Quand une célèbre marque de sex-toys utilise la douleur menstruelle des femmes pour vendre sous couvert d’étude clinique bidon… la pilule est dure à avaler.
Sommaire
Se masturber pour soulager les douleurs menstruelles
Pour une partie des femmes menstruées, cette période est synonyme d’anxiété et de douleurs abominables.
Le premier ou le second jour (voir plus) des menstruations s’accompagnent de douleurs perçantes dans le bas ventre, de véritables lames de couteaux qui se plantent par intermittence dans les entrailles.
On parle aussi des dysménorrhées.
Les témoignages des femmes touchées par ces formes extrêmement douloureuses ne laissent pas indifférents, que l’on soit un homme ou une femme, touchée ou non par des règles douloureuses.
Et les chiffres ne sont pas vraiment rassurants.
60 % des femmes menstruées expérimentent des règles douloureuses. C’est le problème de santé le plus répandue chez les femmes, et celui qui impacte le plus fortement la qualité de vie.
On estime qu’entre 2 et 28 % des femmes ont des douleurs sévères impliquant très souvent la prise d’antidouleur sur la durée.
Cette situation est d’autant plus déstabilisante que l’on ignore précisément les déclencheurs de ces douleurs intenses et sévères.
De nombreuses études apportent des résultats contradictoires incriminant dans un premier cas le surpoids, la consommation d’alcool ou le tabagisme et les innocentant dans un second temps.
La filiation pourrait avoir un rôle important dans ces douleurs aussi. C’est du moins une piste envisagée. Les mères atteintes de menstruations douloureuses auront davantage tendance à avoir des filles touchées par le même problème.
Au-delà des facteurs de risques suspectés, une composante plus psychologique est aussi possible. Manifestement, c’est une multitude de facteurs qui s’entremêlent et doivent certainement expliquer les douleurs que l’on observe chez de nombreuses femmes.
Règle douloureuse : le soja doit-il être évité pendant l’enfance ?
Les données scientifiques à notre disposition sont contradictoires et ne permettent pas d’établir le niveau de risque d’une exposition précoce de soja pour la douleur des menstruations. Par principe de précaution, les parents inquiets peuvent éviter les préparations infantiles à base de soja durant les 4 premiers mois de vie, et favoriser l’allaitement maternel ou d’autres alternatives. Mais les données à notre disposition sont parcellaires.
La masturbation comme antidouleur ?
En première intention, on retrouve bien sûr les traitements classiques contre la douleur avec les anti-inflammatoires non stéroïdiens (comme le fameux Antadys, ou le Voltarène, Ibuprofène, Diclofénac…) qui expose à des effets secondaires et dont la prise ne doit pas être trop régulière ni forte.
En seconde intention, et surtout en prévention dans le cadre de règles modérément douloureuse, on pourra se rabattre sur les remèdes de grand-mère (bouillotte d’eau chaude sur le ventre, des infusions de sauge) dont l’efficacité est incertaine.
Finalement, la masturbation fait son entrée sur le devant de la scène comme alternative thérapeutique saine et sans effet secondaire !
C’est la marque Womanizer qui met les pieds dans le plat avec la promotion de ses sex-toys féminins pour à la fois se faire plaisir et lutter contre les douleurs menstruelles !
À écouter les représentants de la marque, se masturber fréquemment avec un produit de chez Womanizer ferait un bien fou contre les dysménorrhées.
Mais ça, c’est juste de la communication basée sur des sondages que l’on va vous faire passer pour des études cliniques. Car aucune étude n’a jamais étudié l’association entre la fréquence des masturbations avec la fréquence et l’intensité des règles douloureuses.
L’arnaque du sex-toy contre les règles douloureuses
Si on en croit les promesses de la marque Womanizer, la masturbation pourrait être « un antidouleur naturel ».
L’origine de cette hypothèse ?
« Une étude clinique globale » conduite en mai 2020 qu’ils ont appelé « Menstrubation Study » pour mesurer l’effet des sex-toys et des cup de la marque sur la fréquence et l’intensité des règles douloureuses.
Deux chiffres sont mis en avant à la suite de cette étude clinique chez plus de 340 participantes :
- 90 % d’entre elles recommandent la masturbation pour combattre les douleurs menstruelles
- 85 % d’entre elles prévoient de se masturber plus souvent pour soulager des douleurs du bas ventre
Des résultats à faire jalouser les concurrents de la marque Womanizer qui propose un sex-toy qui stimule le clitoris avec de l’air propulsé sur la zone d’intérêt.
Womanizer ne s’arrête pas en si bon chemin.
L’utilisation régulière du sex-toy aurait été « particulièrement efficace pour réduire les crampes, les diarrhées, les maux de tête, les douleurs au sein, de l’abdomen, du bas du dos, les ballonnements… »
D’autres chiffres tombent. Là aussi, on souhaite vous vendre l’efficacité de la masturbation avec le sex-toy de Womanizer.
L’efficacité très relative des sex-toys
70 % des participantes (environ 240 femmes) ont répondu oui pour savoir si la masturbation régulière a eu un effet sur l’intensité des douleurs menstruelles.
Autrement dit, 30 % nous préviennent que cela n’a eu aucun effet.
Plus intéressant, mais parmi ces 240 femmes qui ont répondu oui, seulement 31 % (soit 74 femmes au total) affirment que la masturbation a beaucoup réduit l’intensité de leurs douleurs.
148 femmes en revanche précisent que cela a été un peu efficace.
En d’autres termes, sur les 341 participantes, 74 % d’entres elles affirment que la masturbation régulière avec le sex-toy de Womanizer n’a eu aucun voir un peu d’effet sur l’intensité des douleurs menstruelles.
Vu sous cet angle, cela n’a rien de très encourageant.
Et cela l’est encore moins si on regarde la fréquence de la douleur ressentie par les participantes. Seulement 15 % des participantes affirment que la masturbation régulière a réduit de beaucoup la fréquence de la douleur.
Alors la vaste majorité des autres participantes, 290 femmes (soit 85%) affirment que cela n’a eu aucun effet (58%) ou alors très léger (42%).
L’étude clinique fantôme
Womanizer précise bien qu’ils ont fait une « étude clinique globale » alors qu’aucune information ne transparaît sur ce sujet.
Pour faire une étude clinique chez l’homme, il faut des avis de comités de protection des personnes, mais aussi déclarer un protocole d’étude sur les registres officiel.
Mais on ne retrouve aucune étude ou protocole déposés sur le sujet de la masturbation et des douleurs menstruelles sur le site officiel Clinical Trial.
Je ne trouve aucune information relative à des études cliniques avec les termes “womanizer”, “masturbation menstrual pain”, ou “masturbation dysmenorrhea” ni avec le nom des investigateurs cliniques.
Il n’y a jamais eu d’étude clinique, mais une sorte de tambouille scientifique faite sur un coin de table sans sérieux ni rigueur qu’implique une étude clinique digne de ce nom.
Par exemple, nous n’avons aucune information sur les caractéristiques biologiques importantes des participantes : l’indice de masse corporelle, le tabagisme, l’activité physique et les activités récréatives comme la pratique de la masturbation.
Aucune gestion et contrôle des facteurs de risque qui sont connus non plus. L’étude n’a bien sûr pas été faite en aveugle, ce n’était pas vraiment possible, mais aucune randomisation des participantes en fonction de l’intensité et de la fréquence des douleurs.
C’est rédhibitoire.
Des bénéfices cliniquement discutables
Womanizer nous apporte quand même des données chiffrées qu’on peut discuter. Au mois de juin, les participantes ont estimé l’intensité des douleurs menstruelles sur une échelle de 1 à 10.
On ne sait pas si cette échelle est standardisée ni si elle a été validée par des travaux scientifiques.
On ne sait pas non plus comment les chiffres ont été obtenus. Manifestement c’est de l’automesure, donc subjective, donc fortement discutable.
Quoi qu’il en soit, on remarque au bout du compte une amélioration de 0.8 point entre le début et la fin de l’expérience.
Sur une échelle de 1 à 10, « l’amélioration » de moins d’un point n’a probablement aucune pertinence clinique.
On avait déjà eu l’amère expérience avec la maladie d’Alzheimer. Des médicaments autorisés qui avaient démontré des bénéfices statistiques minimes, et cliniquement insignifiants. Tellement insignifiants que ces médicaments ont été retirés du marché. Surtout à la lumière des risques potentiels sur la santé.
C’est la même chose pour la fréquence des douleurs menstruelles. Une réduction de 0.7 point sur une échelle de 1 à 10… C’est insignifiant. Statistiquement probablement identique. Cliniquement non pertinent.
Vendre des sex-toys sur la douleur des femmes
La « menstrubation study » souhaitant évaluer l’effet d’une masturbation régulière avec un sex-toy innovant sur les douleurs menstruelles est l’exemple édifiant d’une campagne marketing nauséabonde.
On utilise ici un levier efficace : la douleur.
Une douleur qui touche sévèrement de nombreuses femmes, chroniquement et qui peut conduire à la prise de médications poussée et handicaper fortement la qualité de vie.
On vous promet donc de remédier à ces douleurs en vous masturbant davantage. Pourquoi pas. Je ne pourrais pas vous dire que cela ne ferait pas du bien, mais pas dans une volonté thérapeutique pour des douleurs si particulières, intenses et changeantes.
Non. Surtout en réalisant des mensonges tels que la conduite d’une étude clinique. Womanizer n’a mené aucune étude clinique sur son appareil, avec toutes les garanties et sécurités médicales et scientifique qu’il se doit pour avoir des résultats fiables et sérieux.
Non, Womanizer s’est contenté de collecter des avis et des témoignages avec des échelles subjectives non standardisées et dont les bénéfices cliniques sont manifestement inexistants.
Certains témoignages, volontairement mis en ligne par la marque, illustrent le problème de ce produit. Il pourrait soulager très temporairement de la douleur, mais cela semble très passager et contraint la participante a rentrer dans un engrenage de masturbation répétée.
La possibilité d’associer le geste avec les douleurs menstruelles me dérange, mais je n’oserais me prononcer dessus.
Quoi qu’il en soit, on ne peut pas dire que le geste en lui-même (le sex-toy qui projette de l’air) soit vecteur de risque pour la santé. En l’absence de risque, on a envie de se dire pourquoi pas. Mais alors on informe loyalement les femmes et on réalise des études dignes de ce nom.
Sinon, c’est du charlatanisme.
Du marketing propulsé par la souffrance des femmes.
1 commentaire
Et pourtant le canard est tellement chouette !!