Il est l’aliment naturel et idéal pour tous les nourrissons. Si le lait maternel apparaît comme le Graal de la nutrition infantile, ses bienfaits reposent sur des évidences scientifiques délicates à interpréter où mêmes les responsables à l’OMS reconnaissent leurs limites et leur portée. Une enquête sur une question tabou.
La question tabou
La question est provocante. L’OMS ne cesse de rappeler l’importance de l’allaitement maternel durant les 6 premiers mois de vie pour apporter le meilleur à son enfant.
On le sait tous.
On l’entend et le lit partout. Même ici, sur Dur à Avaler. J’écrivais il y a quelques années un article complet sur les bienfaits de l’allaitement maternel et comment affronter les difficultés pendant cette épreuve.
Bien avant, je rédigeais une charge contre le lait infantile industriel tout en parlant d’un « lait idéal en toutes circonstances » pour celui extrait directement des seins des mamans.
J’ai aussi fait l’éloge d’une décision majeure de plusieurs journaux scientifiques d’interdire la publicité des préparations infantiles industrielles, malgré l’énorme perte financière.
Vous aviez aussi découvert comment certaines mamans, avec l’aide des papas, pouvaient allaiter jusqu’à des âges improbables… 6 ans !
En bref, c’est un sujet qui a été régulièrement abordé, mais a-t-il été seulement creusé dans le détail ? N’est-ce pas là l’essence de ce travail d’investigation ? Remettre ses idées reçues en question ?
Voilà le contexte de cet article. Une enquête sur les bienfaits de l’allaitement maternel qui sera extrêmement prudente. Car elle ne devra absolument pas servir de marchepied pour l’industrie des préparations infantiles.
Mais aujourd’hui, je réalise la portée des nombreux témoignages de mamans qui se trouvent dans l’impossibilité d’allaiter et qui affrontent des vagues de jugements négatifs extrêmement culpabilisants.
Voici les derniers chiffres durant les 7 premiers jours de maternité et au 2ème mois de vie sur la part de :
- l’allaitement maternel exclusif
- mixte (maternel et artificiel)
- exclusivement artificiel
L’évidence du lait maternel
Le lait produit par les mamans humaines est fait pour les nourrissons humains. C’est une évidence, une lapalissade de première catégorie. Donner l’alimentation idéale à son enfant le plus longtemps possible serait un gage de le faire démarrer de la meilleure façon possible dans la vie.
On entend très souvent que le premier lait, le colostrum, est un « vaccin naturel » qui transmet toute l’information immunitaire de la mère à son nouveau-né.
L’amélioration du système immunitaire est bien souvent le point majeur soulevé par l’allaitement maternel. Vous garantirez – en quelque sorte – de protéger au mieux votre bambin des infections respiratoires, gastro-intestinales, des allergies, etc.
Nous avons tous dans nos entourages ces parents qui attestent que leurs enfants bien allaités ne sont jamais malades.
Mais on a aussi tous entendu l’inverse. J’en suis personnellement le parfait contre-exemple. En très bonne santé, sans surpoids, ni aucune maladie particulièrement pénible ou invalidante, et je n’ai jamais été allaité.
Sauf qu’il ne faut pas tomber dans le travers du fumeur qui n’a jamais eu de cancer des poumons. Ce n’est pas parce que notre cas invalide une théorie que cette théorie devient invalide. Ce serait trop simple, et on commettrait une gravissime erreur de raisonnement.
Non, en fait, nous devrions faire ce qu’on fait plutôt régulièrement ici, et étudier la littérature scientifique qui compare les enfants, les adolescents et les adultes allaités ou non.
Et vous allez vous rendre compte que malgré l’immense consensus scientifique et médical sur ce sujet, les études scientifiques offrent beaucoup de matière à discussion. Une discussion qui doit servir l’intérêt général des mamans, des papas, des nouveau-nés et de toute la société.
Donc, on retient que l’idée n’est pas de nier l’évidence, mais de jauger au mieux ce qu’on peut réellement attendre d’un allaitement maternel, en estimant avec plus de précision la portée de cette “évidence”.
Artificiellement pratique
Avant cette poudre blanche, nous n’avions pas 36 solutions pour nourrir les nouveau-nés. Il fallait du lait maternel, de la mère si c’était possible. Si maman n’en était pas capable, des nourrices s’occupaient de sustenter les nourrissons affamés tandis que d’autres improvisaient des « laits maisons » avec des conséquences désastreuses sur leur santé.
C’est Henri Nestlé qui sera à l’origine de la seconde « farine lactée » pour les enfants (mais aussi les « vieillards ») qui remportera le plus de succès. Un succès si important que cette boisson sera la première pierre de l’empire Nestlé. Il sera donc né sur le dos des nourrissons.
L’évolution de la société fera le reste. Ce lait artificiel rend la vie plus facile et permet de combler des impossibilités d’allaitement chez de jeunes mamans. Mais l’industrie ne laisse pas la machine s’emballer sans coup de pouce.
Les lobbies industriels et scientifiques s’activent pour faire pérenniser un business pharaonique de plusieurs milliards de dollars. L’industrie du lait infantile a utilisé tous les rouages possibles et imaginables pour faire perdurer et prospérer son commerce (1, 2, 3).
Des méthodes identiques à celles de l’industrie du tabac.
- Publicité et promotion des formulations lactées
- Financement des études sur ces formulations et des professionnels de santé
- Création d’un réseau et d’un lobbying efficace
- Fondation de groupes d’intérêts entre industriels pour avoir plus de poids
Cette industrie a ciblé toutes les personnes morales ou physiques possibles pour tisser une toile profonde et difficile à se débarrasser.
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5 commentaires
Bonjour,
S’il est vrai que des études sérieusement menées peuvent être utiles à la cause, je reste convaincue que la motivation initiale de la jeune maman est le meilleur argument.
J’ai moi-même allaité des jumeaux pendant plus de 2 ans et ma fille jusqu’à 9 mois, c’est elle qui n’a plus voulu le sein.
Outre les bienfaits reconnus sur la santé, c’est aussi d’organisation qu’il faut parler: le lait est toujours prêt et il est très facile, quasiment en toute circonstance, d’allaiter son enfant en toute discrétion, même si l’on est très pudique.
Pour ma part, à aucun moment je n’ai regretté ce choix de proximité avec mes enfants, ce côté animal qui dégoûte certains est pourtant si naturel, si évident. Le lâcher-prise qu’il déclenche est propice à des moments de bonheur très privilégiés, irremplaçables et inoubliables.
Bonjour, article intéressant, mais je reste sur ma fin, sans conclusion car, comme je l’ai compris, manque d’études scientifiques fiables.
Nonobstant, il me semble que lÊtre humain est un mammifère, et dans cette famille le principe naturel pour nourrir les nouveaux nés, c’est l’allaitement maternel !!!!!
Quel peut être la signification d’avoir absolument des preuves scientifiques sur l’allaitement maternel ?
est ce que ces recherches ne serviraient pas plutôt aux firmes agro-alimentaires ?
Est ce que le bon sens doit impérativement être prouvé scientifiquement ?
Bien à vous, P.Sachot
Bonjour Patrick,
Merci de ton intervention !
J’espère avoir pris les précautions suffisantes pour ne pas cet amalgame : c’est l’évidence même que le lait de la maman humaine et fait pour le bébé humain. Il est fait pour le bébé, mais est-il un monstre de vertus et de protections ? C’est ça la vrai question. Si tu restes un peu sur ta fin, c’est parce que l’article n’est pas encore terminée, le second volet arrive bientôt.
Mais la question peut se poser, et surtout doit se poser, car il n’y a jamais de mauvaise question, que des mauvaises réponses ! Les firmes agroalimentaires sont bien sûr une plaie dans ce milieu et usent d’un lobbying que je dénonce dans cette enquête.
Mais le “bon sens” doit aussi être analysé avec rigueur. Par exemple, les fruits sont bon pour nous, n’est-ce pas ? C’est plutôt du bon sens ! Pourtant, nous pourrions tous mourir empoisonné dans une forêt si on mange n’importe quel fruit ! La nature n’est pas toujours si bien faite et des risques existent.
Des risques par exemple peuvent exister si on consomme de l’alcool, des drogues et qu’on allait en même temps. Quel sera l’idéal dans cette situation ? Une question délicate qui invite à la nuance mais à ne surtout pas remettre en cause l’évidence, et le bon sens. Ceci étant dit, on peut légitimement se poser des questions, sur l’immunité et les protections à long terme que l’on pourrait attendre d’un important investissement pour son enfant. Surtout dans nos sociétés où, force est de constater, on s’éloigne plutôt énormément ce que ferait notre espèce “dans la nature” !
Au plaisir de te lire
Merci pour cet article, qui peut permettre de vraiment soulager les mamans qui ne souhaitent pas allaiter.
Une petite précision: quand les études se fondent sur des essais avec des bébés prématurés, c’est vraiment tres complexe à analyser. D’abord car on sait maintenant que le lait maternel protège des infections intestinales de type sepsis, et j’ai vu un professeur en néonatalogie nous dire que la certitude est telle que d’un point de vue éthique, même si la mère ne veut pas allaiter, on va se retrouver à avoir recours aux banques de lait car il en va littéralement de la vie du bébé.
Et puis 4 mois de tests pour un bébé prématuré, il faut aussi considérer l’âge corrigé, et la maturation des organes durant les dernières semaines de grossesse.
Pour ma part, j’ai eu des jumeaux prémas, qui n’ont pas pu bénéficier du calostrum ni de lait maternel durant les deux premières semaines, mais par la suite allaités en exclusif jusqu’à 6 mois et demi, puis diversification + allaitement jusqu’à deux ans. Ils sont tombés malades pour la première fois à 7 mois et demi (soit un mois après le début de la diversification), mais en même temps ça correspondait aussi au printemps et au déclenchement des allergies (bronchiolites, bronchospasmes).
Merci beaucoup!
Bonjour Julie-Axelle,
Merci de ce commentaire ! L’étude citée dans cette enquête sur les grands prématurés divisés en deux groupes (lait maternel d’une banque de don versus lait artificiel) ne montre pas de différence sur la mortalité. Mais, l’étude montre bien la forte protection contre les entérocolites nécrosantes (deux fois moins de cas avec le lait maternel) sans pouvoir montrer de protection contre les sepsis à long terme (avec une incertitude vu les marges d’erreurs). Il n’y a pas eu de différence sur le temps d’hospitalisation non plus.
Après cette étude n’est pas parfaite -elle a toutefois corrigé par l’âge bien sûr- mais confirme les précédentes dans les grandes lignes. Je ne suis pas au courant des diverses pratiques lors de la prise en charge des grands prématurés je dois dire. Cela doit dépendre des stocks disponibles ? Des connaissances ou des recommandations cliniques ?
A te lire.