Un nouveau rapport de la FAO affirme que l'élevage est l'une des causes principales des problèmes d'environnement les plus pressants, à savoir le réchauffement de la planète, la dégradation des terres, la pollution de l'atmosphère et des eaux et la perte de biodiversité. A l'aide d'une méthodologie appliquée à l'ensemble de la filière, le rapport estime que l'élevage est responsable de 18 pour cent des émissions des gaz à effet de serre, soit plus que les transports. Toutefois, ajoute-t-il, le secteur peut aussi fournir une contribution importante à la résolution de ces problèmes, en apportant des améliorations substantielles à un coût raisonnable.
Sur la base des données les plus récentes disponibles, Livestock's long shadow prend en compte les impacts directs du secteur de l'élevage, ainsi que les effets sur l'environnement des changements d'utilisation des terres qui s'y rapportent et de la production de cultures fourragères destinées aux animaux. Le rapport constate que la croissance de la population et des revenus dans le monde entier, à laquelle vient s'ajouter l'évolution des préférences alimentaires, stimulent un accroissement rapide de la demande de viande, de lait et d'oeufs, tandis que la mondialisation alimente le commerce d'intrants et d'extrants.
Déforestation, gaz à effet de serre. Le secteur de l'élevage est de loin le plus gros utilisateur anthropique de terres. Le pâturage occupe 26 pour cent de la surface émergée de la terre, tandis que la production fourragère requiert environ un tiers de toutes les terres arables. L'expansion des parcours pour le bétail est un facteur clé de déboisement, en particulier en Amérique latine: quelque 70 pour cent de terres boisées de l'Amazonie servent aujourd'hui de pâturages, et les cultures fourragères couvrent une grande partie du reste. Environ 70 pour cent de tous les pâturages des zones arides sont considérées comme dégradées, surtout à cause du surpâturage, de la compaction des sols et de l'érosion imputables aux activités de l'élevage.
Par ailleurs, le secteur de l'élevage a un rôle souvent méconnu dans le réchauffement de la planète. A l'aide d'une méthodologie appliquée à l'ensemble de la filière (voir encadré ci-dessous), la FAO a estimé que l'élevage est responsable de 18 pour cent des émissions des gaz à effet de serre, soit plus que les transports ! Il représente 9 pour cent des émissions anthropiques de dioxyde de carbone, dont l'essentiel est dû à l'expansion des pâturages et des terres arables pour les cultures fourragères, et engendre des émissions bien supérieures d'autres gaz ayant un potentiel de réchauffement de l'atmosphère: 37 pour cent de méthane anthropique, pour la plupart provenant de la fermentation entérique des ruminants, et 65 pour cent d'hémioxyde d'azote, découlant principalement du fumier.
La quantité d'animaux destinés à la consommation représente également un péril pour la biodiversité de la Terre. Les animaux d'élevage constituent environ 20 pour cent de la biomasse animale terrestre totale, et la superficie qu'ils occupent aujourd'hui était autrefois l'habitat de la faune sauvage. Dans 306 des 825 écorégions terrestres identifiées par le Fonds mondial pour la nature (WWF), les animaux de ferme sont identifiés comme "une menace", tandis que 23 des 35 points chauds du monde pour la biodiversité de Conservation International - caractérisés par de graves niveaux de perte d'habitats -ressentent de l'élevage.
Deux demandes. Selon la FAO, "l'avenir de l'interface élevage-environnement dépendra de la manière dont nous résoudrons l'équilibre entre deux demandes: de produits animaux pour l'alimentation, d'une part, et de services environnementaux, d'autre part ". La base de ressources naturelles n'étant pas infinie, la considérable expansion du secteur de l'élevage nécessaire pour répondre à la demande croissante doit être affrontée, tout en réduisant sensiblement son impact sur l'environnement.
Une meilleure efficacité d'utilisation des ressources sera la clé pour "diminuer l'ombre portée par l'élevage". Même s'il existe une multitude d'options techniques efficaces- en matière de gestion des ressources, de production agricole et animale, et de réduction des pertes après récolte (voir encadré ci-dessous), les prix actuels des terres, de l'eau et des ressources fourragères utilisées pour la production animale ne traduisent pas les véritables limitations de ressources, créant des distorsions qui n'incitent guère à leur utilisation efficace. "Ceci porte à la surexploitation des ressources et à de grosses inefficacités dans le processus de production", dit la FAO. "Les politiques futures de protection de l'environnement devront donc introduire une tarification adéquate sur le marché pour les principaux intrants".
L'élimination des distorsions de prix au niveau des intrants et des produits améliorera l'utilisation des ressources naturelles, mais pourrait ne pas suffire dans la plupart des cas. Livestock's long shadow affirme que les externalités environnementales, à la fois négatives et positives, doivent être expressément prises en compte dans le cadre stratégique. Les possesseurs de bétail qui fournissent des services environnementaux doivent être indemnisés, soit par le bénéficiaire immédiat (comme les usagers en aval qui jouissent d'une meilleure quantité et qualité de l'eau), soit par le grand public. Parmi les services qui pourraient être rémunérés figurent la gestion des terres ou les utilisations des terres qui restaurent la biodiversité, et la gestion des pâturages qui prévoit la fixation du carbone. Des mécanismes de dédommagement doivent être mis au point entre les pourvoyeurs d'eau et d'électricité et les pasteurs qui adoptent des stratégies d'aménagement des pâturages réduisant la sédimentation des réservoirs d'eau.
De même, les propriétaires de troupeaux qui rejettent des déchets dans les cours d'eau ou de l'ammoniac dans l'atmosphère, devraient payer les dégâts qu'ils occasionnent. Appliquer le principe du "pollueur-payeur" ne devrait pas présenter de problèmes insurmontables pour les contrevenants, étant donné la demande en plein essor de produits animaux.
Pression des consommateurs. Enfin, dit la FAO, le secteur de l'élevage est généralement régi par divers objectifs de politique, et les décideurs ont du mal à affronter les problèmes économiques, sociaux, sanitaires et environnementaux en même temps. Le fait que tant de gens dépendent de l'élevage pour vivre limite les options de politiques disponibles, et comporte des choix difficiles et politiquement sensibles.
L'information, la communication et l'éducation joueront un rôle déterminant pour renforcer la "volonté d'agir". Forts de leur influence croissante, les consommateurs devraient être la principale source de pression commerciale et politique "pour orienter le secteur de l'élevage vers des formes plus viables à long terme", dit le rapport Livestock's long shadow. Déjà, la prise de conscience grandissante des menaces pour l'environnement se traduit par une demande croissante de services environnementaux: "Cette demande, en partant de problèmes immédiats- comme la réduction des nuisances des mouches et des odeurs - s'étendra vers des demandes intermédiaires d'air pur et d'eau propre, puis vers les préoccupations environnementales à plus longue échéance, notamment le changement climatique et la perte de biodiversité".