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  • Fred Evrard était un expert en art martiaux qui proposait une formation en santé sur la base d’une rémission spectaculaire d’un cancer colorectal
  • Il était un exemple à suivre pour des milliers de sympathisants, prodiguant des conseils pour améliorer son état de santé et affronter la maladie.
  • Son parcours de santé possède de nombreuses zones d’ombres où les thérapies alternatives sont mises en avant, et les plus conventionnelles discréditées. Voici l’enquête la plus complète sur un Youtubeur aux connaissances médicales très hasardeuses qui surfait sur la méfiance et le tout naturel
  • On en parle au passé car cet influenceur est malheureusement décédé dès suite d’une terrible récidive
Capture d’écran d’une vidéo de la chaîne YouTube de Frédéric Evrard où il cuisine des steaks de boeuf.

L’épée de Damocles

Mais qui est Frédéric Evrard ? Ce français dans la quarantaine est peut-être un parfait inconnu pour vous, mais il devient de plus en plus populaire sur YouTube, dans le milieu du cancer et son traitement.

Il a été diagnostiqué d’un cancer colorectal en septembre 2020. Un cancer avancé de stade 3, avant l’apparition de métastases (stade 4).

Ce cancer apparaissait comme une véritable épée de Damocles au-dessus de sa tête puisque son père et son grand-père en seraient décédés. Il a pu complètement se débarrasser de ce cancer en seulement 4 mois.

Cette guérison spectaculaire a fait de ce quinquagénaire maître des arts martiaux un ambassadeur de la santé naturelle vantant les mérites du jeûne, de la diète cétogène et même de la viande rouge pour lutter contre le cancer.

Frédéric Evrard pourrait être ce qu’on appelle aujourd’hui un « patient-expert ». Ces personnes qui une fois touchées par la maladie se renseignent abondamment sur tenants et les aboutissants du mal qui les rongent.

Mais dans notre cas, Frédéric Evrard est rapidement devenu sceptique face aux injonctions médicales officielles et s’est rapproché des sphères alternatives pour avoir d’autres réponses.

Ces malades tombent rapidement sur les grands classiques de la médecine alternative avec les promesses :

Ce français exilé aux USA possède un parcours de santé étonnement proche de celui de Guy Tenenbaum, lui aussi en phase de rémission d’un cancer de la prostate métastatique.

Des parcours de santé proches puisqu’on réalise très rapidement les nombreux problèmes et incohérences dans les prises de position de Frédéric Evrard ainsi que les contradictions tant sur la version de son histoire que sur des réalités scientifiques et médicales.

Frédéric Evrard est allé jusqu’à créer sa propre académie éponyme. La « Frédéric Evrard Academy » fondée sur sa seule et unique expérience afin de faire profiter au plus grand nombre de ses connaissances et de son expérience face à la maladie.

Il a été interviewé par de nombreuses personnalités sur YouTube. Jack’s Team et Guy Tenenbaum, ou encore Eric Berg. Frédéric Evrard est aussi l’auteur de plusieurs livres qui relatent son combat et sa guérison contre le cancer.

Un combat pour le moins ambiguë. Car il entretient une relation bien particulière avec son histoire, les faits scientifiques et la médecine conventionnelle.

Mais alors que Frédéric Evrard fonde sa notoriété sur sa success story face au cancer, il vient d’annoncer avec son acolyte franco-américain une récidive foudroyante de son cancer du côlon-rectum.

D’une guérison miracle à la rechute gravissime, nous allons revenir sur le parcours de santé et les connaissances de cet expert en art martiaux, et les nombreux problèmes qui entachent ses affirmations et la cohérence de son récit.

Cette enquête se base sur de nombreuses vidéos dans lesquelles Frédéric Evrard intervient, avec en particulier celle accordée à la chaîne Jack’s Team, dont le message a été vu plus de 600 000 fois.

Survivre à son cancer : les médecines naturelles sont-elles dangereuses ?

Face au cancer, choisir des méthodes de guérison alternatives peut entraîner l’arrêt de son traitement conventionnel, ce qui représente la plus grave menace pour la santé des malades. Améliorer son alimentation, faire du sport, réduire ses apports en alcool et arrêter de fumer sont des critères majeurs pour améliorer ses chances de survie.

A lire ici.

La guérison éclair

Il n’aura fallu que 4 mois pour passer du sombre diagnostic médical des médecins français et américains à la délivrance. De l’aveu de son oncologue américain, nous dit-il, ce serait « du jamais vu » dans ce service.

Une guérison sans suivre les protocoles de prise en charge conventionnelle :

Dès le départ, Frédéric Evrard annonce la couleur. Il n’accepte pas vraiment les traitements proposés.

  • 24 séances de chimiothérapie
  • Plusieurs mois de radiothérapie
  • Probablement une ablation de la partie du côlon touchée par le cancer, avec éventuellement l’ajout d’une poche externe pour récupérer les déchets de la digestion et l’urine dont il devra peut-être s’accomoder à vie.

Mais Frédéric Evrard nous dit dans d’autres enregistrements qu’il aurait préféré mourir plutôt que de subir une telle opération.

Tout cela se passe aux USA.

On apprend ainsi sur la chaîne de Jack (son surnom) que le maître en arts martiaux – qui a fondé son propre style avec de nombreuses écoles à travers le monde – décide de se tourner vers des alternatives naturelles.

Miracle ou Arnaque : la vérité sur le jeûne contre le cancer

Le jeûne est décrit comme une arme redoutable et naturelle contre le cancer.

On le recommande sous le manteau pour réduire la taille des tumeurs, ou bien minimiser les effets indésirables des chimiothérapies. Mais que savons-nous vraiment de ces effets sur les cancers, chez nous, les hommes ? Enquête.

Il découvre très rapidement les travaux de certains grands Nobel sur l’autophagie, qui stipule que le corps se nettoie lui-même, et décide de s’en tenir à ce que disent les « plus grands spécialistes », selon ses propres critères de sélection.

Frédéric Evrard réalise que les médecins et oncologues qu’il rencontre n’y « connaissent rien » sur ces sujets, et nous précise qu’il a dévoré « des tonnes d’études scientifiques » lui ayant permis d’arriver à sa guérison.

Tout commence par un jeûne de 21 jours à l’eau.

Ce jeûne lui aurait permis de diviser par deux la taille de sa tumeur, sans que son oncologue n’en soit avertit.

Cette séquence donne d’ailleurs matière à se poser des questions sur l’honnêteté intellectuelle de Jack qui réalise l’interview. Car celui-ci s’indigne que l’oncologue ne change pas d’avis alors que, s’exclame-t-il, « tu lui amènes une preuve noir sur blanc que ça fonctionne  ! »

Mais Frédéric Evrard a justement caché cette information à son oncologue. On ne sait pas ce qu’il en aurait dit.

On découvre très rapidement une sorte de double discours sur la chimiothérapie qu’il aurait suivi. Une procédure médicale qui l’aurait empoisonné, mais aussi aidé, et dont l’emplacement exact dans son parcours de santé interroge.

Vous allez ainsi découvrir (mais il faut s’abonner pour lire la suite) qu’après une rémission réussie, les chimiothérapies seront cantonnées à un banal effet anti-douleur comme du doliprane, mais deviendront un réel outils pour réduire la taille des tumeurs quand il se trouvera face à une récidive foudroyante.

Nous allons voir en détail les nombreuses contradictions et incohérences dans le récit de ce maître en art martiaux. Aussi, comment une importante levée de fonds lui a permis de bénéficier d’une opération médicale non recommandée pour son cancer.

Les chimiothérapies de la discorde

On ne sait pas vraiment quand Frédéric Evrard a réellement fait ses séances de chimiothérapie ni quelle « thérapie » est à l’origine de sa rémission. Frédéric Evrard n’aurait fait que 3 séances sur les 24 proposées par son oncologue.

Ont-elles été faites après son jeûne ? Pendant ou après comme il l’affirme ? Des éléments sont quand même troublants.

Une visite du service d’oncologie lui aurait permis de voir les patients pour lesquels il exprime des mots durs – même gênants pour ceux qui suivent ces traitements – les qualifiants de « morts-vivants », « squelettiques » sans cheveux sur la tête. Il décline donc les séances de chimiothérapie.

Ce n’est qu’après son jeûne de 21 jours qu’il aurait revu son cancérologue, avec de nouveaux examens à disposition. Ce dernier aurait pris à la légère la régression du cancer la balayant d’un revers de la main comme « pas vraiment importante » et précisant « qu’on va continuer sur la chimio ».

Mais pourquoi préciser qu’ils vont continuer les chimiothérapies si Frédéric Evrard nous affirme n’avoir encore rien commencé, et même ne pas vouloir en faire ? C’est intriguant.

La suite ajoute de l’incertitude à l’incertitude.

Car Frédéric Evrard en vient à nous parler plus en détails de ces fameuses séances de chimiothérapie. 3 séances uniquement. Mais pourquoi avoir commencé ce traitement cytotoxique alors qu’il insiste à plusieurs reprises de n’avoir choisi que des voies naturelles et refuser catégoriquement ce traitement ?

La douleur en serait la cause.

La tumeur aurait touché un nerf et provoquerait des douleurs à la limite de l’intolérable pour Frédéric Evrard qui n’aurait pas eu d’autres choix que d’accepter l’offre de son oncologue.

6 séances pour traiter la douleur, mais pas pour soigner le cancer d’après lui.

Là aussi, c’est étonnant car les chimiothérapies ne sont pas de banales antalgiques… Une fois les trois premières séances derrière lui, Frédéric Evrard décide d’en rester là après la diminution de la douleur.

Cette diminution de la douleur atteste sans l’ombre d’un doute de l’efficacité de ces séances pour faire régresser la tumeur qui aurait touché ce nerf, mais Frédéric Evrard parle d’un traitement « symptomatique », sans effet sur la tumeur.

Frédéric Evrard a donc refusé de continuer son traitement pour soigner un cancer de stade 3 avec des antécédants familiaux possiblement fatals, mais accepte « un empoisonnement » comme il le définit pour une douleur atroce. La couloeuvre est dure à avaler.

Cette version, ou du moins cette interprétation de la réalité, n’est guère plus crédible avec la publication d’une récente vidéo où Frédéric Evrard au côté de Guy Tenenbaum nous annonçent sa terrible récidive.

Dans cette vidéo touchante où l’on peut voir un Frédéric Evrard particulièrement affaibli, ce dernier fait avec Guy Tenenbaum une sorte de bilan sur la reprise de son cancer et les solutions pour s’en débarrasser définitivement.

On reviendra longuement sur ce court échange tellement il y a de choses à dire. On apprend que Frédéric Evrard aurait décidé, sous les conseils de Maurice Israel et du professeur américain Thomas Seyfried, deux scientifiques dont le premier est bien connu de nos colonnes (en mal…), de faire comme à ses débuts et suivre « trois séances de chimiothérapie pour réduire la taille de la tumeur ».

Cette phrase que prononce Frédéric Evrard fragilise énormément sa version initiale avec un jeûne salvateur. Elle explique le fait que son oncologue lui aurait parlé d’une continuation des chimiothérapies lors de son premier rendez-vous.

Mais une autre vidéo tournée cette fois-ci en France au côté de Thierry Casasnovas nous en apprend un peu plus sur cette histoire.

On découvre que ce jeûne de 21 jours était fortuit. Cela n’avait pas du tout été prémédité par Frédéric Evrard, contrairement à ce qu’il affirme sur la chaîne de Jack. Il aurait intégré le centre de soin holistique Hippocrate en Floride qui propose une alimentation vivante et crue pendant 3 semaines.

Il n’aurait rien pu manger à ce moment-là à cause de son cancer et en aurait profité, à l’insu de son plein grè, pour faire un jeûne hydrique.

Ok. Pourquoi pas. Mais on apprend surtout d’où Frédéric Evrard tient ses informations sur la réduction de la taille de sa tumeur.

L’information ne vient pas de son oncologue, mais d’une amie infirmière qui travaille dans le centre où il est traité. Cette dernière l’aurait appelé « en douce » pour analyser son IRM sans avoir le droit de le faire précise-t-il, tout en lui rappelant que « ça vaut ce que ça vaut, je ne suis pas oncologue, j’ai pas le droit d’analyser ton IRM mais ta tumeur a réduit de 50 % »

Frédéric Evrard a donc choisi de faire confiance en l’analyse faite à la va-vite sur un coin de table d’une infirmière sur un dossier médical confidentiel et sans véritable expertise dans ce domaine. Ceci expliquerait peut-être pourquoi cette régression n’était pas si importante aux yeux d’un oncologue qu’il qualifiait par ailleurs de très expérimenté avec 20 ans de métier.

De toute façon, Frédéric Evrard ne croit pas à l’intérêt de ces chimios au-delà d’une simple action sur la douleur. Dans l’interview accordée à Jack’s Team sur YouTube, les trois séances de chimiothérapie sont reléguées à une vulgaire anecdote médicale. Quand Jack s’interroge et précise que « c’est littéralement ton corps qui s’est guéri tout seul ? Ce n’est pas 3 chimios qui guérissent d’un cancer du côlon, ça se saurait ? »  Frédéric Evrard y répondra par « oui bien sûr ».

Et pourtant. Des séances de chimiothérapie aussi courtes peuvent avoir des résultats exceptionnels dans certains cas, parfois pas du tout.

Des cycles très courts de chimiothérapie sont même la norme dans le traitement de cancer colorectal avancé, non métastasés, comme celui de Frédéric Evrard. Le traitement de référence britannique, par exemple, (Gramont OxMdG) correspond à seulement trois cycles sur six semaines (avant l’opération, et des cycles post-opératoires) (1)

Pour la petite histoire, Frédéric Evrard cite son ami le samouraï à propos du jeûne et des chimiothérapies. Il souhaite illustrer la puissance du jeûne grâce à la rémission de Guy Tenenbaum (qui en a fait plusieurs, mais en mangeant…), sans bien sûr mentionner son orchidectomie, ses hormonothérapies (firmagon et zytiga), en précisant que ses oncologues de l’époque ne lui ont même pas prescrit de chimiothérapie.

Autrement dit : son sort était déjà scellé et la chimiothérapie n’aurait servi à rien pour le sauver. Mais Frédéric Evrard (mais aussi Guy Tenenbaum qui fait mine d’avoir rejeté lui aussi les chimiothérapies) ignore manifestement que la chimiothérapie ne fait pas du tout partie des soins standards pour traiter un cancer de la prostate d’emblée métastatique.

C’est la raison pour laquelle les médecins de Guy Tenenbaum ne lui ont pas prescrit de chimiothérapie, mais bien d’autres traitements (une ablation chirurgicale des testicules et plusieurs hormonothérapies de référence).

Une expertise de façade ?

Frédéric Evrard serait devenu suffisamment connaisseur de la biologie, de la nutrition et du cancer pour démarrer une sorte de formation pour rendre les « individus plus forts, meilleurs, et une version plus saine d’eux mêmes », avec l’alliance du « corps, du mental et de l’esprit ».

Son académie serait basée exclusivement sur lui et « 45 ans d’expérience dans les arts martiaux, mais aussi dans la santé naturelle (jeûne, nutrition, respiration, correction de la posture…), et offre un ensemble étonnant de programmes éducatifs avec des cours, des livres, des séminaires et des vidéos – pour aider les autres à exploiter leur plein potentiel et à apprendre comment vivre un mode de vie plus sain. »

Il nous rappelle s’abreuver de connaissances scientifiques innombrables et d’obtenir son savoir de sources réputées, les « plus grands scientifiques » citant le professeur Thomas Seyifried, ou encore Valter Longo connu pour ses travaux et livres sur le jeûne intermittent.

Pourtant, n’importe quel journaliste scientifique ou professionnel de la santé seraient tombés de leur chaise en écoutant certaines affirmations du maître des arts martiaux.

Ce dernier nous précise ainsi avoir suivi les principes de l’homéostasie pour soigner son cancer. Car d’après Frédéric Evrard, « c’est une loi biologique tout organisme vivant laissé dans son environnement naturel revient à l’état d’équilibre ».

C’est affreusement vague, et ne correspond pas du tout à la définition de l’homéostasie. Cette phrase nous dit implicitement qu’un malade reviendrait nécessairement à son état d’équilibre, donc à la guérison, s’il est dans son milieu naturel ? Mais quel est ce milieu naturel ? Comment ? Cela signifie-t-il que l’on peut feindre la mort, toutes les maladies ?

C’est d’autant plus étrange que l’homéostasie est tout simplement la régulation physiologique d’un paramètre – souvent très important – de notre organisme. Le pH sanguin est l’exemple classique, avec la température corporelle, la glycémie et bien d’autres.

Notre corps maintient ainsi ce pH autour d’une moyenne biologique normale pour éviter… notre mort. L’homéostasie n’est pas un outils thérapeutique, c’est juste un processus de régulation.

Mais ce n’est pas tout.

Je me demande si Frédéric Evrard possède les bases les plus élémentaires de la recherche scientifique. Il nous précise en parlant du rôle de la viande dans le cancer du côlon (on y reviendra) qu’il a lu « des tonnes de littérature scientifique sur les plus grands sites de publication scientifique, Nature, PubMed… Aucun médecin scientifique peut te dire qu’un article publié dans PubMed c’est de la merde, sinon il veut un suicide professionnel ».

Vous ne verrez peut-être pas le problème dans cette affirmation, et pourtant, tout bon scientifique ou journaliste scientifique (ou personne se revendiquant « expert ») sait que PubMed n’est qu’une base de donnée.

Un annuaire d’études médicales en somme.

Les articles scientifiques ne sont pas publiés dans PubMed, mais seulement répertoriés car c’est sa seule raison d’être. Les études sont publiées dans des revues, comme Nature, Science, The Lancet, puis se trouvent sur PubMed. On peut donc parfaitement trouver de très mauvaises études sur PubMed, comme d’excellentes.

C’est en gros le Google pour scientifiques (et encore pas vraiment car le Google pour scientifiques s’appelle Scholar).

C’est un détail presque insignifiant vous allez me dire mais qui est en réalité révélateur d’une méconnaissance de ce monde alors qu’il prétend le maîtriser. Et sur le cancer, sa biologie et la diète cétogène c’est encore pire.

Car Frédéric Evrard est bien sûr un fervent partisan de l’effet Warburg, qui stipule que les cancers se nourrissent exclusivement de glucose, donc de sucres. Une effet qui aura valu un prix Nobel de Médecine à Otto Warburg pour la démonstration.

La logique nous invite à penser que l’arrêt du sucre empêche le développement du cancer, ou bien « l’affame ».

Les cellules cancéreuses ne seraient pas capables de se nourrir d’autre chose que du glucose, comme des fameux corps cétoniques qui sont produits pendant une diète cétogène à la place du glucose de l’alimentation.

Frédéric Evrard affirme ainsi avec assurance que « certains scientifiques pensent qu’après un certain temps [les cellules cancéreuses, ndlr] peuvent utiliser les graisses et les corps cétoniques, mais ce n’est pas encore prouvé. une cellule cancéreuse ne se nourrit que de sucre ou à 99 % de sucre. C’est vraiment très simple à comprendre. »

Oui, c’est vraiment très simple et porteur d’espoir mais c’est surtout faux.

La diète cétogène serait ici une espèce de diète miracle contre le cancer, mais les recettes miracles n’existent malheureusement pas.

Car si les cellules cancéreuses se trouvent bien embêtées pour se multiplier en l’absence de glucides, elles peuvent parfois très bien se servir des corps cétoniques comme source énergétique.

On sait depuis relativement longtemps que les enzymes nécessaires à l’utilisation des corps cétoniques peuvent se retrouver dans certaines lignées cancéreuses. On retrouve même dans la littérature scientifique des effets pro-cancéreux liés à la diète cétogène dans certains mélanomes et cancer des reins.

Cette alimentation pauvre en glucides pourrait n’avoir aucun effet pour les glioblastome, les astrocytome, les cancers de la prostate ou encore du pancréas.

En revanche, cette diète pourrait bien avoir un effet anti-cancéreux clair contre le cancer du côlon.

C’est donc en réalité au cas par cas, en fonction des types de cancer, des modifications génétiques, de l’état d’avancée et de nombreux autres paramètres. Des résultats à prendre avec beaucoup de précaution car la recherche scientifique est encore balbutiante sur la diète cétogène, avec pratiquement aucuns résultats d’études cliniques rigoureuses.

Ces affirmations sont d’autant plus intrigantes que Frédéric Evrard mentionne Maurice Israël parmis ses proches conseillers alors que ce dernier a déclaré une sorte de vendetta contre le régime cétogène, l’accusant d’être un promoteur de cancer. Guy Tenenbaum avait même, il y a quelques années, donné la parole à Laurent Schwartz voulant alerter sur les risques du régime cétogène.

C’est un peu comme si des politiciens d’extrême-gauche avaient pour conseillers des membres de l’extrême-droite. C’est très perturbant.

Mais ce risque est basé sur les travaux de Maurice Israël, qui se résument à des études auto-plagiées et publiées dans des revues prédatrices sans relecture par les pairs dignes de ce nom et qui ont été fustigées par des spécialistes du domaine.

Cette quête de connaissance du patient est souvent mise en avant par Frédéric Evrard dans les nombreuses vidéos qu’il a pu faire. Pour lui, la recherche d’informations médicales est impérative pour appréhender une maladie qui nous touche, en évitant de prime abord de consulter.

La parole des médecins est décrédibilisée, pire, celle des oncologues est associée à la mort. Frédéric Evrard n’hésite pas dans certaines vidéos à implicitement nous dire que les oncologues ne sont pas là pour nous aider, bien au contraire. Il précise au cours d’une nouvelle interview sur la chaîne de Jack’s Team que « le jour où tu prends les clés de ta propre santé et que tu les donnes à ton oncologue, t’es foutu ! »

Les paroles sont fortes, graves.

La sainte viande

L’autre surprise vient des positions fermes de Frédéric Evrard sur la viande rouge. Sa rémission serait en partie due à sa consommation quasi-exclusive de viande de bœuf, mais aussi de poulet. Il aurait presque quotidiennement (en dehors des périodes de jeûne) mangé des entrecôtes pendant les 4 mois amenant à sa guérison.

Capture d’écran d’une vidéo de Frédéric Evrard où il cuisine son plat préféré : juste de la viande rouge, cuite rapidement, avec du gras d’origine animale et du foie de boeuf.

Frédéric Evrard nous précise dans sa dernière vidéo faite avec Guy Tenenbaum sur les causes de sa récidive que « les végan vont nous sauter dessus en disant que c’est parce que [j’ai] mangé de la viande, mais j’y crois pas une seconde et de toute façon il n’y a aucune étude scientifique pour soutenir cette théorie. »

Nous avons pourtant des dizaines, voire des centaines d’études scientifiques qui associent la consommation de viande rouge avec le cancer colorectal.

Mais Frédéric Evrard réaffirme que sa viande rouge était de haute qualité, évitant ainsi les types de viande qu’il qualifie lui-même de « poison ».

Poison ou potion ? Cela dépend.

Car les études et méta-analyses ne manquent pas faisant un lien entre son cancer et la viande rouge, transformée ou non (2, 3, 4, 5).

Des études certes critiquables, surtout épidémiologiques, avec des lacunes majeures dont je ne donne aucun crédit divin, mais qui ont le mérite d’exister. Car des liens mécanistiques et biologiques viennent apporter des explications logiques et rationnelles sur l’observation de ces associations, surtout dans le cadre de viande rouge transformée. Les saucissons et hamburgers par exemple.

Des étude cliniques contrôlées rigoureuses ont notamment montré d’une bien jolie manière un lien de cause à effet cancérigène d’une consommation de viande à cause de composés nitriques formés dans l’intestin (6).

Un effet très marqué en l’absence de consommation de suffisamment de fibres (venant des végétaux et des fruits), comme cela semble être le cas de Frédéric Evrard, avec des composés cancérogènes qui dégradent les cellules mucosales du côlon (au niveau de l’ADN) et pourraient expliquer le développement de tumeurs sur ces zones lésées.

Avec une consommation aussi importante de viande rouge, même de haute qualité, et en l’absence de fibres sur un terrain déjà très sensible, on peut se demander si Frédéric Evrard n’a pas joué avec le feu.

Un feu qui pourrait aussi être à l’origine de composés cancérigènes. C’est le noir ou le cramé que l’on a parfois sur la viande des barbecues, mais dont Frédéric Evrard rejète aussi le moindre lien avec certains cancers.

Il n’y croit pas car l’homme consomme de la viande cuite au feu depuis un million d’années. Mais avions-nous seulement le même environnement, la même viande, la même activité physique et le même risque que nos ancêtres ?

Comment exactement faisait-il cuire leur viande ? Que mangaient-ils vraiment ? Avec quoi ? Des questions qu’il est bien difficile de répondre. Mais nous savons que la cuisson excessive qui noircit la viande produit des amines aromatiques hétérocyclique cancérigènes (7).

Autant vous dire que nous avons des centaines, voire des milliers d’études sur ce sujet majeur. Je ne sais pas où Frédéric Evrard a pu faire ses recherches, mais pas sur la base de donnée PubMed en tout cas.

Cette remarque sur les barbecues et la remise en cause de l’effet cancérigène du « cramé » de la viande est d’autant plus dérangeant que Frédéric Evrard semble bien nous suggérer d’éviter de noircir la viande rouge dans une vidéo en août 2022.

Il y présente son régime alimentaire du moment à base uniquement d’entrecôtes de bœuf nourri à l’herbe, de foie et de gras de bœuf. Il consommerait 1 kg de viande rouge par jour. C’est énorme.

Mais Frédéric Evrard nous précise surtout sa manière de cuire la viande. 2 allers-retours de chaque côté en veillant bien à ce que la viande soit « bien grillée mais pas noircie », rajoutant « qu’il faut bien faire attention » sur ce point-là.

Comment comprendre ce soudain avertissement alors qu’il défendait l’absence d’effet cancérigène de la cuisson de la viande. On n’y comprend plus rien.

Tout ce que je viens d’exposer sur la consommation de viande et le cancer du côlon-rectum pourrait sembler contradictoire avec ce que j’ai pu dire sur la diète cétogène et ses effets potentiellement positifs sur ce cancer. Mais en réalité pas vraiment.

Car la diète cétogène classique n’est pas une alimentation à base de viande uniquement. Personne de censé ne préconise cela. C’est normalement une réduction des glucides en faveur des graisses. Bien souvent, on mange plus de légumes (donc des fibres), mais aussi des œufs, des poissons gras, des produits laitiers, des oléagineux très riches en gras et calories…

D’ailleus Frédéric Evrard précise lui-même avoir fait une diète cétogène modifiée.

L’hasardeuse origine de la récidive

Je vous l’avez dit, mais Frédéric Evrard a pu avec l’aide de grands spécialistes comme le professeur Thomas Seyfried, déterminer les causes de sa rechute.

Les raisons risquent de vous surprendre.

Génétique par-ci, génétique par-là

Frédéric Evrard place la génétique au premier plan. Et on peut le comprendre. Avec malheureusement un père et un grand-père décédés du même cancer, on peut supposer sans trop prendre de risques qu’il y a une forte susceptibilité d’avoir ce cancer dans la famille.

En fait, si on regarde la littérature scientifique, avoir un parent avec ce cancer est l’un des plus importants facteurs de risque (8) ! Pourtant, la position de Frédéric Evrard, et de Guy Tenenbaum, n’aura cessé de changer à ce sujet.

Dans une vidéo publiée en mars 2023, tout juste un mois avant sa récidive, Frédéric Evrard laisse entendre que les cancers génétiques n’existent pas.

Gilles Lartigot précise que “les cancers n’apparaissent pas comme ça… c’est pas génétique les cancers !” Une phrase qui pourrait faire bondir Fred Evrard vu sa propre histoire familiale et les très nombreuses études sur ce sujet, mais non. Ce dernier enchaînera par un “tout à fait, c’est métabolique”.

Jack, aux commandes de la chaîne, continue. Il nous raconte une conversation avec Guy Tenenbaum à propos des prédispositions génétiques face aux cancers, ce qui aurait fait sortir le samouraï de ses gonds et arguant que ce serait « n’importe quoi, la génétique c’est à peine 3% des cancers ! »

Mais un mois plus tard, pendant cette terrible annonce de la récidive de Frédéric Evrard, toutes les versions changent, subitement. Frédéric Evrard et Guy Tenenbaum semblent reconnaître sans l’ombre d’un doute le caractère génétique de cette rechute. Le principal intéressé précise qu’ils sont tous arrivé à la conclusion, avec le concours de Thomas Seyfried, que son cancer est « d’origine génétique, bien évidemment ».

Guy Tenenbaum précisera lui aussi la nature « génétique » de son cancer, sans sourciller.

C’est d’autant plus incompréhensible que le professeur Seyfried ne semble pas du tout être sur la même longueur d’onde que ses acolytes. Il remet en cause le caractère génétique des cancers pour s’orienter sur une voie exclusivement métabolique.

Il précisait dans un tweet publié en août 2021 que « selon la société américaine du cancer, plus de 1 600 personnes meurent chaque jour du cancer aux États-Unis. Cette tragédie est-elle due au fait que l’on n’a pas reconnu que le cancer est une maladie métabolique et non une maladie génétique ? » publiant même un article scientifique pour détailler cette hypothèse.

Capture d’écran du tweet du professeur Thomas Seyfried à la date du 26 août 2021 où ce dernier avance l’hypothèse d’une origine métabolique plutôt que génétique des cancers.

Les versions semblent changer au grès du vent comme des girouettes en pleine tempête. Mais l’explication est en somme toute logique. Car Frédéric Evrard aurait eu un mode de vie irréprochable et n’aurait fait selon lui et son entourage « aucune erreur ». Il ne boit pas d’alcool, fait de la méditation, des jeûnes longs, de l’exposition au froid, un régime cétogène ultra-strict, tout en prenant de nombreux compléments alimentaires réputés efficaces contre le cancer…

La seule raison possible qu’ils peuvent décemment accepter – plutôt de penser qu’ils puissent se tromper et faire des choses totalement inutiles, voire dangereuses – c’est de mettre la responsabilité sur la génétique, principalement.

C’est pratique.

Coupables chimiothérapies

La seconde raison de la reprise de son cancer serait ses chimiothérapies faites 3 ans plus tôt. Oui. D’après Frédéric Evrard, le professeur Thomas Seyfried lui aurait assuré que les produits cytotoxiques peuvent rester plusieurs années dans le corps, et sortir un jour pour exercer un pouvoir cancérigène en vous prenant par surprise.

Les produits cancérigènes pourraient être stockés dans le foie pendant plusieurs années et les trois « petites séances de chimiothérapie seraient complètement responsables de sa récidive » selon son conseiller le professeur Seyfried.

Ainsi, dans la même vidéo, Frédéric Evrard réussi à nous dire :

  1. qu’il accuse ses trois chimios d’il y a trois ans d’être responsable de sa récidive
  2. puis de nous préciser qu’il a refusé le traitement à base de chimios de ses oncologues pour sa récidive
  3. mais qu’il va quand même faire trois séances de chimios pour réduire la taille de la tumeur (il n’en fera finalement qu’une) !

La pirouette est exceptionnelle.

Surtout, j’ai contacté le professeur Seyfried à ce sujet. Il m’a confirmé par mail ne pas avoir le souvenir d’avoir dit spécifiquement cela à Frédéric Evrard. Est-ce qu’il botte en touche pour se protéger ? En tout cas il me précise que certaines chimiothérapies peuvent endommager le fonctionnement des mitochondries, ce « qui est souvent associé à l’origine de cancers ».

Il termine en me précisant qu’il ne sait pas si ce mécanisme est à l’origine de la rechute de Frédéric Evrard, sans me donner les références scientifiques appuyant son propos.

Ce professeur – ainsi que Maurice Israel – aurait malgré tout conseillé au maître des arts martiaux de refaire 3 séances de chimiothérapie… C’est incompréhensible.

Quoi qu’il en soit, ce n’est pas du tout farfelu de mettre en cause les chimiothérapies dans l’apparition de certains cancers. C’est un fait médicalement accepté et assez connu. Deux cancers, le syndrome myélodysplasique (SMD) et la leucémie aiguë myéloblastique (LAM), sont notamment liés à l’utilisation de certaines chimiothérapies.

On sait également que l’un des traitements de référence contre le cancer colorectal, à base de 5-fluorouracile (5-FU), peut s’accumuler dans l’organisme en cas de déficience d’une enzyme-clé pour s’en débarrasser, la dihydropyrimidine déshydrogénase (DPD), de son nom barbare.

Mais dans ce cas-là, les effets délétères sont rapides et dangereux. Il est aujourd’hui médicalement interdit de prescrire le 5-FU sans faire un test sanguin pour déterminer la concentration de cette enzyme et adapter le traitement chimiothérapeutique.

Les travaux que j’ai pu lire à ce sujet montrent qu’en présence d’une enzyme qui fonctionne normalement, les produits cytotoxiques sont rapidement éliminés du sang. La concentration des traitements classiques, comme le 5-FU ou la capécitabine, est divisée par deux entre 20 à 80 min. Au bout de quelques heures on ne retrouve plus de molécules dans le sang (9, 10).

C’est la raison pour laquelle il faut faire plusieurs séances de chimiothérapie.

Le coup de stress

La troisième et dernière raison serait finalement un gros coup de stress quelques mois avant la rechute avec la perte de leur maison en Caroline du Sud dans les montagnes. On ignore les raisons de ce déménagement qui aurait amené le couple à habiter dans un appartement en ville, minant son moral.

Cette angle d’attaque se base sur la notion que le stress peut donner le cancer, ou servir de déclencheur. Si la littérature scientifique se déchire à ce sujet, on ne retrouve globalement pas vraiment de lien entre le stress et le cancer.

Sauf quelques cas particuliers, mais jamais cela ne concernent le cancer colorectal, celui qui touche Frédéric Evrard.

Les chercheurs ont remarqué que les sources chroniques (comme un harcèlement au travail) ou aigue (la perte d’un proche) de stress sont associé à l’augmentation de certains cancers, comme celui des poumons. Avons-nous la preuve que le stress serait le déclencheur ? Oui et non.

Si le stress chronique dégrade bien certains paramètres biologiques de l’organisme, on remarque que cette situation est souvent associé… au tabagisme. Oui, devant un stress majeur ou chronique, les comportements à risques (consommation de drogue, alcool et cigarette, avec une mauvaise alimentation) vont souvent de paires.

Après, la réponse n’est pas non plus tranché avec certitude. Mais on peut se poser la question d’une manière plus directe pour le cas de Frédéric Evrard. Car ce dernier met sa récidive sous le coup de la perte de sa maison en location.

On pourrait trouver ça étonnant pour un maître d’art martiaux depuis 40 ans, avec normalement une maîtrise de soi et un sang-froid exceptionnel, de voir dans cette situation un stress énorme (alors qu’ils n’ont aucun enfant à gérer, seulement un chien).

L’histoire des « nano-knives »

Vous êtes probablement nombreux à avoir découvert l’existence des « nano-knives » décrit comme le seul espoir pour se débarrasser du cancer de Frédéric Evrard.

La technologie n’a rien à voir avec des « couteaux », la traduction de knives, mais consiste à envoyer un choc électrique sur les cellules cancéreuses pour les détruire. La progression des connaissances technologiques permet aujourd’hui d’introduire des électrodes dans le corps humain pour cibler précisément les tumeurs, surtout difficiles d’accès (11).

On parle dans le cas de Frédéric Evrard d’électroporation irréversible qui entraîne la destruction des cellules. Mais on peut aussi réaliser des électroporations réversibles permettant aux produits chimio-thérapeutiques de rentrer plus facilement dans la membrane cellulaire.

Cette méthode est connue depuis plus de 20 ans mais gagne de plus en plus d’intérêt avec l’affinement des techniques, l’amélioration des machines et les nouvelles connaissances, pour traiter des maladies difficilement accessibles lors des opérations classiques.

Guy Tenenbaum et Frédéric Evrard misent beaucoup sur cette méthode pour se débarrasser définitivement de la grave récidive de ce cancer colorectal. Si les données sont plutôt encourageantes, des travaux montrent aussi des échecs possibles avec l’éradication incomplète de la tumeur entraînant une rechute plus rapide et aggressive de la tumeur (12)

C’est un peu ce que l’on observe avec les traitements standards : certaines personnes réagissent très bien avec une forte et rapide régression des tumeurs, quand cela n’aura aucun ou peu d’effets chez d’autres personnes.

Frédéric Evrard avance que l’électroporation irréversible pourrait détruire le gêne associé à son cancer et donc le protéger de la moindre récidive dans le futur.

L’affirmation paraît incroyable. Elle n’est pas infondée mais plutôt exagérée. Il y a effectivement des travaux qui montrent que les chocs électriques peuvent entraîner une sorte de thérapie génique.

Cela n’a en réalité rien de nouveau. Cette méthode permet de faciliter le transfert de matériel génétique dans les cellules, on parle alors de thérapie électro-génique, car l’ADN est très chargé électriquement.

Mais les données d’efficacité de cette méthode ne sont pas légion sur les cancers colorectaux. Les cancers du pancréas, de la prostate, de la peau et du foie sont les plus étudiés avec l’électroporation irréversible.

Les synthèses scientifiques concernant le traitement de métastases du foie à la suite d’un cancer colorectal montrent des résultats contrastés. On note des taux de réussite très importants quand la tumeur est de petite taille, inférieure à 3 cm, avec une limite d’environ 5 cm pour faire cette opération dans ce cas bien précis (13).

Sur un an de suivi, une étude a montré un taux de réussite de 100 % pour éviter les récidives en traitant des tumeurs de moins de 2 cm, avec une efficacité qui diminue à mesure que la taille de la tumeur augmente.

Car la méthode n’est pas aisée. Il faut être habile pour essayer de détruire la totalité des cellules cancéreuses, surtout dans le cas de masses tumorales importantes et en l’absence de chimiothérapie à la suite de l’opération.

La méthode n’est pas non plus miraculeuse contre les cancers de la prostate. On note entre 0 et 24 % de récidive en fonction des cas, des définitions et des travaux, avec une moyenne proche de 10 % (14).

Nous n’avons finalement aucune étude sur l’électroporation et le cancer colorectal. La seule à notre disposition concerne l’électro-chimiothérapie qui consiste à réaliser une électroporation réversible pour rendre la tumeur plus sensible à la chimiothérapie (15).

Cette étude est de phase 1. C’est donc malheureusement une étude de faisabilité pour vérifier si la méthode n’est pas dangereuse et si les patients répondent au traitement. Elle ne concernait que 7 patients.

Autrement dit, on ignore absolument tout de l’effet d’une électroporation irréversible dans le cas d’un cancer colorectal. Et encore moins pour un cancer aussi volumineux (9 cm) et mal placé. Vous imaginez bien que nous n’avons aucune idée des possibles traitements géniques avec ce procédé pour ce cancer.

Mais devant l’urgence et l’émotion, une levée de fonds a permis à Frédéric Evrard de réaliser cette opération avec une somme colossale de plus de 127 000 €. On ignore le coût des dépenses de santé.

Sur les traces du « samouraï » ?

Ces deux « patients-experts » partagent finalement des traits communs. Une guérison d’un cancer avancé dont les méthodes naturelles sont particulièrement mises en avant, tandis que les soins conventionnels sont mis de côté, parfois cachés, ou tout simplement décrédibilisés.

Guy Tenenbaum parle ainsi « d’erreur médicale » pour son orchidectomie, devenue impossible à cacher avec les révélations de mon enquête, alors que c’est un traitement de référence pour son cancer bien particulier.

L’histoire de Frédéric Evrard s’en approche.

Si ce maître des arts martiaux ne cache pas ses séances de chimiothérapies, ces dernières seront reléguées à un simple traitement anti-douleur, pour finalement admettre qu’elles ont été responsables de la forte régression de la tumeur quand la récidive est apparue.

Frédéric Evrard entretien un rapport très compliqué avec son parcours de soin et la vérité. Des chimiothérapies qu’il a refusé de faire, et qu’il accuse d’être responsable de sa récidive mais qu’il décide de refaire malgré tout.

L’expertise de Frédéric Evrard pose aussi question. Ses affirmations sur la diète cétogène, l’effet de la viande rouge sur le cancer ou sur les publications scientifiques de manière générale, montrent d’étonnantes contradictions et erreurs qu’un véritable « expert » ne ferait pas.

Sur la viande rouge dont Frédéric Evrard balaye les risques pour le cancer colorectal, on remarquera un changement significatif de son régime alimentaire après sa rechute et son opération. Ce dernier précise consommer dans une vidéo daté du 16 mai 2023 « surtout du poisson, un peu de bœuf ». Il détaillera son nouveau régime avec « beaucoup de poisson blanc, et du poulet » et « moins de viande. »

Un revirement plutôt étrange pour une personnalité convaincue de s’être soigné grâce à la viande rouge… avant de faire une terrible récidive.

Le parcours de Frédéric Evrard est donc, d’une certaine manière, relativement identique à celui de Guy Tenenbaum, ce qui explique un rapprochement très fort entre les deux hommes.

Ils ont avantageusement pu tirer profit des méthodes conventionnelles de la médecine, avec des traitements chimio-thérapeutiques de référence, de l’hormonothérapie ainsi que des opérations chirurgicales de pointe comme l’électroporation irréversible ou l’orchidectomie pour Guy Tenenbaum. Mais aussi des méthodes plus naturelles et controversées, dont certaines proposent de véritables promesses thérapeutiques très discutées sur le plan scientifique (comme la diète cétogène).

Je m’étonne aussi de voir des rapprochements entre des personnes qui défendent parfois des visions totalement opposées de la médecine et du soin. Frédéric Evrard se rapproche ainsi de Guy Tenenbaum, alors que ce dernier s’est illustré dans la lutte contre la promotion du régime cétogène, que Frédéric Evrard défend bec et ongle.

Frédéric Evrard se fie énormément, d’après ses dires, aux conseils de Maurice Israël qui estime pourtant la diète cétogène comme dangereuse… à l’exact opposé du professeur Thomas Seyfried qui lui croit dur comme fer à la diète cétogène mais ne croit pas aux cancers génétiques… qui semble être pourtant la cause choisie par tout ce petit monde…

C’est un véritable festival de contradictions où les opposés s’attirent.

Ces relations que j’estime presque malsaines, intellectuellement parlant, sont difficile à percevoir puisqu’il faut en général faire un imposant travail de recoupement d’informations sur des vidéos qui ont plusieurs mois ou années d’écarts.

Frédéric Evrard a donc choisi de lancer une sorte de formation pour partager ses connaissances très disaparates et approximatives sur la seule base de sa rémission. Une rémission fragile dont il ne cache pas les séances de chimiothérapie sur sa page officielle, tout en l’omettant soigneusement dans la 4ème de couverture de son livre sur Amazon.

Ce dernier précise que « contre l’avis des médecins, j’ai fait acte de foi et ai décidé d’utiliser des méthodes naturelles pour combattre ce cancer sans détruire mon corps ni mon système immunitaire. Ce livre vous expliquera tout en détail. »

Cette récidive arrive peut-être au plus mauvais moment pour Frédéric Evrard quand son image de marque est basée sur sa propre réussite. C’est un pari extrêmement risqué que de fonder son marketing sur une rémission avec un fort risque de récidive.

Surtout avec les antécédents familiaux très forts du maître des arts martiaux, mais aussi avec des séances de chimiothérapie incomplètes et l’absence d’opérations chirurgicales, ce qui augmente nécessairement les risques de récidives. Frédéric Evrard confirme dans sa vidéo avec Guy Tenenbaum avoir assumé de prendre ce risque.

Mais face à la récidive, Frédéric Evrard n’estime avoir commis aucune faute.

Ses trois chimiothérapies faites 3 ans plus tôt, cumulées avec sa génétique plus sensible et un stress majeur, en seraient à l’origine. Il refuse d’imaginer que d’avoir interrompu les séances de chimiothérapie, mais aussi d’avoir refusé les opérations chirurgicales et peut-être d’avoir consommé autant de viande rouge, avec un terrain aussi prédisposé aux cancers digestifs, seraient de graves erreurs.

Frédéric Evrard avance à plusieurs reprises être guéri de son cancer, comme en témoignent les nombreuses vidéos aux titres évocateurs et les multiples interviews chez de célèbres Youtubeurs.

Capture d’écran des différentes vignettes YouTube où Frédéric Evrard témoigne de sa rémission et guérison.

Des affirmations  nombreuses qu’il remet pourtant en cause dans son interview accordé à Thierry Casasnovas en novembre 2022, en rappelant que « je ne me considère pas comme guéri,  je n’ai plus de cancer ».

Mais Frédéric Evrard était-il seulement guéri ?

Il partage dans son ouvrage “Mon système immunitaire m’a sauvé du cancer” les résultats d’une IRM du 10 janvier 2021 qui ne montre plus de présence du carcinome proche de l’anus.

Toutefois, au cours de cette même interview avec Thierry Casasnovas, toujours disponible en ligne, ce survivant nous précise que ses douleurs n’ont jamais vraiment disparu. Il aurait depuis sa guérison toujours de la constipation, des diarrhées, du mucus ainsi que des douleurs… qui n’évoquent rien de bien rassurant, deux ans après la disparition du cancer, et la récidive qui arrivera rapidement après.

Une récidive placée à priori au même endroit que son primo-cancer, d’après les dires de Frédéric Evrard.

Finalement, Frédéric Evrard bénéficie d’une chance incroyable. Celle d’avoir pu bénéficier d’une somme colossale levée par ses amis avec des audiences importantes. Cette levée de fonds est indécente quand on sait qu’elle a été utilisée pour une opération chirurgicale dont l’intérêt médical n’a jamais été démontré pour ce type de cancer.

Cette levée de fonds s’inscrit dans un contexte où la santé aux USA est extrêmement dégradée, avec des prises en charge très coûteuses et qui nécessitent des assurances privées que Frédéric Evrard n’a jamais pris.

De nombreuses cliniques américaines réalisent des loteries pour tirer au sort qui pourra aujourd’hui bénéficier d’une chimiothérapie gratuitement…

Peut-être plus grave, mais le maître des art martiaux ne précise à aucun moment avoir fait des analyses poussées pour identifier une sensibilité génétique à ce type de cancer. Car il existe au moins deux formes génétiques identifiables avec une prise en charge particulière et adaptée pour limiter les risques et améliorer la prise en charge.

C’est d’autant plus gênant que l’on apprend au cours des nombreuses interview de Frédéric Evrard qu’il a eu des symptômes extrêmement évocateurs d’un cancer colorectal plusieurs mois avant son diagnostic, avec des douleurs et du sang dans les selles.

Des signaux, qui, en parfaite connaissance de cause de son terrain familial, ne l’ont pas inquiété nous précise-t-il, suspectant des “hémorroïdes pour une raison quelconque”.

Les généreux donateurs payent donc pour la négligence d’un homme qui n’a pas souhaité faire ce que la médecine conventionnelle lui proposait (avec une prise en charge complète en France). Pire, ce dernier précise dans sa plus récente vidéo publiée en mai 2023 que « ce que j’ai fait tout le monde peut le faire », oubliant peut-être, au passage, qu’il doit son salut potentiel à une levée de fonds de plus 127.000 €.

L’indécence.

D’ailleurs, il ne remercie à aucun moment ses généreux donateurs et définit son opération capitale des nano-knives de « petit coup de pouce », pour se corriger dans la foulée en parlant d’un « gros coup de pouce ».

Frédéric Evrard est décidemment sur les pas de son mentor et ami, Guy Tenenbaum, malmenant tous deux sans trembler les valeurs si prestigieuses du samouraï.

Du calvaire au décès

C’est la fin d’une histoire qui aura remué la sphère alternative autour du cancer et des traitements “naturels”. Mais Fred Evrard, personnage centrale de cette enquête, est décédé le 15 janvier 2024 aux USA.

On ignore aujourd’hui les causes réelles de son décès. Certains mentionnent les graves infections qu’il a contracté après son opération dites des “nano-knives” ou encore les chimiothérapies faites à la dernières minutes dans un élan de panique.

Nous n’aurons probablement jamais le fin de mot de cette histoire. Mais une chose est certaine : c’est bien la récidive de son cancer, très mal traité en première instance, qui a été à l’origine de la dégradation fulgurante de son état de santé, et de sa mort.

La dernière vidéo de sa femme, Lila Evrard, honore la mémoire de fred Evrard et notamment son implication dans le monde martiale. Mais cette vidéo témoigne aussi de la souffrance impensable qu’a subi Fred Evrard pendant une longue période.

Cette dernière précise que “ce qu’il a enduré tout au long de cette année passée a été inhumain, pas un jour sans douleur, pas un jour sans répit, une torture journalière, inimaginable.”

Alors que les chances de survie pour ce type de cancer étaient extrêmement bonnes (avec plus de 90% de survie sur 5 ans), Fred Evrard a choisi d’écarter la médecine conventionnelle (en suivant 3 uniques sessions de chimiothérapie) pour se soigner à base d’exposition au froid, de jeûne et de compléments alimentaires.

Mais face à l’urgence et la grave récidive, Fred Evrard n’a eu d’autres choix que de faire un volte-face et finalement admettre que ses chimiothérapies avaient bien permis de réduire la taille de sa tumeur, pour en refaire des nouvelles pour sa récidive.

Il a aussi choisi de tout miser sur une opération extrêmement coûteuse, les “nano-knives” ou l’électroporation irréversible, alors que cette méthode n’avait absolument aucune garantie de le sauver, mais comporter de très gros risques (dont des risques d’infections nosocomiales et de récidive fatale).

On retiendra de cette terrible histoire comment la vie d’un homme a été durablement écourté en suivant les méthodes alternatives sans discernement et combien il a pu souffrir en faisant ces choix.

On reste en contact ?

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7 commentaires
  1. “C’est un véritable festival de contradictions où les opposés s’attirent.”

    Quand on fait face à une situation tragique, mettant sa vie en danger sur le court terme, il est assez compréhensible qu’on cherche des explications à tous les stades d’évolution de la situation, aussi bien positifs que négatifs. Or cette quête effrénée d’explications incite à puiser dans tout ce qui circule, autrement dit tout et son contraire…

    Le problème ici, c’est que des personnes en proie à de telles dérives se donnent en spectacle, se présentent en exemple, allant même jusqu’à arnaquer d’autres à la recherche des mêmes “certitudes” !

    1. Bonjour Bernard,

      Quand tu dis “Or cette quête effrénée d’explications incite à puiser dans tout ce qui circule, autrement dit tout et son contraire…” je t’avoue que je ne suis pas vraiment d’accord. Je suis d’accord sur le fait que l’on puisse tenter à peu près tout, mais là on se retrouve face à des contradictions dans les idées qui sont très fortes. On parle quand même d’un individu qui a tout misé sur le régime cétogène (à base de viande quasiexclusivement) et qui s’entourent de “conseillers” qui estiment que le régime cétogène est dangereux. C’est quand même problématique sur le principe des idées. C’est un peu comme-ci j’attestais de l’intérêt de Warburg pour le traitement du cancer, en présentant les arguments contre les glucides (et dont certains sont parfaitement légitimes) pour la semaine suivant passé à un régime cru et vivant presque exclusivement à base de glucides car ça pourrait aussi marcher. Il y a un conflit à un moment donné.

      En revanche, essayer tous les nutriments, vitamines ou autre remède possible sans grand-écarts majeurs je suis d’accord et je comprends tout à fait oui !

      Je te rejoins pour le second point bien entendu. Cette mise en spectacle représente une forme de dérive surtout quand les parcours de santé sont tronqués et que les connaissances biologiques ou scientifiques sont très incomplètes voire mensongères !

      1. Bien sûr, je comprends cette objection. mais ce que je voulais dire, c’est que l’état de détresse d’une personne en danger peut l’amener à se satisfaire de dissonance cognitive. Même si cette personne, en d’autres circonstances, est parfaitement “rationnelle”. Ce que font probablement beaucoup de malades ou de personnes en danger, mais on ne s’en aperçoit pas tant qu’elles ne communiquent pas sur leurs croyances.

    1. Bonjour Michel,

      Très franchement, je pense que cela ne servira pas à grand-chose. Ils prennent très mal les investigations indépendantes sur eux, et rejettent souvent en bloc avec des attaques personnelles (Guy Tenenbaum, pas Fred Evrard à ma connaissance). J’ai pu voir ce que cela avait donné avec Guy Tenenbaum, et parfois la discussion est juste impossible. J’aime beaucoup avoir la version des principaux intéressés, mais je dois me résigner à ne pas l’avoir dans certains cas. Surtout que ces personnes s’expriment énormément sur YouTube, il y a beaucoup de matière.

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  2. Il est mort maintenant et si j’ai bien tout compris dans d’horribles souffrances. L’opération au “nanoknife”, et ses conséquences, ont été cataclysmiques. Il a finalement subi la stomie de laquelle il disait préférer se voir mort (et sans trop conjecturer il a peut être aussi accepté la chimio honnie). Pour moi, c’est une des nombreuses victimes des charlatans du cancer, charlatan qu’il fut lui-même. Paix à son âme car il est mort dans des conditions terribles (y compris devenir un quasi SDF).

    1. La fin de vie de Fred Evrard restera, je pense, remplie de doutes et d’interrogation.

      Mais quoi qu’il en soit, comme je le développe dans cette enquête, l’opération dite des “Nano-Knives” n’avait aucune utilité clinique démontré pour ce type de cancer (colorectal) et encore moins pour la taille de la tumeur (9 cm). Pire, cette opération risquée expose à de graves effets indésirables, et notamment une récidive encore plus fulgurante et fatale de la tumeur. Jamais un médecin en France n’aurait fait cette opération, où l’intérêt clinique pour les cancers colorectaux n’a jamais été démontré.

      Fred Evrard a été extrêmement mal conseillé dès le début de la prise en charge de son cancer.

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