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Alors que les études positives ne cessent de s’accumuler sur le jeûne intermittent, une récente collaboration internationale nous avertit d’un risque mortel de complication cardiovasculaire à long terme. Faut-il s’inquiéter ?

© Freepik

91 %

C’est le chiffre qui tourne en boucle dans toutes les sphères médicales du monde. Une récente étude aurait montré que le jeûne intermittent à long terme est dangereux pour la santé cardiovasculaire.

Le risque augmente de 91 % de mourir d’un problème cardiovasculaire. Se priver de nourriture durant 16h dans la journée fait tourner la tête, mais surtout les coeurs !

La presse internationale fait ses choux gras d’un résultat aussi explosif quand on sait à quel ce régime est aujourd’hui très populaire avec des milliers de résultats de recherche (ce n’est pas la première fois que cela arrive et j’en parlais même indirectement déjà en 2013).

En 2022, un sondage chez plus de 50.000 participants dans plus d’une centaine de pays avait montré l’immense popularité du jeûne intermittent… connu par 8 personnes sur 10 ! Plus de 54 % des participants estimaient que le jeûne intermittent avait des effets positifs supérieurs aux autres régimes alimentaires.

Mais c’est la fameuse American Heart Association qui a partagé en premier les résultats de cette étude menés sur plus de 20.000 personnes suivies pendant 8 ans en moyenne.

Cette société savante fait la pluie et le beau temps quand il s’agit de santé cardiovasculaire, avec parfois des positions étonnantes pour ne pas dire rétrograde par rapport aux données de la science (je détaille un exemple avec l’intérêt de l’huile de coco dans la santé cardiovasculaire).

Quiconque est déjà familier avec ces sujets explosifs sait qu’il faut se méfier des positions catégoriques de certaines sociétés médicales.

Savoir raison garder

Ils sont peu nombreux les journalistes a avoir pris la peine d’enquêter un peu sur ce sujet. Pourtant, les pièges étaient énormes. Béants. Ils sont tous tombés dedans (comme Libération).

« L’étude »

D’abord « l’étude ». J’utilise des guillemets, car ce n’est pas une étude à proprement parlé. L’association américaine rapporte en réalité les résultats présentés par un chercheur lors d’un congrès sur l’hygiène de vie et la santé cardiométabolique.

Ces résultats viennent d’un résumé, de quelques lignes, écrit par les chercheurs à l’origine du travail et des principaux résultats.

Des résultats qui n’ont pas encore (et ne le seront peut-être jamais) été relus par les pairs ni partagés en prépublications en ligne.

Autrement dit, nous ne savons strictement rien de la méthode, des conditions d’inclusion des participants, des analyses statistiques, des limites…

Dans le milieu scientifique, ces résumés partagés dans les congrès servent à fanfaronner et briller devant des collègues influents venus du monde entier. C’est surtout l’occasion de faire du « réseautage » et de nouer des relations de recherche (et parfois économique).

On pourrait s’arrêter là.

Comment peut-on commenter un travail qui n’est même pas encore arrivé au stade de prépublication ni même de publication relue par les pairs ? C’est impossible, mais on va quand même le faire.

La cohorte

Les résultats négatifs du jeûne intermittent ont été mis en évidence chez 20.000 participants dont on connaît très bien l’origine : ils sont américains. C’est NHANES. Et le résumé nous précise que ces participants ont été enrôlés dans l’étude entre 2003 et 2018.

Et ça nous pose un problème. Le jeûne intermittent n’était pas extrêmement populaire avant 2010 et les chercheurs de l’étude n’avaient en réalité aucun moyen de savoir qui a suivi un jeûne intermittent ou non.

Ils ont en réalité probablement extrapolé la pratique du jeûne intermittent sur la base des déclarations des prises alimentaires des participants.

Ce n’est pas forcément idiot, mais c’est un raccourci qui expose les analyses à d’importants facteurs de confusion.

Autrement dit, les personnes qui ne prenaient pas de petit-déjeuner ou de dîner étaient automatiquement cataloguées comme pratiquant le jeûne intermittent… alors que ce type de comportement peu précisément définir des personnes à risque plus élevées de mortalité cardiovasculaire.

Pourquoi ? Car les personnes obèses, diabétiques ou hypertendus vont peut-être plus volontiers sauter des repas sans suivre précisément un jeûne intermittent. Ils vont avoir une alimentation et une hygiène de vie de moins de bonne qualité que les autres.

Car il y a une grosse différence entre sauter un repas dans le cadre d’un jeûne intermittent ou bien sauter un repas à cause d’un travail nocturne décalé ou bien à cause de fringales nocturne aux sérieuses conséquences.

Mais ces études de cohorte nous confinent aux limites de l’esprit humain… car les participants doivent se rappeler de leurs habitudes alimentaires (ce qu’ils mangent et quand) sur plusieurs années.

Qui plus est, les maigres éléments de méthodes présentés dans ce résumé nous avertissent que cette classification de la fenêtre horaire des participants a été réalisée sur seulement 2 JOURS.

Deux jours ont suffi à extrapoler sur 8 à 10 ans.

Les contradictions

L’idée que le jeûne intermittent altère la santé cardiovasculaire à long terme peut paraître… étonnante. Pourquoi ? Car les études cliniques randomisées (qui établissent un lien de causalité) sont nombreuses et en faveur de cette pratique pour améliorer la santé cardiométabolique.

Le hasard du calendrier est parfois diabolique.

Car au moment où la presse propageait la terrible nouvelle, une équipe chinoise publiait (cette fois pour de vraie) une « umbrella review » de toutes les méta-analyses sur ce sujet.

Une « umbrella review » signifie analyser les résultats globaux de toutes les méta-analyses. On fait une méta-analyse des méta-analyses qui comportent de nombreux avantages (mais aussi des limites à prendre en compte) pour faire le point sur un sujet précis.

Et justement. En scrutant plus de 23 méta-analyses sur ce sujet, les auteurs retrouvent des effets positifs de haute qualité méthodologique pour améliorer de nombreux paramètres métaboliques (la masse grasse, le tour de taille, le LDL cholestérol, l’insuline, les triglycérides…) chez des patients obèses ou en surpoids principalement.

Au moins deux autres umbrella review ont par le passée eu des conclusions presque identiques, en 2021 et 2023.

Mais les auteurs insistent bien sur un point important – et il serait malhonnête de la cacher – des effets à long terme inconnu.

Ces effets à long terme n’ont pas été évalués dans des essais cliniques. Vous imaginez bien que c’est impossible (ou presque, certains y arrivent avec la crème solaire et la fameuse étude de Nimbour) de suivre aussi longtemps dans ce contexte autant de personnes. Il faudrait des moyens humains et financiers énormes.

Mais comment diable le jeûne intermittent pourrait-il à ce point dégrader la santé cardiovasculaire des participants à long terme alors qu’il l’améliore significativement à court et moyen terme ?

Difficile à dire.

Et en l’absence de donnée fiable – et publiée – il est aujourd’hui impossible de l’affirmer avec certitude.

En résumé

Pour faire plaisir à mes lecteurs avides d’une information sourcée et résumée, voilà le condensé de cet article avec les points clés principaux.

  1. « L’étude » qui fait miroiter plus de 90 % de risque en plus d’avoir un décès cardiovasculaire avec le jeûne intermittent vient d’un résumé d’une conférence médicale. Ces résultats ne sont ni prépubliés ni publiés dans une revue à comité de lecture.
  2. Ce « travail » extrapole 2 jours de suivi sur 8 à 10 ans en se fiant au retour des participants, et à tous les biais liés à notre mémoire (vous arrivez à vous souvenir de votre dîner d’il y a 3 jours?)
  3. Nous n’avons aucune idée réelle des participants qui ont réellement suivi un jeûne intermittent
  4. La qualité de l’alimentation des différents groupes n’a pas été prise en compte
  5. La majorité des résultats des essais cliniques randomisés sur le jeûne intermittent montre des améliorations importantes et significatives des marqueurs cardiovasculaires
  6. Même en l’absence de perte de poids, un jeûne intermittent modifie favorablement ces marqueurs biologiques (avec un avantage qui se dessine en sautant le dîner [1, 2])
  7. Les données de la science sont effectivement à court et moyen terme et nous ignorons les impacts d’une telle hygiène de vie à long terme
  8. Mais il faudra des données solides pour expliquer comment les modifications positives à court terme pourraient avoir des conséquences négatives à long terme

Conclusion : on peut ignorer cette « étude » sans que cela pose de problème éthique, ni scientifique ou médical.

On reste en contact ?

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