faut donc rester méfiant quand il s’agit du cerveau humain !

En 2016, des chercheurs suisses ont voulu savoir si la correction d’un déficit en vitamine D permettait bien de réduire la fatigue chez des personnes en bonne santé.

Pour ce faire, ils ont recruté 120 participants en bonne santé, mais avec une carence en vitamine D et une fatigue modérée.

Ces participants ont été répartis dans nos fameux deux groupes, l’un recevant une mégadose unique de vitamine D (100 000 UI) et l’autre un cachet inerte. On fait le point 4 semaines plus tard.

On remarque deux choses importantes :

  1. Le groupe « placebo » qui a reçu un comprimé inerte, et n’a donc eu aucune modification de son taux de vitamine D, accuse d’une amélioration de la fatigue chez 50 % des participants ! Un participant sur deux se sent moins fatigué avec un placebo.
  2. Le groupe qui a réellement reçu la mégadose de vitamine D a bien augmenté son taux de vitamine D sanguin et accuse d’une amélioration de la fatigue chez 72 % des participants !

C’est bien la différence entre les deux qui permet d’estimer l’effet réel de la supplémentation en vitamine D. Cette différence a été calculée à l’aide d’une auto-évaluation subjective de la fatigue avant et après la prise des cachets.

On fait comme ça partout, c’est accepté par la communauté scientifique.

La différence est de l’ordre de 2,5 points entre les groupes, sur un total de 50 points. Soit 5 % de mieux avec la mégadose.

Si la différence est attestée par les analyses statistiques, on peut se demander si cliniquement les participants vont réellement ressentir quelque chose. C’est l’importance clinique d’une différence purement mathématique.

On l’avait vu avec les médicaments contre la maladie d’Alzheimer. Si les fabricants avaient bien réussi a montrer des bénéfices statistiquement significatifs de 3 ou 4 points, ces différences n’avaient aucun intérêt dans le monde réel pour les malades.

Or, un travail réalisé chez des participants atteints de sarcoïdoses nous rappelle qu’il faut une différence d’au moins 4 points sur l’échelle de fatigue pour avoir une importance clinique significative (4).

Alors ce n’est pas évident d’extrapoler avec nos participants en bonne santé, mais cela donne une idée de la portée clinique de cette différence.

Par ailleurs, nos chercheurs helvètes ont soumis un autre questionnaire simple et non validé sur la fatigue à nos participants sans montrer de différence. Bon, on se demande pourquoi avoir utilisé ça…

Mais une seule mégadose de vitamine D n’est pas vraiment la manière la plus optimale pour observer des bénéfices. L’idéal aurait été une supplémentation quotidienne ou hebdomadaire. Quoi qu’il en soit, on remarque à la fois le fort effet placebo sur la fatigue sans exclure un léger effet de la vitamine D chez des personnes sans souci majeur de santé en état de carence.

Le mystère reste donc entier.

Des ados et du pep’s

En 2016, la faculté universitaire de Sao Paulo au Brésil partage les résultats d’une étude intéressante chez des jeunes atteints de lupus érythémateux (5).

40 jeunes en carence en vitamine D ont été scindés en deux groupes, l’un recevant 50 000 UI de cholécalciférol toutes les semaines, et l’autre un placebo inerte.

Les auteurs se sont intéressés à divers paramètres, dont la sévérité de la fatigue qui touche beaucoup cette catégorie de patients.

Après 24 semaines de supplémentation, le groupe avec la véritable vitamine D ne possède plus que 10 % de participants en état de carence contre 75 % dans le groupe contrôle avec le placebo.

Voilà des écarts assez importants qui prouvent que la supplémentation a permis de corriger la plupart des carences. On pourra s’attendre à des différences sur le niveau de fatigue.

Les résultats se divisent en 9 catégories, dont une seule est positive en faveur de la supplémentation pour des interactions sociales.

Corriger la carence chez ces jeunes n’a pas changé le niveau de fatigue ressenti pour faire des tâches courantes, des exercices physiques ou à l’école… sur les 8 autres paramètres mesurés.

Je vous laisse juge de ces résultats… que je trouve pour le moins décevant en faveur d’une supplémentation hebdomadaire chez de jeunes adultes en carence de vitamine D.

L’étude n’est pas parfaite non plus. Quand bien même elle est randomisée, en double aveugle avec un placebo, on remarque que légèrement plus d’adolescents ont été recrutés en été dans le groupe contrôle, laissant planer un impact du soleil plus prononcé sur ce groupe avec un gommage de l’effet bénéfique de la supplémentation. Mais les analyses sanguines ne peuvent pas mentir : ces jeunes-là étaient tout de même très carencés à la fin de l’expérience.

Israël siffle la fin de partie ?

Des médecins chercheurs à Tel-Aviv ont en 2014 évalué l’effet d’une prise quotidienne de vitamine D ou d’un placebo chez plus de 150 participants atteints de fatigue chronique et de scléroses multiples (6).

Les participants ont été suivis pendant 6 mois avec une mesure au début à la fin de la fatigue selon deux échelles standardisées officielles (FIS et MFIS pour les curieux).

L’amélioration au bout de 6 mois est impressionnante chez les participants supplémentés en vitamine D ! Le score de fatigue diminue de 42 % !

Impressionnant ? Clairement. Mais il faut comparer ce score avec notre groupe témoin… qui voit lui aussi une amélioration de 27 % avec une pilule inerte.

La différence entre les deux groupes, de l’ordre de 22 points, laisse entrevoir l’efficacité réelle de la supplémentation… dont l’intérêt clinique atteint le seuil minimal attendu (entre 10 et 20 points) (7).

Si on regarde du côté de la qualité de vie des participants, il y a du mieux dans la sphère psychosociale, mais aucune différence dans le physique grâce à la supplémentation en vitamine D.

Mais je dois émettre certaines réserves. Non pas que je déteste l’idée que la vitamine D fonctionne – car j’aimerais qu’on dispose de remède simple et efficace pour nos soucis au quotidien – mais des points sont dérangeants.

Dans l’ombre de cette étude, on retrouve Big Pharma. Le géant des génériques, Teva Pharmaceutical, a soutenu sans limites financières ce travail de recherche… et revend au passage des compléments de vitamine D.

Parmi les auteurs, ils ont réussi à caser deux employés de la firme pharmaceutique. C’est quand même pas mal.

Mais ce n’est pas forcément un critère disqualifiant. Faut-il encore démontrer des fraudes, des manipulations, ou des arrangements avec la vérité.

Et dans notre cas, on regrette l’absence d’un point majeur : le statut de la vitamine D de nos participants ! Le critère le plus important pour mesurer l’effet d’une supplémentation chez des personnes carencées n’a pas été mesuré malgré le soutien d’un géant du monde pharmaceutique des génériques.

On ne sait pas si les participants étaient davantage carencés dans un groupe plutôt que l’autre et les paramètres de départ sont peu nombreux pour répartir aléatoirement les participants. En gros : c’est très léger pour se gargariser d’avoir une méthode rigoureuse.

D’ailleurs, les auteurs précisent n’avoir pas eu besoin d’enregistrer l’essai clinique dans un répertoire international officiel (comme la loi l’oblige) puisqu’Israël considère cette supplémentation comme « naturelle ».

En conséquence, et ce sont des spéculations, les auteurs ont pu modifier à leur souhait les analyses prévues et réalisées en fonction des résultats statistiques. Ils n’ont eu nul besoin d’avoir l’autorisation d’un comité d’éthique pour faire cette étude.

On marche un peu sur la tête.

D’ailleurs, en 2023, une équipe a réalisé une synthèse et méta-analyse des 5 essais cliniques à notre disposition sur la supplémentation en vitamine D chez des patients atteints de scléroses multiples (8).

Il se trouve que le bénéfice de la supplémentation en vitamine D n’est démontré que dans une seule étude… celle d’Israël, et que ce bénéfice global disparaît quand on regroupe les 4 études sans celle produite par Teva Pharmaceutical.

C’est la seule étude qui n’a pas mesuré la vitamine D sanguine avant et après la supplémentation.

Tout cela me dérange beaucoup. Car l’idée est de montrer un bénéfice chez les personnes carencées notamment, celles qui peuvent tirer un bénéfice d’une supplémentation en vitamine D.

Vitamine D et fatigue : miracle ou arnaque ?

L’action de la vitamine D dans l’organisme est si large et importante qu’il est plus que tentant d’imaginer un effet sur la fatigue. Ce ne serait pas si bête que ça, en plus. Surtout chez les personnes carencées.

Mais les travaux scientifiques présentés dans cette petite enquête n’apportent pas d’élément probant significatif en faveur d’un effet considérable de la vitamine D pour donner la pêche.

C’est léger, ce n’est pas clair et les données se contredisent allègrement.

L’étude la plus favorable à la vitamine D est aussi celle dont l’ombre de l’industrie pharmaceutique est la plus prégnante. Pas facile de trancher.

Car au-delà de ces études, trois autres essais cliniques n’ont pas trouvé d’effet positif d’une supplémentation en vitamine D sur les niveaux de fatigue, même quand on corrige une forte carence (9, 10, 11).

J’en arrive à me demander si c’est vraiment la carence en vitamine D qui entraîne la fatigue… ou l’inverse ?

La fameuse causalité inverse ! Il est impossible de ne pas l’imaginer. Car la fatigue chronique pourrait limiter vos déplacements à l’extérieur, la pratique d’un sport… et votre exposition au soleil.

En fait, les deux paramètres (la vitamine D et la fatigue) sont associés à de nombreux autres : la sédentarité, une mauvaise alimentation, le tabagisme, un niveau socio-économique plus faible, etc.

Comment peut-on alors démêler le sens de l’association ?

Les études de randomisation mendélienne peuvent nous aider à comprendre ce schmilblick. J’en ai parlé à plusieurs reprises sur le blog, mais on va analyser des polymorphismes sur des nucléotides uniques dans d’immense base de données pour s’affranchir des biais traditionnels en médecine.

En gros, on va comparer les personnes qui ont génétiquement des taux bas de vitamine D contre ceux qui ont des taux plus élevés en lien avec notre question d’intérêt : la fatigue.

C’est le résultat du travail d’investigation d’une équipe britannique qui a utilisé les données de l’UK Biobank en comparant ces variants génétiques liés aux taux circulants de vitamine D avec l’auto-évaluation de la fatigue (12).

Cette étude n’a pas montré chez plus de 300 000 participants un lien manifestement causal entre les taux circulants de vitamine D et la fatigue ressentie. Mais les chercheurs n’excluent pas non plus un léger effet causal dans cette association, ce qui pourrait rejoindre les résultats de certains travaux (mais qui doivent être interprétés avec prudence)

Les personnes les plus déficientes en vitamine D pourraient retirer le plus grand bénéfice. C’est bien le postulat de départ.

Pour résumer et conclure :

  • La vitamine D ne semble pas être le remède miracle pour régler à coup sûr le problème de fatigue chronique
  • La totalité des travaux peuvent laisser entrevoir un léger bénéfice, surtout chez les personnes les plus carencées
  • L’effet placebo est très marqué dans la gestion de la fatigue, avec la nécessité de conduire des études cliniques en double aveugle contre placebo
  • Certains travaux ne montrent pas d’association entre la carence en vitamine D et le risque de fatigue (13)
  • La seule étude de randomisation mendélienne n’est pas significative en faveur d’un lien de causalité entre fatigue et vitamine D

Le problème est multifactoriel et complexe. De nombreux paramètres sont à prendre en compte, et si la vitamine D peut avoir un effet léger chez certains, cela n’est pas vrai pour tout le monde.

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